« On fait tout pour y revenir », explique le Dr Lucie Cabrejo, neurologue au Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale de l’hôpital Bichat Claude Bernard (AP-HP). Centre pilote et précurseur dans l’approche neuro-interventionnelle de l’accident vasculaire cérébral (AVC) avec l’étude RECANALISE dès 2009, l’équipe du Pr Pierre Amarenco redouble d’efforts pour rouvrir l’activité endovasculaire. La publication de deux nouvelles études dans le « New England Journal of Medicine » devrait les aider à convaincre.
Car les arguments sont forts. Avec l’essai néerlandais MR CLEAN publié en décembre 2014 dans le « New England », la publication cette semaine de deux nouvelles études dans la même revue offre un trio implacable de preuves scientifiques pour valider la technique. Les résultats très probants de ces deux essais, l’un australien EXTEND-IA et l’autre canadien ESCAPE, ont été présentés lors de la Conférence internationale sur les AVC (International Stroke Conference, ISC) le 11 février à Nashville aux États-Unis.
Arrêté pour cause d’efficacité
Les deux essais ont chacun été arrêtés prématurément en raison de la supériorité d’efficacité de l’option endovasculaire, ESCAPE avec 238 sujets inclus (120 groupe intervention, 118 groupe témoin) et EXTEND-IA avec 70 sujets (35 dans chaque groupe). La thrombectomie avec pose de stent associée à la thrombolyse IV a réduit significativement la mortalité et le handicap fonctionnel par rapport à la thrombolyse seule. « Et surtout, il y a eu beaucoup plus de récupération complète », explique la neurologue parisienne.
Le traitement conventionnel de l’AVC ischémique repose sur la thrombolyse IV réalisée le plus tôt possible et jusqu’à 4h30 suivant l’événement ischémique. Dans les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé (mai 2009), il est indiqué que « la thrombolyse combinée (IV puis IA) et la revascularisation mécanique par thrombectomie ou ultrasons par voie endovasculaire ne sont pas recommandées et doivent être évaluées ». Aujourd’hui en France, la thrombectomie est réalisée « ponctuellement, au cas par cas, dans quelques CHRU, précise le Dr Cabrejo. Après notre étude RECANALISE, le service, convaincu des bénéfices de la procédure endovasculaire, avait continué à la proposer largement jusqu’à ce que des problèmes d’effectif non remplacé nous en empêchent. »
Un délai de 6 heures pour la thrombectomie
La thrombectomie avec pose de stent permettrait également d’élargir les critères de prise en charge de l’AVC ischémique. La procédure endovasculaire est réalisable jusqu’à 6 heures, permettant de rattraper les sujets pris en charge trop tardivement pour la thrombolyse, mais aussi une option possible en cas de contre-indication (anticoagulation, période post-chirurgicale, etc.). Dans les études, la prise en charge très précoce était un critère et donc la procédure endovasculaire était toujours associée à la thrombolyse IV. « L’indication neuro-interventionnelle est l’occlusion artérielle d’une grosse artère, détaille la neurologue. L’occlusion artérielle est définie par l’interruption totale à 100 % du flux sanguin, les sténoses ne sont pas candidates au traitement endovasculaire ».
Les études EXTEND-IA et ESCAPE se sont intéressées aux occlusions de la circulation antérieure, celles de l’artère sylvienne (appelée aussi artère cérébrale moyenne) et/ou de la carotide interne. « Mais le traitement endovasculaire peut aussi tout à fait s’envisager pour la circulation vertébro-basilaire, commente le Pr Cabrejo. L’imagerie est déterminante pour le traitement. Au mieux et en pratique, c’est l’IRM car elle précise le potentiel de récupération tissulaire en faisant la différence entre les zones déjà nécrosées et celles en souffrance, poursuit la neurologue. Mais, l’angioTDM peut suffire. » Le stent SOLITAIRE (Medtronic) de dernière génération, qui a été utilisé dans les deux études, a apporté la preuve de son efficacité et de son innocuité.
Un plateau technique, une IRM et des gens formés
Ces résultats font beaucoup bouger aux États-Unis. « Tous les centres neurovasculaires veulent s’équiper, commente le Dr Cabrejo. C’est une « révolution » là-bas ». Le Dr Bruce Campbell, de l’université de Melbourne et auteur principal d’EXTEND-IA, ne mâche pas ces mots. Pour lui, ces résultats « marquent une profonde transformation dans la manière dont nous allons soigner les patients atteints d’AVC. (...) Une preuve irréfutable de la sécurité et de l’efficacité de la thrombectomie avec pose de stent ». Pour le Dr Michael Hill, de l’université de Calgary et auteur principal d’ESCAPE, il s’agit « d’une série de preuves incontestées » et « les stratégies thérapeutiques évolueront en ce sens ». Le mouvement est lancé. Ces résultats sont de nature à faire évoluer les recommandations françaises car la France est actrice. Pour le Dr Cabrejo : « Tous les CHU ayant un plateau technique de radiologie interventionnelle ont théoriquement la possibilité de le faire. Le réel défi, ce sera la formation des professionnels. »
The New England Journal of Medicine, publié le 11 février 2015
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