Au stade métastatique, quelles sont les dernières avancées en cas de mutation BRAF ?
Pr CAROLINE ROBERT. Deux essais de phase 3 ont porté sur des associations de thérapies ciblées et d’immunothérapie anti-PD1 ou anti–PDL1. L’étude IMspire 150, présentée à l’AACR (1), a évalué chez 777 patients la combinaison covimetinib-vemurafenib-atezolizumab versus covimetinib-vemurafenib (1). À 18,9 mois de suivi, la survie sans progression (SSP) est plus longue avec la triple association mais c’est tout juste significatif (15,1 vs 10,6 mois, HR = 0,78 ; p = 0,025). La triple combinaison a ainsi obtenu l’AMM aux États-Unis. Rapporté à l’ESMO, le second essai, mené sur 532 patients, comparait dabrafenif-trametinib-spartalizumab à dabrafenib-trametinib (2). À 27,2 mois de suivi, la SSP n’était pas significativement améliorée, mais de peu (16,2 vs 12 mois, HR = 0,82 ; p = 0,042). Néanmoins, parmi les malades avec des taux élevés de mutations, la triplette semblait apporter un bénéfice. Si le premier essai est positif et le second négatif d’un point de vue statistique, ils ne sont pourtant pas très différents. Quant à la survie globale (SG), elle n’est pas encore mature.
Quelle séquence privilégier chez ces patients ?
L’étude de phase 2 randomisée SECOMBIT, présentée à l’ESMO par Paolo Ascierto (3), a comparé trois bras de 70 patients environ. Dans le premier bras (A), les patients recevaient une association de thérapie ciblée (binimetinib-encorafenib) puis une combinaison d’immunothérapie (ipilimumab-nivolumab) à progression. Le second (B) commençait par l’association d’immunothérapie puis passait sous double thérapie ciblée à progression. Enfin, le « bras sandwich » (C) recevait deux mois de thérapie ciblée, puis l’immunothérapie, et à nouveau la thérapie ciblée en cas de progression. Concernant la première SSP, les résultats étaient assez serrés mais la thérapie ciblée fait mieux (respectivement 15,8, 7,2 et 11,4 mois dans les bras A, B et C). Quant à la SSP totale (SSP 1 et 2), le bras sandwich sortait un peu mieux. Cet essai correspond à la pratique, où on jongle avec les traitements. En première ligne, on préfère commencer par l’immunothérapie car il est possible ensuite de rattraper les patients en échec par thérapie ciblée, alors que l’inverse est difficile. Cependant, le bras sandwich propose une nouvelle stratégie intéressante mais les effectifs de patients sont insuffisants et la durée de suivi trop brève pour en tirer des conclusions à ce jour. Plusieurs autres essais séquentiels en cours devraient apporter des réponses.
Par ailleurs, il est à déplorer que la combinaison ipilimumab-nivolumab ne soit toujours pas remboursée en France chez les patients BRAF mutés, par manque d’essai spécifique. Or, l’association peut être efficace quel que soit le statut mutationnel et on ne donne pas toutes les chances au patient avec une thérapie ciblée en première intention.
Et en l’absence de mutation BRAF, que retenir en métastatique ?
L’essai de phase 2 LEAP-004 a été réalisé chez des patients en échappement à l’immunothérapie (anti-PDL1 seul ou associé à un anti-CTLA4), ayant pu recevoir une thérapie ciblée auparavant (4). Ils étaient traités par un anti-PD1 associé au lenvatinib. Si le taux de réponse était de 21,4 % sur l’ensemble des patients, il atteignait 31 % chez ceux prétraités par l’association anti-PDL1/anti-CTLA4. C’est un réel espoir pour ces patients en impasse thérapeutique, d’autant plus que la tolérance est relativement bonne. Il serait même intéressant d’évaluer ce traitement en première ligne.
Quelles sont les dernières études en adjuvant ?
Les suivis de deux essais d’immunothérapie en adjuvant ont été rapportés. Coordonné par l’EORTC, le premier a démontré une diminution du risque de récidive de plus de 40 % avec le pembrolizumab, versus placebo. Les résultats présentés à l’ESMO (5) sur la diminution du risque de métastases à distance, après 3,5 ans de suivi, étaient également très positifs (65,3 % vs 49,4 %, HR = 0,60 ; p < 0,0001). Les métastases à distance étant habituellement relativement corrélées à la survie, ces données sont très encourageantes même si la survie n’est pas encore disponible. De façon inexpliquée, le bénéfice du pembrolizumab semble meilleur chez les patients BRAF mutés…
Le second essai a comparé le nivolumab à 10 mg d’ipilimimab (forte dose non utilisée en pratique en raison l'incidence élevée des effets secondaires). Les résultats à quatre ans (6) confirment l’amélioration de la survie sans récidive sous nivolumab (52,4 vs 24,1 mois, HR = 0,71 ; p = 0,0003) et de la survie sans métastases à distances (médiane non atteinte vs 52,9 mois, HR = 0,79 ; p = 0,045). La SG n’était pas significativement améliorée, dû probablement au cross-over non contrôlé chez les patients en récidive après leur suivi dans l’essai. Ainsi, ces deux essais confirment le rapport bénéfice/risque très intéressant des anti-PD1.
Quant à l’essai allemand IMMUNED (7), il portait sur 167 patients avec un mélanome de stade IV résécable, chez lesquels un traitement adjuvant était proposé : ipilimumab-nivolumab versus nivolumab seul versus surveillance (n = 167). À deux ans, respectivement 70 %, 42 % et 14 % des patients sont sans récidive. On a ici l’impression que la combinaison est bien meilleure que le blocage de PD1 seul, contrairement au stade métastatique où la différence n’est pas si flagrante.
(1) Gutzmer R. et al, The Lancet 2020;395:1835-44
(2) Nathan P. et al. ESMO Virtual Congress 2020. Abstract LBA43
(3) Ascierto PA, et al. ESMO Virtual Congress 2020. Abstract LBA45
(4) Arance Fernandez A.M. et al. ESMO Virtual Congress 2020. Abstract LBA44
(5) Eggermont AMM et al. ESMO Virtual Congress 2020. Abstract LBA46
(6) Weber J. et al. ESMO Virtual Congress 2020. Abstract 1076O
(7) Zimmer L et al. Lancet. 2020 May 16;395(10236):1558-68.
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