D’abord, un travail publié le 13 mai dans eClinicalMedicine (1) revient sur la question de l’adaptation du moment de prise du traitement au chronotype des patients. Pour rappel, alors que dans diverses disciplines (rhumatologie, oncologie…), l’adaptation des traitements à des paramètres chronobiologiques a donné des signaux positifs (amélioration de l’efficacité, réduction des effets indésirables) dans plusieurs études, concernant les anti-hypertenseurs, la littérature apparaît contradictoire.
Adapter le traitement au chronotype ?
Ainsi, une équipe anglaise a voulu réestimer l’influence du moment de l’administration des traitements anti-hypertenseurs, en fonction du chronotype des patients, sur l’efficacité de ces médicaments. Pour ce faire, une sous-analyse de l’essai Treatment in Morning versus Evening (TIME) a été menée. Dans le cadre de cette sous-analyse, plus de 5 300 patients hypertendus sous antihypertenseurs précédemment recrutés ont renseigné, entre 2020 et 2021, un questionnaire visant à déterminer leur chronotype (via leur point médian de sommeil les jours fériés, corrigé de la dette du sommeil : MSFsc). Parmi ces patients, 2 778 avaient déjà été randomisés pour recevoir leur traitement hypertenseur habituel le matin, et 2 580 le soir. Les hospitalisations pour infarctus du myocarde non fatal ou AVC non fatal ont ensuite été comptabilisées.
Finalement, l’étude conclut qu’« un schéma de prise des antihypertenseurs adapté au chronotype personnel pourrait (bel et bien) permettre de réduire l’incidence des infarctus non fatals par rapport à un schéma de prise non adapté au chronotype ». Chez les patients de chronotype tardif (oiseaux de nuit), le risque d’infarctus non fatal était augmenté en cas de prise des antihypertenseurs le matin (HR = 1,62 par heure de MSFsc), et réduit en cas de prise le soir (HR = 0,66 par heure de MSFsc). De la même manière, « les chronotypes précoces (lève-tôt) avaient un risque réduit d’hospitalisation et d’incidence d’infarctus non fatal lorsqu’ils prenaient leurs antihypertenseurs le matin plutôt que le soir ». Le moment de prise du traitement était toutefois sans influence sur le risque d’AVC non fatals.
Adapter le traitement au risque de démence ?
Un autre travail laisse entendre que les anti-hypertenseurs pourraient aussi être choisis en fonction du risque de démence. Selon cette étude longitudinale néerlandaise publiée dans le Lancet Regional Health Europe le 15 mai (2), certaines classes d’anti-hypertenseurs seraient associées à un risque de démence réduit.
Alors que de l’hypertension est un facteur de risque modifiable important de démence, de précédentes études ont suggéré que certaines classes d’antihypertenseurs apparaissaient associées à une réduction du risque de démence. Toutefois, ces études ne permettaient pas de conclure du fait de limites méthodologiques.
Ainsi, à partir de données de vie réelle issues de réseaux de médecine générale hollandais (Dutch General Practice Registration Networks) concernant plus de 133 000 patients sous hypertenseurs entre 1998 et 2022, de 68 ans d’âge médian lors de leur recrutement, et suivis pendant une durée médiane de 7,6 ans, les auteurs ont voulu préciser l’association entre les différentes classes d’antihypertenseurs et le risque de démence.
Résultats : parmi les anti-hypertenseurs, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II et les inhibiteurs des canaux calciques, notamment, étaient associés à un moindre risque de démence. Et pour ces médicaments – mais pas pour les diurétiques ou les bêta-bloquants –, ce moindre risque de démence ne pouvait s’expliquer par un risque de décès accru.
Vers une dénervation rénale plus sélective ?
Traitement non médicamenteux, plus invasif, la dénervation rénale a confirmé dans plusieurs essais cliniques sa capacité à réduire la tension artérielle chez des patients présentant une hypertension résistante aux options pharmacologiques. Comme le rappelle ce centre d’hypertension de Paris, « la dénervation rénale par ablation intra-artérielle consiste à interrompre par radiofréquence l’innervation sympathique afférente et efférente dans l’adventice des artères rénales. Le courant de radiofréquence est délivré consécutivement dans les deux artères rénales par une électrode de dispersion de courant de radiofréquence située à l’extrémité d’un cathéter spécifique à usage unique introduit par voie trans-fémorale ».
Toutefois, dans les essais cliniques ayant évalué cette technique, cette méthode a été appliquée de façon peu sélective le long de l’artère rénale, et sans contrôle peropératoire de la réussite de l’intervention. De plus, alors que nombre de patients peinent à observer leur traitement, la plupart de ces essais n’avaient pas vocation à montrer si cette technique permettait bien de réduire le nombre de médicaments antihypertenseurs pris par les patients après la procédure.
Ainsi, les auteurs d’une étude chinoise publiée le 7 mai dans eClinicalMedicine (3), ont voulu « identifier la sécurité et l’efficacité d’une dénervation rénale sélective, guidée par une cartographie des nerfs rénaux chez des patients avec une hypertension non contrôlée » et déterminer si la méthode permet bien d’alléger le fardeau médicamenteux.
Pour ce faire, 220 patients ayant reçu au moins deux traitements hypertenseurs présentant une pression artérielle systolique comprise entre 150 et 180 mmHg au cabinet ont été recrutés dans 15 hôpitaux chinois et ont subi soit une dénervation rénale sélective, soit une procédure placebo.
La dénervation sélective a été réalisée comme suit : un cathéter de stimulation et d’ablation a été inséré dans l’artère rénale principale (d’un côté puis de l’autre), côté distal, puis remonté progressivement le long de l’artère. Pendant ce trajet du cathéter, une stimulation électrique a été réalisée à intervalles réguliers. Une dénervation n’a été réalisée qu’aux sites où une augmentation de la pression artérielle de plus de 5 mmHg était enregistrée après cette stimulation.
Après la procédure, les participants se sont vus administrer des doses de médicaments hypertenseurs permettant d’atteindre une tension artérielle inférieure à 140 mmHg.
Au total, selon la publication, la dénervation sélective « a permis de réduire le fardeau de médicaments de patients et d’atteindre une pression artérielle inférieure à 140 mmHg, avec uniquement quatre ablations ciblées par artère rénale principale, soit beaucoup moins que dans les précédents essais. » Dans le groupe dénervation ciblée, l’index de médicaments (Drug Index, calculé en fonction du nombre d’antihypertenseurs utilisés et de leur dose) était de seulement 4,37 – contre 7,61 dans le groupe placebo. Et avec cette procédure de dénervation sélective, seuls quatre sites par artère en moyenne ont été dénervés – sur huit environ par artère.
(1) Filippo Pigazzani, et al., Effect of timed dosing of usual antihypertensives according to patient chronotype on cardiovascular outcomes: the Chronotype sub-study cohort of the Treatment in Morning versus Evening (TIME) study, eClinicalMedicine, Volume 72, 102633, June 2024
(2) Jakob L. Schroevers, et al. Antihypertensive medication classes and risk of incident dementia in primary care patients: a longitudinal cohort study in the Netherlands, Volume 42, 100927, July 2024
(3) Jie Wang, Yuehui Yin, et al. Efficacy and safety of sympathetic mapping and ablation of renal nerves for the treatment of hypertension (SMART): 6-month follow-up of a randomised, controlled trial. Volume 72, 102626, June 2024
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