D'un point de vue physiopathologique, plusieurs mécanismes témoignent du rôle de l’inflammation dans le développement de l’athérosclérose et des complications cardiovasculaires qui en découlent. Au niveau de la paroi vasculaire, l’infiltrat de lipoprotéines et de monocytes, puis la transformation spumeuse des macrophages, est à l’origine du développement d’une plaque athéromateuse, constituée d’un coeur lipidique et d'une chappe fibreuse. Par le biais d’une cascade inflammatoire, de nombreux facteurs pro-inflammatoires (notamment les IL-6, IL-1b et métalloprotéases) sont libérés au sein même du vaisseau, ce qui facilite le recrutement de monocytes et une auto-aggravation de la plaque.
Les différents facteurs impliqués dans ces voies de l’inflammation sont autant de cibles thérapeutiques potentielles. Déjà, dans les années 1960, des équipes avaient imaginé utiliser des corticoïdes pour réduire l’inflammation à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde (IDM). Mais les études n’avaient pas permis de démontrer un bénéfice significatif sur les décès en post-infarctus.
Des statines au canakinumab
Quelques années plus tard, la découverte des effets pléiotropes des statines a été une vraie révolution. Au-delà de la baisse du LDL-cholestérol, les statines ont en effet la capacité de bloquer différentes molécules inflammatoires, comme le TNF-alpha et l’IL-1, et d’activer des cytokines anti-inflammatoires, telles que l’IL-10. Ainsi, cette classe thérapeutique a démontré un bénéfice significatif sur l’évolution de l’athérosclérose par un double mécanisme : la baisse du LDL-cholestérol et son action anti-inflammatoire (attestée par la diminution de la CRP).
Puis plus récemment, de nombreux travaux cliniques ont été menés pour cibler certaines cytokines impliquées dans la cascade inflammatoire. « L’inhibition de l’IL-1 avec le canakinumab dans l’étude CANTOS a permis de valider la théorie inflammatoire de l’athérosclérose », rappelle le Pr Jérôme Roncalli. Le canakinumab, un anticorps monoclonal développé pour le traitement de maladies rares, avait montré dans des études préliminaires sa capacité à réduire significativement la CRP et l’IL-6. Dans l’étude CANTOS, il a été utilisé pour réduire le risque résiduel chez des patients coronariens stables par ailleurs très bien traités. Le critère primaire d’évaluation était un critère combiné associant IDM, accidents vasculaires cérébraux (AVC) non fatals et décès cardiovasculaires. Après 5 ans de suivi, les auteurs ont observé une baisse significative de 39 % de la CRP, sans effet sur le LDL-c, et une diminution significative du critère combiné de 15 %.
La colchicine dans le post-infarctus
En 2019, l’étude COLCOT a démontré les bénéfices d’un autre traitement anti-inflammatoire, la colchicine, dans le post-infarctus. Cette molécule, largement utilisée notamment dans la goutte et les péricardites, est un anti-inflammatoire à large spectre. Elle avait déjà été évaluée dans l’essai LODOCO mené il y a une dizaine d’années, qui avait mis en évidence, sur une cohorte de 500 patients coronariens stables, l’impact positif de la colchicine versus placebo sur les événements cardiovasculaires.
COLCOT a inclus 4 745 patients dans les 30 jours après un IDM, bénéficiant d’un traitement optimal de la coronaropathie et recevant de la colchicine (0,5 mg par jour) ou un placebo. Au terme d'un suivi moyen de près de 3 ans, la colchicine a permis une baisse significative de 23 % du critère primaire d’évaluation, défini comme le premier événement cardiovasculaire (décès, récidive d’IDM, AVC ou hospitalisation en urgence pour revascularisation). La réduction a porté essentiellement sur les AVC et les hospitalisations pour revascularisation.
« Ces résultats confirment l’intérêt de la prise en charge anti-inflammatoire de l’athérosclérose et sont observés avec un traitement pas très cher et assez bien toléré », rapporte le Pr Roncalli. D’autres stratégies, comme le méthotrexate ou des molécules ciblant la voie des MAPK, ont été évaluées, mais les études de phase 3 ont donné des résultats négatifs. « La question d’une utilisation plus générale de la colchicine se pose donc aujourd’hui », conclut le Pr Jérôme Roncalli.
D’après un entretien avec le Pr Jérôme Roncalli, service de cardiologie de l'Institut Cardiomet (CHU de Toulouse).
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