C’est une figure bien connue du monde de la cancérologie qui a rejoint en septembre l’Institut national du cancer (INCa) à la direction de la recherche et de l’innovation : chef de service d’hématologie biologique de l’Hôpital Saint-Louis, le Pr François Sigaux a notamment été directeur de l’Institut Universitaire d’Hématologie, vice-président de l’Institut Curie et président du Cancéropôle Ile-de-France.
« Nous n’allons pas conduire une politique de rupture. De nombreuses actions, lancées dans le cadre du plan cancer 2, seront poursuivies dans le cadre du plan cancer 3. Simplement, nous allons faire un certain nombre de choix sur des thématiques fortes, en ayant toujours comme feuille de route le principal objectif du troisième plan cancer : la baisse de l’incidence et de la mortalité des cancers dans notre pays. Plus que jamais, cet objectif sera au cœur de la politique scientifique de l’INCa », explique le Pr Sigaux.
Recherche multidisciplinaire
Il tient aussi à insister sur sa volonté de s’appuyer sur les points forts de l’ensemble de la recherche française, en menant une politique scientifique largement multidisciplinaire. « Je souhaite que l’INCa puisse travailler de manière encore plus étroite avec l’INSERM et bien sûr l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et la santé (AVIESAN) », indique le Pr Sigaux. Fondée en 2009, cette Alliance regroupe tous les grands acteurs de la recherche : le CEA, les CHRU, le CNRS, l’INRA, l’INSERM, l’IRD, l’Institut Pasteur, l’INRIA et la CPU. Pour conduire la recherche sur le cancer, AVIESAN a créé un Institut multi-organismes cancer (ITMO Cancer), également dirigé par le Pr Sigaux.
Sa volonté est de mener une politique scientifique globale : « cela ira de la recherche fondamentale, biologique, mathématique aux sciences humaines et sociales en passant bien sûr par la recherche interventionnelle. Il faut aller de la biologie innovante jusqu’à la recherche clinique, en s’intéressant également aux travaux visant à améliorer l’organisation des soins », indique le Pr Sigaux.
Prévention
Un premier axe fort sera développé dans le domaine de la prévention. « C’est un domaine clé sur lequel on doit agir fortement si on veut réduire l’incidence et la mortalité des cancers. Notre volonté est de focaliser largement notre action sur le tabac. Cela ne veut pas dire qu’on ne va pas s’intéresser à d’autres facteurs de risques environnementaux. Mais, à un moment, il faut faire des choix. Et il nous a semblé crucial d’avoir une mobilisation pluri-annuelle sur le tabac pour tenter de comprendre, notamment via les sciences humaines et sociales, pourquoi il continue à faire autant de ravages en France. Il faut bien reconnaître que le Plan cancer 2 n’a pas permis d’avancer beaucoup sur le tabac et il nous faut comprendre pourquoi les messages ne passent pas dans la population ou nous interroger sur le poids de certains lobbys », précise-t-il.
Dépistage précoce
Autre priorité, le dépistage précoce. « Là encore, c’est un domaine d’intervention prioritaire si on veut faire baisser l’incidence et la mortalité des cancers que n’arrivons que très mal à guérir aujourd’hui », indique le Pr Sigaux.
Précision
« Dans le domaine des traitements, l’avenir est bien sûr au développement de la médecine de précision. Cela passe par une meilleure connaissance biologique de la tumeur et des différentes mutations qui peuvent survenir. Le développement de cette médecine de précision sera une des actions phare que nous allons conduire avec l’ITMO cancer, avec une volonté de laisser une large place à l’innovation, indique le Pr Sigaux. Mais il faut aussi qu’on puisse aller au-delà de la génomique et avoir une vision plus intégrée de la tumeur ».
Le Pr Sigaux insiste aussi sur l’importance à accorder à l’immunothérapie. « Il s’agit d’un domaine d’intérêt majeur. Nous sommes sur le point de comprendre pourquoi le système immunitaire, dans certains cas, est amené à s’endormir et ne pas pouvoir empêcher l’apparition des tumeurs. Nous avons aujourd’hui des résultats, notamment d’équipes françaises, très prometteurs dans ce domaine. Et nous devons tout faire pour que cette immunothérapie puisse être accessible au plus grand nombre de patients ».
Égalité des soins
Ce dernier objectif ne concerne d’ailleurs pas que la seule immunothérapie. « La France est certainement un des seuls pays au monde qui soit en mesure d’essayer d’atteindre cet Everest que constitue un accès égal de chaque patient à l’innovation thérapeutique sur l’ensemble du territoire. Cet objectif majeur du Plan cancer 3 va nous conduire à renforcer notre structuration de la recherche, en lien étroit avec les cancéropôles et les Sites Intégrés de Recherche en Cancérologie (SIRIC), programme phare de l’INCa », indique le Pr Sigaux.
En conclusion, ce dernier tient à insister sur deux points. « Je tiens à rassurer toux ceux qui, au sein de la communauté scientifique, craignent qu’on ne cherche à brider l’inventivité des chercheurs. Ce n’est bien sûr pas notre intention et je tiens à préciser que, sur l’ensemble des appels de l’INCa, 50 % seront dédiés à la recherche fondamentale. Nous avons aussi l’intention de mener, comme cela est indiqué dans le Plan cancer, une action transversale dans le domaine de pédiatrie et de développer la recherche sur les tumeurs des enfants ».
D’après un entretien avec le Pr François Sigaux, directeur de la recherche et de l’innovation à l’Institut national du cancer
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