Cette année, au congrès de la Société européenne d'oncologie (European Society for Medical Oncology, ESMO), l'immunothérapie ouvre la voie à un nouveau standard en première ligne métastatique dans les cancers de l'œsophage. « Pour la première fois dans un congrès international, une session présidentielle était dédiée aux tumeurs de l’œsophage, souligne le Pr Metges du CHU de Brest. Le 21 septembre 2020 lors de ce congrès, elle a marqué l’entrée de l’immunothérapie dans l’histoire de ces cancers ».
Alors qu’il s’agit du troisième cancer digestif le plus fréquent en France, « on a un déficit de traitement dans ce type de cancer », déplore le Pr Metges. La prise en charge repose encore essentiellement sur la chimiothérapie, tel que le protocole FOLFOX (5 FU, oxaliplatine) dans les formes épidermoïdes.
Des résultats préalables en seconde ligne et plus
Déjà, les années passées, des résultats avaient retenu l'attention. En 2017-2018, l’essai de phase II Keynote 059 (1), avec l’anti-PD1 pembrolizumab, est l’un des premiers à évaluer une immunothérapie dans les adénocarcinomes gastriques ou de la jonction œsogastrique, récidivants ou métastatiques pré-traités (259 patients).
En parallèle, en troisième ligne et plus, l’étude de phase III ATTRACTION-2 (2) montre l’intérêt du nivolumab (anti-PD1), par rapport aux soins palliatifs, dans les cancers avancés de l’estomac ou de la jonction œsogastrique. Cet essai n’ayant inclus que des patients asiatiques (n = 493), il n’a pu aboutir à l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne chez ces patients. De même, en deuxième ligne métastatique, l’essai ATTRACTION-3 a comparé le nivolumab à la chimiothérapie, mais avec presque uniquement des patients asiatiques dans les tumeurs épidermoïdes de l’œsophage (3).
En 2019, l’essai Keynote 181 (4) a également comparé le pembrolizumab à la chimiothérapie, chez des patients de différentes origines, atteints de formes épidermoïdes ou adénocarcinomateuses. « Il montre le bénéfice, dans les cancers épidermoïdes, à recevoir du pembrolizumab en deuxième ligne », constate le Pr Metges. Avec une survie globale (SG) atteignant 9,3 mois sous pembrolizumab (versus 6,7 mois, HR = 0,69, p = 0,074), une AMM a été octroyée aux États-Unis et en Chine dans le sous-groupe des cancers épidermoïdes PD-L1 CPS ≥ 10, mais pas en Europe.
Des essais qui font date
Cette année, parmi les essais présentés, l’étude Keynote 590 (5) a évalué en première ligne métastatique le pembrolizumab associé à une chimiothérapie (cisplatine + 5FU), versus un placebo associé à la chimiothérapie, dans les cancers épidermoïdes et adénocarcinomateux de l’œsophage. Ont été inclus 749 patients : 73 % avec une tumeur de l’œsophage épidermoïde et autant d’origine asiatique que caucasienne. « Cette étude positive, sur le critère principal de la SG et des secondaires de la survie sans progression (SSP) et de la réponse globale, change totalement la donne pour les patients », s’enthousiasme le Pr Metges.
En effet, la SG sur l’ensemble de la population était de 12,4 mois sous pembrolizumab (versus 9,8 mois, HR = 0,73, p < 0,0001), atteignant même 13,5mois dans les tumeurs PD-L1 CPS ≥ 10 (versus 9,4 mois, HR = 0,62, p < 0,0001) et 13,9 mois dans les épidermoïdes PD-L1 CPS ≥ 10 (versus 8,8 mois, HR = 0,57, p < 0,0001), soit une réduction de 43 % du risque de décès dans ce dernier sous-groupe.
« Les résultats sont encore plus forts sur les tumeurs épidermoïdes », remarque l’oncologue. Quant à la SSP, elle s’élevait à 6,3 mois avec l’anti-PD1 (versus 5,8 mois, HR = 0,65, p < 0,0001) dans l’ensemble de la population et à 7,5 mois (versus 5,5 mois, HR = 0,51, p < 0,0001) dans les cancers PD-L1 CPS ≥ 10, réduisant de 49 % le risque de récidive dans ce sous-groupe. Le taux de réponse était également augmenté (45 % vs 29,3 %, p < 0,0001). « Avec tous ces éléments à la disposition de nos tutelles pour décider, nous espérons un accès rapide au traitement », poursuit le Pr Metges.
Lors de cette même session, d’autres études ont rapporté des résultats en première ligne avec le nivolumab. Si l’étude ATTRACTION-4 n’a inclus que des patients asiatiques, l’essai CheckMate 649 (6) incluait aussi des patients caucasiens (n = 1 581). Comparant l’association nivolumab-chimiothérapie (XELOX ou FOLFOX) à la chimiothérapie seule, ce dernier a mis en évidence une SG de 13,8 mois sur l’ensemble de la population avec le nivolumab (versus 11,6 mois, HR = 0,80, p = 0,0002) et de 14,4 mois dans le sous-groupe de tumeurs PD-L1 CPS ≥ 5 (versus 11,1 mois, HR = 0,71, p < 0,0001). La SSP était également améliorée dans les cancers PD-L1 CPS ≥ 5 (7,7 versus 6 mois, HR = 0,68, p < 0,0001) mais pas sur l’ensemble de la population.
Et au stade précoce de la maladie ?
Enfin, l’essai CheckMate 577 (7) a évalué le nivolumab, versus placebo, en adjuvant dans les cancers de l’œsophage ou de la jonction œsogastrique opérés et traités en néoadjuvant par chimioradiothérapie (N = 794). La survie sans récidive était doublée sous immunothérapie, atteignant 22,4 mois (vs 11 mois, HR = 0,69, p = 0,0003). Par contre, la SG n’était pas encore disponible. « Il faudra que l’étude mûrisse. La survie sans récidive n’est pas obligatoirement associée à la SG, remarque le Pr Metges. Comme le stade précoce repose sur la qualité de la chirurgie, la comparabilité de l’ensemble des cas et de la chirurgie est à prendre en considération ».
(1) Fuchs C.S. et al, JAMA Oncol. 2018 May 10;4(5):e180013. doi: 10.1001/jamaoncol.2018.0013
(2) Kang YK et al. Lancet. 2017 Dec 2;390(10111):2461-71
(3) Kato K. et al. The Lancet Oncology 2019;20(11):1506-17 https://doi.org/10.1016/S1470-2045(19)30626-6
(4) Kojima T et al: 2019 Gastrointestinal Cancers Symposium. Abstract 2. Presented January 17, 2019.
(5) Kato K. et al, ESMO 2020, abtr LBA8_PR
(6) Moehler M et al. ESMO 2020, abtr LBA6_PR
(7) Kelly RJ. ESMO 2020, abtr LBA9_PR
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