Le couple glymphatique-lymphatiques méningés n'en finit pas de surprendre ces dernières années. Une étude menée par l’École de médecine de Yale aux États-Unis en collaboration avec l’INSERM révèle, cette fois, dans « Nature » comment la stimulation du réseau lymphatique méningé peut aider à lutter contre le glioblastome.
Suite à un traitement pour augmenter le calibre et la couverture des vaisseaux lymphatiques dans les méninges, les scientifiques ont constaté dans un modèle murin que la tumeur disparaissait. Cette manipulation consistait à administrer dans le liquide céphalorachidien (LCR) un facteur de croissance lymphatique, le VEGF-C. Plus important encore, l'association de VEGF-C à une immunothérapie a permis d'augmenter significativement la survie des animaux, même s'il n'y a pas d’éradication de la tumeur.
Ces résultats suggèrent une approche originale dans le traitement de ces tumeurs cérébrales fréquentes et au pronostic souvent défavorable. Le bénéfice du traitement, qui associe chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie, reste actuellement modeste en termes de survie, environ 18 mois.
« Dans le modèle murin, l'effet du VEGF-C sur les tumeurs cérébrales est considérable, explique au "Quotidien " Jean-Léon Thomas, chercheur INSERM à l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) et co-auteur sénior avec Akiko Iwasaki (université de Yale) et Eric Song. Le rôle physiologique du réseau lymphatique méningé garde encore des mystères. Mais notre étude préclinique suggère que le fait de renforcer ce réseau, en administrant un facteur de croissance lymphatique dans le LCR, permet d'augmenter le trafic des antigènes tumoraux depuis les méninges vers les ganglions lymphatiques ».
Une circuiterie originale
Le système lymphatique a une fonction de drainage-nettoyage des tissus et de contrôle de la réponse immunitaire au niveau des ganglions lymphatiques. « Le cerveau n'a pas de système lymphatique, explique Jean-Léon Thomas. C'est très récemment en 2015, que le réseau vasculaire lymphatique méningé a été caractérisé chez les mammifères, primates humains et non humains. Puis, en 2016 et 2019, des travaux ont révélé comment ces vaisseaux étaient capables de récupérer le LCR et quel impact entraînait leur manipulation dans des modèles murins de pathologies du système nerveux, comme la maladie d'Alzheimer et la sclérose en plaques ».
Cette circuiterie de vaisseaux lymphatiques, à l'extérieur du parenchyme cérébral et spinal mais à l'intérieur de la boîte crânienne, sillonne les méninges au niveau de la dure-mère. C'est le liquide céphalorachidien (LCR), qui assure le lien entre cerveau et réseau lymphatique, car ce dernier circule à la fois dans les méninges et le parenchyme cérébral (voir plus loin).
Un effet régional sans altération de la barrière hémato-encéphalique
Ce réseau méningé complète un autre système : le système glymphatique (pour glia-lymphatique), décrit en 2012 par l'équipe de Maiken Nedergaard à New-York. « C'est au niveau des espaces périvasculaires et des astrocytes du parenchyme cérébral, que le LCR circule et draine les espaces intersticiels cérébraux, poursuit le chercheur. Dans ce processus de nettoyage, où le LCR rentre et sort, il est important de bien distinguer les deux systèmes, le premier glymphatique et intracérébral, et le second méningé ».
Dans l'étude, les scientifiques ont injecté le VEGF-C en intrathécal dans la cisterna magna, cet espace rempli de LCR situé en arrière du cervelet. « L'effet du facteur de croissance reste limité au cerveau, rapporte Jean-Léon Thomas. Le VEGF-C administré en intrathécal, aux doses utilisées, ne joue pas sur d'autres vaisseaux lymphatiques du corps. Il ne perturbe pas non plus la barrière hémato-encéphalique, n'augmente pas la perméabilité des vaisseaux sanguins cérébraux et ne provoque pas d'œdème intracérébral, qui sont les inconvénients majeurs de l'autre facteur de croissance vasculaire bien connu, le VEGF-A ».
L'équipe a observé que des antigènes tumoraux sont ensuite retrouvés au niveau des macrophages des ganglions, probablement transférés via les cellules immunitaires, et qu'il s'opère une entrée massive de cellules T-CD4 et CD8, absentes dans des conditions normales, dans l'environnement de la tumeur.
D'autres indications possibles
« Le VEGF-C n'est pas encore utilisé chez l'homme, indique le chercheur. Il a une demi-vie courte, c'est pourquoi nous travaillons sur l'administration d'ARN messager, afin de permettre aux tissus de produire ce facteur de façon plus durable et efficace. C'est un facteur de croissance à manier avec précaution car, au-delà d'une certaine dose, il peut agir sur les vaisseaux sanguins et avoir un impact pro-œdémateux et pro-inflammatoire. Cela serait intéressant d'identifier des molécules alternatives très spécifiques afin de limiter le risque d'augmenter la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique ».
Le facteur VEGF-C suscite par ailleurs l'intérêt dans d'autres indications du système nerveux central, notamment l'accident vasculaire ischémique et les maladies neurodégénératives, telles que l'Alzheimer, le Parkinson ou le Huntington.
E Song et al. Nature. DOI:10.1038/s41586-019-1912-x
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