PAR LE Pr XAVIER CARCOPINO*
La cytologie cervico-utérine (FCU) a fait la preuve de son efficacité en permettant de réduire de la mortalité liée au cancer du col de l’utérus. Mais sa sensibilité globale à dépister une lésion intraépithéliale de haut grade (LIEHG) est médiocre, de l’ordre de 53 %. Sa spécificité est, en revanche, élevée (96,3 %). Les limites de la cytologie se répercutent immanquablement sur les cas de cancers du col observés. En France, en 2006, deux tiers des patientes diagnostiquées avec un cancer du col de l’utérus n’avaient jamais eu de FCU de dépistage (23 %) ou avaient un FCU normal datant de plus de trois ans (45 %), alors que 32 % de ces patientes avaient un frottis normal réalisé dans les trois dernières années.
Aujourd’hui, l’intérêt du test HPV est reconnu pour la prise en charge du frottis de type ASCUS et la surveillance post-thérapeutique des LIEHG. Ainsi, l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) et l’ANAES (actuelle Haute Autorité de Santé) ont admis l’intérêt de la recherche des HPV de haut risque chez les femmes de plus de 30 ans présentant un frottis ASCUS. Réalisé dans ces conditions, un test HPV négatif permet d’exclure une LIEHG alors qu’un test positif indique la réalisation d’une colposcopie. Concernant le suivi des patientes traitées pour une LIEHG du col de l’utérus, les données actuelles de la littérature montrent que le test HPV est plus performant que la cytologie seule pour dépister une lésion résiduelle ou une récurrence (1-3). Sa valeur prédictive négative est excellente et sa positivité est significativement associée à la présence d’un échec thérapeutique. Dans cette situation, la colposcopie ne serait alors réalisée que dans un but diagnostique en cas de test HPV positif et/ou de cytologie anormale.
Optimiser le dépistage primaire.
Le test HPV a été envisagé comme le moyen d’optimiser le dépistage primaire des lésions précancéreuses du col de l’utérus. L’Agence Internationale pour la Recherche sur le Cancer (IARC) a récemment conclu que nous disposions de suffisamment de preuves pour considérer le test HPV comme capable de diminuer l’incidence de la mortalité liée au cancer du col de l’utérus avec des performances globalement équivalentes à celles du FCU. Utilisé pour le dépistage des CIN 2-3 du col de l’utérus, le test HPV a une meilleure sensibilité que le FCU, mais une spécificité plus faible. La sensibilité et la spécificité du test HPV pour le dépistage des CIN 2-3 sont de respectivement 90 % et 86,5 % contre 72,7 % et 96 % pour le FCU (4). Ce gain de sensibilité a récemment été mis en évidence dans un large essai prospectif randomisé comparant le FCU, l’inspection visuelle du col après application d’acide acétique et le test HPV ; le test HPV était le seul à permettre une réduction significative du nombre de cancers du col de stade avancé et de la mortalité par cancer du col (5).
En fait, c’est surtout l’utilisation secondaire du FCU pour le triage des patientes HPV positives qui permettrait de bénéficier du gain de sensibilité du test HPV en compensant la perte en spécificité tout en limitant les coûts. Ainsi, un FCU ne serait réalisé que chez les patientes dépistées HPV positives. L’examen colposcopique ne serait alors indiqué que si le FCU est anormal. Le surcoût engendré par un tel mode de dépistage pourrait d’ailleurs être compensé par l’augmentation de l’intervalle de temps entre deux tests de dépistage à 5 ans autorisé par les performances du test HPV, contre 3 ans pour le FCU (6, 7).
Conséquences de la vaccination anti-HPV.
D’ici quelques années, la généralisation de la vaccination anti-HPV 16 et 18 des jeunes femmes va inévitablement modifier la prévalence des CIN 2-3 et du cancer du col et donc perturber les performances du dépistage par FCU. En France, la vaccination de 80 % d’une cohorte de 370 000 jeunes filles permettrait d’éviter 2 495 cancers, 17 985 CIN 2-3 et 8 004 CIN 1 chaque année (8). On peut ainsi prévoir une baisse de la valeur prédictive positive du FCU directement liée à la baisse de la prévalence des anomalies cytologiques et l’inadaptation progressive du FCU au dépistage primaire. Dans un tel contexte, le test HPV, de par son objectivité, deviendrait l’outil incontournable du dépistage des lésions précancéreuses du col de l’utérus (9).
Le schéma de dépistage idéal semble être la pratique du test HPV en dépistage primaire. Un test HPV indiquerait secondairement la réalisation d’un FCU et seules les patientes HPV positives ayant un FCU anormal devraient bénéficier d’un examen colposcopique. Les performances d’un tel schéma permettraient d’envisager de rallonger l’intervalle de temps entre deux dépistages, limitant ainsi les surcoûts engendrés.
*Service de Gynécologie Obstétrique, hôpital Nord, Marseille.
(1) Arbyn M et coll. Vaccine 2006;24 Suppl 3:S78-89.
(2) Arbyn M et coll. Gynecol oncol 2005;99:S7-11.
(3) Zielinski GD et coll. Obstet Gynecol Surv 2004;59:543-53.
(4) Koliopoulos G et coll. Gynecol oncol 2007;104:232-46.
(5) Sankaranarayanan R et coll. N Engl J Med 2009;360:1385-94.
(6) Bulkmans NW et coll. Lancet 2007;370:1764-72.
(7) Cuzick J et coll. Int J Cancer 2008;122:2294-300.
(8) Riethmuller D et coll. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2009;38:389-95.
(9) Levêque J et coll. Quelles recommandations du CNGOF pour le vaccin et le dépistage de demain ? In: CNGOF, ed. Mises à jour en Gynécologie Médicale. Paris: Vigot; 2007:193-206.
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