Après un infarctus du myocarde (IDM), la revascularisation complète guidée par la mesure de la réserve coronaire (Fractional Flow Reserve, dite « FFR ») ne serait pas plus bénéfique en termes de survenue d’événements cardiovasculaires majeurs à un an que l’approche conventionnelle qui consiste à repérer « à l’œil » les rétrécissements significatifs des lésions coronaires associées. C’est ce que montre l’essai randomisé FLOWER MI paru dans le « New England Journal of Medicine » et mené par les équipes de l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP, AP-HP), de l’Université de Paris et de l’Inserm.
En cas d’infarctus, l’artère coronaire en cause est rapidement débouchée, en général par une angioplastie percutanée avec implantation d’une endoprothèse (stent). Néanmoins, dans 50 % des cas, d’autres lésions coronaires sont présentes et l’importance de ces rétrécissements doit être évaluée avant d’envisager de les dilater.
Moins d’angioplastie avec la FFR
Pour cela, deux stratégies sont employées en pratique courante. Les chirurgiens peuvent évaluer la nécessité de dilater les lésions coronaires « à l’œil » en s’appuyant sur la coronarographie effectuée à l’admission du patient ou bien en mesurant la réserve coronaire. Cette approche objective permet d’être plus sélectif pour l’angioplastie. « Avec la FFR, on réduit globalement de 30 % le recours à l’angioplastie, car elle est limitée aux lésions ayant un réel retentissement fonctionnel, souligne le Pr Étienne Puymirat, cardiologue à l’HEGP et premier auteur de l’étude. Quand on a un rétrécissement intermédiaire entre 50 et 70 %, l’œil nu n’est pas capable de définir avec certitude si la lésion est significative ou non ».
Les deux approches n’avaient jamais été comparées pour l’infarctus aigu avec lésions coronaires associées. « Nous avions émis l’hypothèse qu’une angioplastie plus sélective serait une meilleure option que de poser des stents à tous les patients, car cela diminuerait les complications inhérentes à la pose de stents », explique le Pr Puymirat.
Cette étude a été menée auprès de 1 171 patients pris en charge au sein de 41 centres français pour un IDM avec sus-décalage ST et ayant des lésions coronaires multiples. Ils ont été randomisés en deux groupes : l’un avec mesure de la FFR et un second fondé sur l’appréciation visuelle avant de procéder à l’angioplastie des rétrécissements.
Une approche plus coûteuse
Le recours à la FFR a permis de réduire significativement le nombre moyen de stents implantés par patient par rapport à l’approche visuelle (1,01 ± 0,99 versus 1,50 ± 0,86). Néanmoins, cette technique n’est pas supérieure à la méthode visuelle concernant le risque de décès toutes causes, de récidive d’infarctus du myocarde ou de revascularisation en urgence à un an (survenue du critère combiné : 5,5 versus 4,2 % ; HR = 1,32 ; IC 95 % 0,78-2,23 ; P = 0,31). « Compte tenu des larges intervalles de confiance pour l’estimation de l’effet, les résultats ne permettent pas une interprétation concluante », nuancent toutefois les auteurs.
« Nous avons effectivement très peu d’événements dans l’étude, c’est une de ses limites. Depuis 15 ans, il y a une diminution assez considérable des événements cardiovasculaires majeurs dans les infarctus. Et alors que nous avions tablé initialement sur 15 % d’événements, il n’y en a eu que 5 % », justifie le Pr Puymirat. Malgré tout, rapporte-t-il, « il n’y a aucun signal en faveur de la FFR sur le critère principal et les critères secondaires. La technique semble même mise en défaut par l’approche visuelle ».
Cette analyse clinique a de plus été couplée à une étude médico-économique (non publiée) prenant en compte le prix du guide pour la FFR et le prix des stents, mais aussi le coût des réhospitalisations la première année. Il en ressort que la stratégie classique est moins coûteuse que la FFR.
Ainsi, « notre étude ne justifie pas l’utilisation de la FFR pour guider les lésions. Cela s’explique notamment par le fait qu’aujourd’hui les complications liées aux stents − phénomène de resténose et de thrombose de stent − sont beaucoup plus rares. Et nous avons à disposition des antiagrégants plaquettaires très puissants dans l’infarctus », détaille le cardiologue. Ce qui fait, selon lui, qu’en cas de doute, il vaut mieux dilater les lésions intermédiaires. Un suivi à trois ans est prévu dans le cadre de cette étude, sur les deux volets, clinique et médico-économique.
E. Puymirat et al., NEJM, 2021. DOI: 10.1056/NEJMoa2104650
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