Cancer bronchique non à petites cellules

L’essor des inhibiteurs de l’EGFR

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Publié le 16/02/2017
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Les inhibiteurs de l’EGFR sont connus depuis une vingtaine d’années, mais les premières évaluations, à la fin des années 1990, avaient été décevantes car il n’était alors pas possible de distinguer les patients qui en tireraient bénéfice ou non. « C’est la découverte, au début des années 2000, des mutations de l’EGFR au niveau des exons 19 et 21 qui a permis d’identifier les patients répondeurs, rappelle le Pr Denis Moro-Sibilot (CHU Grenoble), ce qui a d’ailleurs conduit à une modification de l’autorisation de mise sur le marché de l’erlotinib, dont les indications assez larges initialement ont été restreintes secondairement aux patients présentant ces mutations. Les molécules développées par la suite, comme le géfitinib ou l’afatinib, ont eu d’emblée une AMM chez les patients mutés ».

Vers des inhibiteurs de troisième génération

Leur utilisation est ensuite assez rapidement passée de la deuxième ligne à la première ligne, en raison des bénéfices du traitement sur la survie sans progression. Parallèlement, les modes de résistance aux inhibiteurs de tyrosine kinase anti-EGFR ont été mieux cernés, avec la mise en évidence de l’apparition d’une nouvelle mutation, la T790M sur l’exon 20 de l’EGFR chez environ la moitié des patients. L’afatinib, molécule de deuxième génération intialement développée pour cibler cette mutation T790, n’a pas complètement répondu au problème de la mutation acquise et au final s’avère simplement un bon inhibiteur de l’EGFR. Le développement de nouvelles molécules s’est poursuivi vers des inhibiteurs de troisième génération, dont le premier représentant ayant une AMM est l’osimertinib. La prescription de cet anti-EGFR et anti-T 790 est restreinte aux patients ayant la double mutation. « Ce médicament est intéressant, car il est mieux supporté que ses prédécesseurs et que son spectre d’action est plus important, avec une durée de réponse et un taux de survie sans progression supérieurs, indique le Pr Moro-Sibilot. En quinze ans, nous sommes donc passés d’un seul produit disponible à la troisième génération de médicaments, ce qui permet de traiter les malades pendant plusieurs années ». Ces progrès majeurs profitent à environ 13 % de l’ensemble des patients souffrant d’un cancer pulmonaire métastatique. Le traitement est administré en ambulatoire, ce qui améliore la qualité de vie des patients. Même si ces traitements sont mieux tolérés, les praticiens ont dû apprendre à gérer les effets indésirables, notamment les éruptions cutanées plus ou moins importantes et parfois mal vécues car socialement gênantes. De nombreux dermatologues se sont investis dans la prise en charge de ces effets cutanés, qui découlent d’un effet de classe.

Ces traitements ciblés vont de pair avec une médecine personnalisée et le développement de plateformes de biologie moléculaire. « Nous bénéficions en France d’une situation privilégiée grâce au plan cancer, avec la possibilité d’un diagnostic moléculaire dès la découverte de la tumeur, et ce pour tous les patients. Il s’agit là d’un effort considérable », souligne le Pr Denis Moro-Sibilot.

D'après un entretien avec le Pr Denis Moro-Sibilot (CHU Grenoble)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste