La lutte contre les cancers pédiatriques est l'une des priorités de la stratégie décennale présentée le 4 février. Alors que cela s'inscrit dans une prise de conscience relativement récente, le nouveau plan prévoit une enveloppe et des mesures spécifiques, qu'accueillent avec soulagement les acteurs de terrain comme Patricia Blanc, présidente de l'association Imagine for Margo.
LE QUOTIDIEN : Êtes-vous satisfaite des premières annonces de la nouvelle stratégie décennale de lutte contre le cancer ?
PATRICIA BLANC : Au sein du collectif GRAVIR qui réunit 13 associations, nous nous étions déjà très mobilisés autour de la loi du 8 mars 2019, qui introduisait la stratégie décennale. Pour l'instant, nous sommes satisfaits qu'il y ait une enveloppe dédiée aux cancers pédiatriques sur le 1,74 milliard d'euros prévus pour financer la stratégie décennale. Mais nous ne savons pas encore quel en sera le montant.
On peut aussi se réjouir que la lutte contre les cancers de l'enfant et de l’adolescent soit une priorité forte et que l'on annonce déjà la mise en place du suivi à long terme des survivants des cancers pédiatriques.
Comment doit s'articuler ce dispositif de suivi à long terme des enfants ayant eu un cancer ?
Ce que nous souhaiterions voir se mettre en place, c'est un suivi de consultations pluridisciplinaires. Il s'agirait de proposer une journée ou une demi-journée au cours de laquelle l'enfant voit tous les spécialistes impliqués : cardiologue, neurologue pour les problèmes de sensibilité et de vision, psychologue, nutritionniste et assistante sociale si nécessaire. Cela existe déjà dans certains cas mais ce n’est pas toujours pris en charge.
Au niveau européen, nous soutenons la mise en place d'une « smart card », une sorte de passeport dans lequel figurent tous les antécédents du patient, mais aussi les séquelles et les modalités de suivi.
En ce qui concerne la recherche sur les cancers pédiatriques, quels sont les principaux axes à développer ?
Il y a encore très peu de traitements spécialement développés chez l'enfant, et les innovations doivent arriver le plus vite possible. Parmi les mesures prévues dès 2021, il est question de mettre l'accent sur les cancers de mauvais pronostic de l'adulte et de l'enfant.
On parle en permanence du fait que 80 % des cancers de l'enfant guérissent, mais certains ne guérissent pas. Parmi lesquels, le glioblastome du tronc cérébral : cela fait 40 ans que l'on ne parvient pas à le guérir. C'est un sujet de recherche prioritaire. Il faut aussi analyser et partager les données pour améliorer la prévention, seulement 5 à 8 % des cancers pédiatriques sont d'origine génétique.
Il reste encore à savoir quelle somme sera allouée à de tels projets dans le cadre du plan, sachant que le ministère de la Recherche a déjà promis en 2019 de consacrer 5 millions aux cancers pédiatriques d'ici 2025.
Le précédent plan cancer 2014-2019 était le premier plan à disposer d'une section consacrée aux cancers pédiatriques. Quel bilan en tirez-vous ?
Grâce à ce plan, on a eu six centres labellisés de phase précoce (CLIP²) pédiatriques par l'INCa, ce qui a permis le recrutement d'enfants dans des programmes de recherche. Leur visibilité est encore imparfaite. Nous avions financé une étude qui avait montré un défaut d'information : tous les médecins ne savent pas qu'il est possible de faire entrer leurs patients dans ces centres de phase précoce. Il y a aussi des difficultés d'hébergement et de transport pour y accéder.
On a aussi assisté au démarrage du séquençage des tumeurs de l'enfant que nous avons financé conjointement avec les pouvoirs publics et la fondation ARC. Les tumeurs de chaque enfant en rechute sont génotypées dans le cadre du plan France médecine génomique 2025.
L'année 2020 a été compliquée pour beaucoup de patients atteints de cancer. Qu'en a-t-il été pour le cas particulier des cancers pédiatriques ?
Ces patients sont habitués à être isolés à l'hôpital, mais cette année, ils l'ont été encore davantage. Les parents n'ont pas pu être présents et il n'y a pas du tout eu d'animation à l'hôpital. Nous avons organisé des distributions de masque et de gel pour les familles. Des spécialistes nous font part de retard de diagnostic mais il faudra attendre sur le long terme pour savoir s'il y a eu un effet.
Par ailleurs, il y a eu un peu moins de recrutement dans les essais cliniques pendant une courte période de temps. Une enquête menée par la Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l'enfant et de l'adolescent (SFCE) a révélé que le nombre de cas de Covid-19 a été plutôt limité en oncopédiatrie.
En ce qui concerne l'association Imagine for Margo. Nous avons été obligés de repenser nos événements de collecte de fonds, mais nous sommes parvenus à recueillir près de 1,4 million d'euros lors de notre course connectée en septembre, contre 1,8 million l'année dernière. Nous avons déployé le concept dans d’autres associations européennes et nous avons réussi ainsi à rassembler 3 millions d'euros.
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