Le dépistage par PSA, en identifiant de nombreux cancers ne nécessitant pas de traitement, tend à générer un excès de traitement. C'est ce qui a amené la Haute Autorité de santé (HAS) à déconseiller le dépistage généralisé en France.
Toutefois, le dépistage permet de réduire la mortalité de l'ordre de 20 % à 13 ans de suivi selon une récente étude européenne (1). En effet, le cancer de la prostate n'est pas une maladie univoque. Il faut distinguer deux grands types de cancers : les cancers bien différenciés correspondant à une forme de vieillissement d'évolution très lente, rarement mortelle, et les cancers moins différenciés, plus agressifs. C'est le score de Gleason qui permet de poser l'indication de traitement avec le taux de PSA et l'âge. Dans les cancers à faible risque d'évolution sous surveillance active, les taux de survie spécifique à 10 ans dépassent les 98 % selon les résultats de deux études prospectives (2, 3). De même, dans l'étude PIVOT réalisée chez 700 patients ayant un score de Gleason inférieur à 6, à 15 ans, la survie spécifique n’est pas meilleure après ablation que sous surveillance active (4). Il en va de même dans l'étude britannique ProtecT (5).
Les recommandations européennes et américaines mettent sur le même niveau d'efficacité la surveillance active et le traitement curatif dans les formes de bon pronostic. Cela est le cas pour 30 à 50 % des cancers de la prostate diagnostiqués en France. Mais il reste à éduquer les patients et à encourager les praticiens à bien expliquer les différentes options. Une étude européenne, ERSPC, avait mis en évidence une réduction de la mortalité d’environ 20 % grâce au dépistage, alors qu’une étude américaine, PLCO n’en montrait aucun bénéfice. Une analyse réalisée par A. Tsodikov et coll. a donc cherché à comprendre et à comparer les résultats de ces deux travaux (6). La différence s’explique par le fait que les hommes du groupe dépistage de l’étude PLCO n’ont pas tous réalisé le dosage de PSA, alors que les hommes du groupe témoin avaient, pour certains, fait procéder à des dosages, ce qui a biaisé les résultats. Les patients du groupe placebo ont eu une évolution très proche de celle des patients affectés au dépistage, et l’étude ne permet pas de conclure. En prenant en compte le taux de dosages effectivement réalisés, l’analyse conclut que le dépistage réduit le risque de mortalité par cancer de la prostate de 25 à 32 %.
La surveillance active, dans les cancers localisés
Deux études observationnelles publiées dans le « JAMA » dressent un tableau complet des effets secondaires associés aux différentes stratégies de traitement du cancer localisé de la prostate : prostatectomie, radiothérapie, curiethérapie ou surveillance active. Il en ressort que la surveillance active reste une option viable qui préserve la qualité de vie des patients touchés par cette pathologie avec un risque d'évolution parfois très faible. Dans la première étude les auteurs ont inclus les données d'un registre de 2 550 patients (7). Après un suivi de 3 ans, la prostatectomie radicale a été associée à une diminution plus importante des fonctions sexuelles et un plus grand risque d'incontinence urinaire. La curiethérapie ou la radiothérapie s’est accompagnée de davantage de symptômes irritatifs, sans différence en ce qui concerne les fonctions hormonales et ano-rectale. Dans la seconde étude, RC Chen et coll. ont montré qu’après chirurgie, les scores de dysfonction érectile sont aggravés et le risque d'incontinence est augmenté (8). La radiothérapie ou la curiethérapie apparaissent associées à une aggravation de l'obstruction urinaire ou à une irritation. Enfin, une augmentation des troubles des fonctions ano-rectales est observée après radiothérapie. Au terme de 2 ans, les différences entre les options thérapeutiques s'estompent. Dans l’éditorial associé aux deux études, les auteurs estiment que « plus de 3 décennies de tests PSA ont conduit à un excès de traitement des cancers de la prostate à un stade peu avancé », et que « nous manquons encore de données de bonne qualité pour informer objectivement les patients des risques associés aux différents traitements » (9).
1) Schroder FH, et al. Lancet 2014; 384(9959): 2027-35.
2) Klotz L, et al. J Clin Oncol 2015; 33(3): 272-7.
3) Tosoian JJ, et al. J Clin Oncol 2015; 33(30): 3379-85.
4) Wilt TJ, et al. N Engl J Med 2017; 377(2): 132-42.
5) Hamdy FC, et al. N Engl J Med 2016; 375(15): 1415-24.
6) Tsodikov A, et al. Ann Intern Med 2017; 167(7): 449-55.
7) Barocas DA, et al. Jama 2017; 317(11): 1126-40.
8) Chen RC, et al. Jama 2017; 317(11): 1141-50.
9) Hamdy FC, Donovan JL. Jama 2017; 317(11): 1121-3.
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