Innovation technologique

Des CAR-T cells produites in vivo contre l'insuffisance cardiaque

Par
Publié le 28/01/2022

Des chercheurs ont réussi à mettre au point, entièrement in vivo, une immunothérapie qui reprogramme temporairement les lymphocytes T pour en faire des armes contre les fibroblastes responsables de l’insuffisance cardiaque. Ces CAR-T cells associées à de l’ARNm modifié ouvrent la voie à de multiples applications thérapeutiques.

Crédit photo : Phanie

Utiliser l’immunité pour lutter contre la fibrose cardiaque, c’est possible ! C’est en tout cas ce que démontre une étude publiée le 6 janvier dans « Science », menée par les chercheurs de l’école Perelman de médecine à l’université de Pennsylvanie. Ces derniers ont en effet apporté la preuve de concept de cette nouvelle approche qui combine deux des avancées scientifiques majeures de ces 20 dernières années : les CAR-T cells et les vaccins à ARNm.

L’insuffisance cardiaque est provoquée par la présence de fibroblastes qui prolifèrent à la suite d’une lésion ou d’une inflammation cardiaque. Ces cellules produisent ensuite de manière chronique des protéines responsables de la fibrose qui fait le lit de l’insuffisance cardiaque. Les chercheurs ont donc réfléchi à un moyen d’enrayer ce phénomène.

Dresser les lymphocytes T contre les fibroblastes

Ils ont expérimenté chez la souris une méthode pour reprogrammer des lymphocytes T afin qu’ils expriment des récepteurs antigéniques chimériques (CAR) reconnaissant les fibroblastes. Cette méthode s’inspire des CAR-T cells indiquées dans le traitement des cancers hématologiques. Mais avec une différence majeure : alors que dans le cas des CAR-T cells comme Kymriah ou Yescarta, les lymphocytes T sont extraits pour être modifiés via un vecteur lentiviral, les auteurs ont cette fois utilisé un vaccin à ARNm (popularisé par les vaccins contre le Covid-19) pour introduire le brin d’ARN codant pour le CAR ciblant les fibroblastes. La transformation des lymphocytes T a donc eu lieu à l’intérieur même des animaux.

En septembre dernier, la même équipe dirigée par Jonathan Epstein a démontré dans « Nature » que des CAR-T anti-fibroblastes produites avec les méthodes extracorporelles déjà éprouvées en cancérologie pouvaient être utilisées avec succès pour réduire la fibrose cardiaque chez la souris. Ils estimaient toutefois qu’il n’était pas possible d’appliquer directement cette stratégie thérapeutique à l’homme, et ce pour plusieurs raisons.

Le champ de tous les possibles

La première est qu’il s’agit d’un traitement lourd (ponction de cellules souches hématopoïétiques suivie d’une myéloablation et d’une réinjection) qui se justifie dans le traitement d’un lymphome diffus à grandes cellules B mais pas dans celui de l’insuffisance cardiaque. La seconde est que cette technique est trop agressive et trop longtemps envers les fibroblastes qui ont une fonction physiologique à remplir, notamment dans la cicatrisation.

L’équipe a donc opté pour l’utilisation d’ARNm, délivré via une capsule lipidique, destiné à produire de manière temporaire et mieux contrôlée les lymphocytes T. Malgré la brièveté de l’activité du vaccin, une réduction importante de la fibrose cardiaque a été observée dans des modèles de souris pour l’insuffisance cardiaque, ce qui se traduit par une restauration de la fonction cardiaque et un retour à la normale de la taille du myocarde. Une semaine après l’injection, il n’y avait plus de trace d’une activité anti-fibroblastes chez les lymphocytes T. Les chercheurs continuent désormais leurs travaux en vue d’une expérimentation clinique. La capacité de générer des CAR-T cells in vivo à l’aide d’ARNm modifié ouvre un vaste champ de possibilités thérapeutiques. 

J. Rurik et al, Science, janvier 2022. DOI: 10.1126/science.abm0594

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin