JESFC 2019

Des enseignements pour la pratique

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Publié le 11/02/2019
Cohen

Cohen
Crédit photo : DR

Concernant la cardiologie interventionnelle, les indications des gestes percutanés s'élargissent, notamment dans le domaine des valvulopathies.

TAVI, la référence dans la sténose aortique

Le remplacement valvulaire aortique percutané (TAVI) peut aujourd'hui être considéré comme la technique de référence dans la sténose aortique chez les patients à haut risque et ceux à risque chirurgical intermédiaire. « Les résultats à court terme sont supérieurs à ceux de la chirurgie et nous avons désormais la preuve de la durabilité des prothèses à 5 ans », souligne le Pr Ariel Cohen.

Dans les fuites mitrales secondaires, deux études (MITRA FR et COAPT) ont évalué les bénéfices de la pose d'un Mitraclip chez des patients insuffisants cardiaques symptomatiques malgré un traitement médicamenteux avec insuffisance mitrale significative. « Leurs résultats discordants ont suscité de nombreux débats, pour finalement conclure que les patients étaient beaucoup plus sévères dans l'étude américaine et que la place de cette technique est à évaluer au cas par cas », note le Pr Cohen.

L'année 2018 a été également riche dans le domaine du traitement antithrombotique, avec la publication de recommandations européennes. La durée de la double anti-agrégation plaquettaire, de 3/6/9/12 mois, voire plus, doit être discutée en fonction de l'indication, de la situation clinique et anatomique coronaire et du risque hémorragique du patient.

HTA : une divergence entre Etats-Unis et Europe

Dans les nouvelles recommandations sur l'hypertension artérielle (HTA), il y a une divergence de point de vue entre les États-Unis, où les seuils diagnostiques ont été abaissés à 130/80 mm Hg, et l'Europe, qui a gardé le seuil de 140/90 mm Hg. Parmi les arguments ayant guidé ce choix des européens : la notion de continuum dans l'effet délétère des valeurs tensionnelles, l'importance des comorbidités et enfin le constat d'une observance déjà médiocre avec le seuil actuel, un patient sur deux ne prenant pas son traitement.

Du côté des maladies artérielles, le surrisque d'événements cardiovasculaires associé à la présence d'une artériopathie oblitérante des membres inférieurs a été confirmé par un essai récent. Il faut donc être plus agressif dans la prise en charge des facteurs de risque chez ces patients.

Dans la maladie veineuse, les résultats négatifs de l'étude MARINER menée chez des patients en réanimation médicale ont déçu. Contrairement à ce qui était espéré, la poursuite d'un anticoagulant oral direct après une hospitalisation ne réduit pas le risque d'événement thromboembolique veineux.

Des facteurs de risque à prendre en compte

Les données récentes le confirment : coeur et diabète entretiennent des relations bien particulières et pour la première fois, une classe d'antidiabétiques oraux, les inhibiteurs de SGLT2, permet de réduire à la fois l'hyperglycémie et le risque d'insuffisance cardiaque.

Comme certaines chimiothérapies potentiellement cardiotoxiques, l'immunothérapie, qui a révolutionné le pronostic de différents cancers (Prix Nobel 2018), notamment mélanome et cancer bronchique à petites cellules, doit être considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Une myocardite, létale dans 30 % des cas, survient chez 0,5 à 1 % des patients, sans compter le risque de vascularite, de troubles de la conduction ou d'atteinte auto-immune multi-organes.

L'imagerie en pleine mutation

L'imagerie cardiovasculaire connaît une révolution, avec l'imagerie multimodale qui couple des informations anatomiques et fonctionnelles. Un exemple des conséquences de cette évolution avec les indications élargies du scanner coronaire en dehors de la maladie coronaire instable, la coronarographie est de plus en plus réalisée non plus à visée diagnostique mais lorsqu'un geste de revascularisation percutanée est envisagé ; ou le recours à la TEP qui permet d'améliorer la performance diagnostique dans les endocardites infectieuses, moins souvent étiquetées incertaines. L’exploration précise des valves, de la fonction cardiaque, la documentation de la fibrose, la place croissante en salle de cardiologie interventionnelle ou au bloc opératoire sont autant de domaines en progrès constants.

Des fibrillations atriales à l'origine des AVC cryptogéniques ?

Dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC) cryptogéniques, plusieurs études publiées l'an dernier jettent le trouble. Ces AVC seraient en partie dus à des fibrillations atriales (FA) occultes, ce qui a conduit à développer des méthodes pour les détecter, comme les micro-enregistreurs Holter implantés, qui peuvent mettre en évidence des épisodes de FA dans 20 % des cas. Mais deux études ayant évalué les bénéfices des anticoagulants oraux directs prescrits dans les AVC cryptogéniques possiblement emboliques (ESUS) se sont révélées négatives. « Il faut donc raison garder avant de prescrire un traitement anticoagulant dans cette indication », estime le Pr Ariel Cohen. Autre étiologie possible de ces AVC : le foramen ovale perméable (FOP), dont la fermeture est efficace pour les prévenir, mais qui entraîne dans 5 % des cas une FA, selon 3 études récentes. Un effet particulièrement indésirable dans ce contexte… mais qui semble heureusement limité à court terme. Les études se poursuivent pour identifier les patients souffrant d’un AVC de cause indéterminée porteurs de FOP à risque de récidive ou de complications.

Enfin un traitement de l'amylose

Déception à nouveau avec les anticoagulants oraux directs dans l'insuffisance cardiaque en rythme sinusal, en rapport avec les résultats négatifs sur la morbimortalité de l'étude COMMANDER HF.

De nouvelles analyses de l'étude TOPCAT soulignent de leur côté l'importance de l'évolution du taux de BNP pour estimer le risque du patient et décider de la mise sous anti-aldostérone.

« Enfin, l'une des grandes avancées de l'année 2018 est la démonstration des bénéfices d'un médicament, le tafamidis, dans l'amylose cardiaque à transthyrétine, qui n'est ainsi aujourd'hui plus une maladie constamment mortelle », conclut le Pr Ariel Cohen.

D'après un entretien avec le Pr Ariel Cohen, vice-président de la Société française de cardiologie, hôpitaux de l'Est parisien, St-Antoine-Tenon, Paris

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr