Présentée au congrès de l'ASCO par le Dr Fabrice Denis (oncologue radiothérapeute à l'institut de cancérologie Jean Bernard au Mans), une étude multicentrique de phase III a comparé, chez 133 patients atteints de cancer du poumon de stade II à IV, un suivi en ligne via l'application MoovCare à un suivi classique intégrant un scanner au moins tous les 3 mois (chez les patients de stade IIIB/IV) ou 6 mois (stade II/IIIA). « L'application permet au patient d'envoyer par un smartphone ou un ordinateur, chaque semaine, une douzaine de symptômes à son équipe médicale de suivi cancérologique. À travers un algorithme, le logiciel filtre les informations pertinentes suggérant une rechute, une complication ou des toxicités médicamenteuses », précise le Dr Denis. Après confirmation, une consultation et éventuellement un scanner sont programmés dans les 10 jours. « Avec le reporting des symptômes, on va chercher le patient sans attendre qu'il se décide à aller consulter. Cela change tout pour la précocité de la prise en charge et supprime l'anxiété du patient liée aux scanners réguliers », ajoute-t-il. La compliance des patients au suivi en ligne atteint plus de 84 %.
Une augmentation d'au moins 7 mois de la survie globale
Il y a 2 ans, une analyse intermédiaire (à 9 mois) avait déjà rapporté une augmentation de 26 % de la survie à un an, et une amélioration de la qualité de vie, avec le suivi en ligne par rapport au suivi traditionnel. Sur recommandations du comité d'éthique, les inclusions ont alors été arrêtées et un crossover effectué pour une douzaine de patients éligibles, qui sont passés du bras contrôle au groupe suivi par l'application. Cette année, les résultats définitifs ont donc été présentés. Un bénéfice en survie globale de 7 mois a été observé lorsque les patients switchés restent comptabilisés dans le bras contrôle (pire cas statistique). Il atteignait même 9 mois lorsque la survie chez les patients switchés n'était pas prise en compte (meilleur cas). Quelle que soit l'analyse, le bénéfice est donc largement favorable à l'utilisation de l'application. À deux ans, l'amélioration en termes de survie globale, due à l'application, s'élève à 16 % et 24 % dans le pire et le meilleur cas.
Vers une nouvelle étude d'envergure
Cette étude fait écho à l'essai du Pr Ethan Basch (1) présenté l'année dernière en plénière à l'ASCO, qui mettait également en évidence une amélioration en survie grâce au suivi de patients via une application, pendant la chimiothérapie. Aujourd'hui, une collaboration a été mise en place entre les équipes du Pr Ethan Basch et du Dr Fabrice Denis afin de réaliser une étude d'envergure internationale qui devrait débuter en fin d'année, sur 1 000 patients atteints de tous types de cancers. « Les algorithmes sont en fonction de chaque situation clinique et de chaque maladie », souligne le Dr Denis, mettant ainsi en lumière la complexité de cette étude. En plus du suivi des toxicités et de la surveillance, un module de soin de support sera également adjoint à l'application. De plus, le logiciel MoovCare enverra aux patients des messages de rappel les incitant à se connecter. D'autre part, un essai randomisé multicentrique sur le suivi spécifique de patients atteints de lymphome a été débuté il y a quelques mois.
« Cela va changer le parcours de soins à l'avenir en cancérologie mais aussi dans les maladies chroniques, même non cancéreuses », s'enthousiasme le Dr Denis, en évoquant le potentiel d'une telle application. Un dossier de remboursement de l'application a été déposé au mois d'avril suite à cette première étude dans le cancer du poumon. En tant que dispositif médical nécessitant un marquage CE, l'application aura un coûtsans commune mesure par rapport à celui de l'immunothérapie et des scanners réguliers.
D’après un entretien avec le Dr Fabrice Denis, oncologue radiothérapeute à l’institut de cancérologie Jean Bernard au Mans, chercheur associé au CNRS et président du Syndicat national des radiothérapeutes oncologues
(1) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4872028/
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