Le Quotidien du Médecin. Quels résultats retenir cette année dans le mélanome avancé ?
L’actualisation de l’étude CheckMate 067, menée chez 945 patients atteints d’un mélanome de stade IV, a confirmé le bénéfice de l’association nivolumab (anti-PD1) et ipilimumab (anti-CTLA4), avec 52 % de survie à 5 ans, versus 44 % avec le nivolumab et 26 % sous ipilimumab en monothérapie (1). Mais la combinaison est associée à un très haut risque d’effets secondaires et on ne sait toujours pas quels patients en ont vraiment besoin, par rapport à la monothérapie par nivolumab. Cependant, l’immunothérapie n’est pas dénuée de risque de résistance thérapeutique. Quant aux thérapies ciblées, certaines réponses peuvent aussi être très longues, comme l’ont montré les résultats poolés à 5 ans des essais de phase III COMBI-d et COMBI-v (2). Ils ont aussi confirmé la supériorité de l’association dabrafenib (anti-BRAF) et trametinib (anti-MEK), par rapport au vemurafenib ou au dabrafenib seuls, chez 563 patients atteints d’un mélanome métastatique avec une mutation BRAF V600. A 5 ans, 34 % des patients traités par l’association sont en vie et 19 % n’ont pas progressés. Par contre, en cas de taux de LDH élevés ou de multiples métastases, les résultats sont moins bons. Les données confirment aussi que la réponse complète (RC) est un très bon facteur pronostique de survie à long terme. Cependant en cas de RC, nous conseillons de ne pas arrêter la thérapie ciblée, contrairement à l’immunothérapie qui est en moyenne stoppée au bout d’un an. En effet, d’après l’essai Keynote 06, il n’est pas sûr que l’immunothérapie nécessite d’être prolongée au-delà de deux ans (3).
Quelle stratégie thérapeutique privilégier en pratique ?
En règle générale, sauf essai clinique, nous faisons toujours l’immunothérapie en premier lieu si les métastases ne sont pas trop menaçantes rapidement. Nous avons récemment la possibilité de prescrire la double immunothérapie ou une monothérapie par anti-PD1 et le choix se fait, avec le patient, en fonction du rappport bénéfice/risque évalué individuellement. On déplore que cette combinaison ne soit pas remboursée en cas de mutation BRAF; cette restriction qui n’existe qu’en France n’a aucun rationnel scientifique et fait perdre des chances de survie à de nombreux patients. Nous pouvons donner dans ce cas le nivolumab seul en première intention ou après échec aux anti-BRAF, mais cela peut parfois ne pas être suffisant.
Et aux stades précoces, où en est-on ?
Un essai allemand (4) a été réalisé chez 167 patients de stade IV opérés dont la maladie n’est plus visible (No evidence of disease). A 2 ans, 70 % des patients recevant en adjuvant l’association nivolumab-ipilimumab n’ont pas de signe de progression, par rapport à 40 % sous nivolumab et 14 % avec une simple surveillance, comme il est fait habituellement. C’est une étude importante car la différence est majeure entre l’association d’immunothérapie et la monothérapie. D’autre part, l’actualisation de l’essai de phase III CheckMate 238 (5) confirme, sans surprise, le bénéfice du nivolumab en adjuvant, avec une survie sans rechute 3 ans de 58 %, versus 45% sous ipilimumab. Beaucoup d’avancées ont aussi été faites dans l’utilisation néoadjuvante des immunothérapies. La combinaison nivolumab-ipilimumab est la plus prometteuse, avec de plus faibles doses et moins d’injections afin de limiter la toxicité.
Quels sont les prochains résultats attendus ?
Nous attendons les premiers résultats de phase III des combinaisons triples, associant l’immunothérapie aux thérapies ciblées : dabrafenib + trametinib + anti-PD1 (pembrolizumab ou spartalizumab) et vemurafefnib + cobimetinib + anti-PDL1 (atezolizumab). Les données préliminaires des essais Keynote 022 (avec le pembrolizumab) et COMBI-i (avec le spartalizumab) sont assez encourageantes, avec beaucoup de réponses de grande amplitude. Mais ces résultats sont trop précoces car nous souhaitons surtout une prolongation de l’effet. S’ils se maintiennent en phase III au-delà de 2 ans, ce sera formidable. Nous aurons aussi bientôt les premières données des études de phase III évaluant un anti-PD1 associé, ou non, au virus oncolitique T-VEC (Talimogene laherparepvec) ou à un agoniste du TLR9 (Toll like receptor 9).
Quels sont les autres pistes explorées ?
Par crainte d’une résistance, beaucoup de médecins arrêtent les thérapies ciblées avant qu’elle ne puisse apparaître. Je pense qu’il faudrait au préalable évaluer cette stratégie. Or, un grand essai de l’EORTC, évaluant un schéma séquentiel, est justement en cours. Les patients reçoivent soit trois mois de thérapies ciblées (anti-BRAF/anti-MEK) suivis de l’association ipilimumab-nivolumab, soit directement la combinaison d’immunothérapie. On va ainsi étudier si trois mois de thérapies ciblées peuvent améliorer la réponse à l’immunothérapie.
A l’avenir, il faudra aussi être davantage réactif par rapport à l’évolution de la plasticité des cellules tumorales. Dans la plupart des cas, les tumeurs s’adaptent au traitement et nous découvrons les résistances trop tardivement. Il faudrait mieux anticiper, s’intéresser à l’évolutivité de la maladie et développer des molécules ou des combinaisons thérapeutiques intelligentes. Ainsi, notre laboratoire travaille actuellement sur les résistances thérapeutiques, la plasticité de la tumeur et de son environnement.
(1) Larkin James et al. N Engl J Med 2019;381:1535-46
(2) Robert C. et al. N Engl J Med 2019; 381:626-36
(3) Robert C. el al. Lancet Oncol 2019
(4) Schadendorf D et al. Annals of Oncology 2019;30(5): v851-v934.
(5) Weber JS et al. Annals of Oncology 2019;30(5): v533-v563.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024