Le Quotidien du médecin. Quel est l’objectif des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) mis en place dans le cadre de la loi santé ?
Anne-Marie Armanteras-de-Saxcé. Le but est d’abord de garantir l’accès, sans inégalité et sur l’ensemble du territoire, à une offre de soins globale tout en organisant une gradation des soins, avec une prise en charge de proximité. L’objectif est aussi de regagner des marges de manœuvre en ce qui concerne la mobilisation d’expertises rares ou l’investissement dans des techniques innovantes.
Ces enjeux généraux se déclinent parfaitement dans le domaine de la cancérologie. En effet, les évolutions des techniques et des thérapeutiques y sont fortes et rapides : thérapies ciblées, immunothérapie, radiothérapie de haute précision ou radiologie interventionnelle. L’enjeu de renforcer l’accès à l’expertise est réel et ne fera que croître. Enfin, la prise en charge des patients atteints de cancer mobilise une très grande variété de compétences, depuis le diagnostic jusqu’au suivi post-cancer, en passant par les soins de support, qu’il est plus facile d’offrir à plusieurs établissements.
En quoi ces GHT sont-ils une opportunité en oncologie ?
La cancérologie a souvent été citée comme une spécialité « modélisatrice » de l’organisation de la santé pour laquelle l’impact des organisations sur l’état de santé des patients a été démontré. Les GHT sont une opportunité nouvelle d’améliorer ces organisations, en rendant les filières plus lisibles, l’expertise plus accessible, les parcours plus fluides, la prise en charge des personnes plus globale, les délais et les interfaces entre les différentes structures ou les différents professionnels mieux gérés. Car si l’on améliore la survie grâce aux progrès de la science et de la médecine, on l’améliore aussi à l’échelle de la population en organisant mieux l’offre et ses conditions d’accès – incluant le versant financier -, en mobilisant davantage les acteurs sur la prévention, le dépistage et le diagnostic précoce.
Quelle peut être la place des autres acteurs de la cancérologie dans cette organisation ?
Les GHT offrent l’opportunité aux établissements publics de refonder ensemble leur stratégie en cancérologie, en complémentarité avec leurs partenaires historiques : les établissements avec d’autres statuts, les structures privées, les centres de lutte contre le cancer (CLCC) ou les professionnels de santé libéraux, comme les radiothérapeutes. La réglementation offre la possibilité d’associer, sous différentes formes, ces autres structures capitales dans le parcours des patients. Au-delà de la réglementation, les GHT n’ont pas pour objet de défaire ce qui fonctionne bien et ne doivent pas constituer pour les patients une limite à l’exercice de leur libre choix.
Il est prévu que chaque GHT se construise autour d’un projet médical partagé (PMP). En quoi celui-ci permettra-t-il de répondre aux enjeux de la cancérologie ?
Rien n’impose aux GHT de choisir la cancérologie comme filière prioritaire de leur PMP. Pour autant la cancérologie est à la fois une activité très structurante des organisations et représente environ 20 % de l’activité des établissements publics. Il y a donc un intérêt à l’intégrer dans les PMP prioritairement. D’après nos premiers retours, c’est l’activité qui est la plus fréquemment présente dans les projets. Les GHT sont incontestablement un levier supplémentaire pour atteindre les objectifs du plan cancer 3. Il n’y a pas de consigne particulière sur la façon dont les GHT doivent élaborer leur stratégie médicale en cancérologie mais je pense toutefois qu’il y a cinq dimensions à ne pas omettre.
Lesquelles ?
La première est de réaffirmer une ambition, celle de l‘accessibilité géographique et tarifaire, celle d’être un acteur global de la lutte contre le cancer, au-delà du soin. La seconde est d’être lucide sur les points forts et faibles de son territoire et de son offre : les GHT doivent être un levier d’excellence capable de mobiliser l’ensemble de leurs ressources internes, de leurs partenaires historiques et d’aller s’appuyer sur des « champions » (CHU ou CLCC notamment). La troisième serait d’identifier très tôt les leviers qui permettront de rendre la stratégie médicale en cancérologie pérenne (stratégie d’investissements, de ressources humaines, de systèmes d’information). La quatrième est celle du partage et de la mutualisation : donner largement accès à des équipements et des expertises (imagerie, TEP, robots…), ou réaliser ensemble des activités (permanence des soins, chimiothérapie…). La cinquième est celle de l’« expérience patient » pour laquelle les bonnes pratiques se développent : diagnostics et bilans en un jour, accès aux soins de support, infirmiers de coordination…
Quelles seront les autres missions des GHT ?
Dans leur projet médical partagé (PMP), ils devront avoir une attention particulière pour certaines tranches d’âges (enfants, adultes jeunes, personnes âgées) et certains cancers rares, mais aussi veiller à ne pas se replier sur eux-mêmes et à favoriser le virage ambulatoire : développement de la chirurgie ambulatoire, de l’accessibilité pour les professionnels de ville, d’organisations innovantes physiques (hôtels hospitaliers, lits de répits) ou dématérialisées (télémédecine). Pour lesquelles, les agences régionales de santé (ARS) ont un rôle clé à jouer, entre animation et régulation, car la maille régionale permet de mobiliser de nombreux leviers d’organisation.
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