C'est une histoire qui date de l'an passé, qui réapparaît dans l'actualité cette fin octobre, à la faveur d'un dossier du « Parisien » sur l'homéopathie.
Un médecin généraliste, avec orientations en acupuncture et homéopathie, Jean-Jacques D., a été suspendu deux ans, du 1er août 2016 au 31 juillet 2018, en appel, par la Chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins. Motif : avoir « gravement compromis la santé de sa patiente », en continuant à prescrire des traitements homéopathiques à une femme qui avait arrêté sa chimiothérapie, traitements « dépourvus de toute valeur scientifique au regard de sa pathologie », et en ne lui donnant pas une information claire et appropriée, alors qu'il était devenu son médecin traitant, lit-on dans la décision rendue publique en avril 2016.
Pour revenir sur le déroulé des faits, Mme F. découvre son cancer du sein en mai 2010 ; elle est orientée vers l'hôpital de Grasse, où un protocole de traitement par chimiothérapie est mis en œuvre le 4 juin. La patiente tolère mal le traitement et, le 7 juin, fait appel au Dr D., qui lui prescrit un traitement homéopathique à visée antiémétique et détoxifiante. Jusque-là, nul grief, l'homéopathie pouvant être prescrite comme traitement complémentaire à une chimiothérapie.
Défaut d'information
Les choses s'enrayent lorsque la patiente arrête sa chimiothérapie, ce qu'apprend le Dr D. en octobre 2010. En novembre, il lui prescrit un nouveau traitement homéopathique détoxifiant du foie et des voies biliaires, puis en décembre, une série de 28 injections de Viscum album. Il devient à la demande de la patiente son médecin traitant en juin 2011. La patiente suit en parallèle des « stages » dans le centre de médecine quantique de Bordeaux, une semaine en novembre 2010, janvier et février 2011. Elle en sort avec un traitement homéopathique retranscrit par ordonnance par le Dr D. avec l'ajout « à usage oncologique ». En décembre 2011, la lésion mammaire s'aggrave. Un autre homéopathe de Cannes convainc la patiente de reconsulter l'équipe de l'hôpital de Grasse. Elle est alors prise en charge et mise sous chimiothérapie, mais décède en mars 2013. En septembre 2012, elle déposait plainte devant le conseil départemental des Alpes-Maritimes ; son conjoint et ses deux enfants ont repris depuis l'action engagée.
Le CNOM reproche au médecin d'avoir manqué à son devoir d'information, surtout à partir du moment où il est devenu l'unique médecin qu'elle consultait, puis son médecin traitant. Dès octobre 2015, « il ne pouvait ignorer que Mme F. ne bénéficiait plus de traitement du cancer ; il s'est abstenu de prendre tout contact tant avec le médecin traitant qu'avec l'équipe médicale ». Plus tard, « il a continué à dispenser les mêmes soins, ignorant simplement son cancer et ne prescrivant aucune analyse permettant d'en vérifier l'évolution », lui reproche la justice. En tant que médecin traitant, sa responsabilité s'en trouve renforcée. Le médecin assure qu'il a tout fait pour dissuader Mme F. d'arrêter sa chimiothérapie, avant de la convaincre de se tourner de nouveau vers l'hôpital de Grasse. Mais les preuves manquent, répond la chambre.
Laisser croire
Au contraire, l'instance disciplinaire estime qu'il a laissé croire à sa patiente que l'homéopathie pouvait avoir un impact sur l'évolution de son cancer et l'a ainsi conforté dans sa conviction de pouvoir échapper au traitement classique. Elle s'appuie sur les mentions portées au printemps 2011 sur le dossier médical (ex : « superbien en fait, stress++ mais le gère sans pb ») ; sur le fait que les 28 injections de Viscum album ont été faites dans le sein même de la patiente, et non autour du sein, « ce qui pouvait conduire à regarder ces injections comme directement destinées à traiter le cancer, et a pu contribuer à induire la patiente en erreur » ; et enfin, sur l'ajout de la mention « à visée oncologique » sur des prescriptions de radis noir, chardon marie, noyer, desmodium, arnica, – un moyen de déclencher un remboursement, se défend le médecin, une indication qui sème la confusion, selon la chambre.
L'instance conclut à la responsabilité du médecin, qui a dispensé des traitements dépourvus de toute valeur scientifique au regard de la pathologie de sa patiente.
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