LA SPIRONOLACTONE AVAIT été évaluée contre placebo dans un essai thérapeutique dénommé RALES (Randomized Aldactone Evaluation Study), chez des patients ayant une insuffisance cardiaque évoluée et recevant pour 94 % d’entre eux des IEC. Cette étude avait mis en évidence une réduction ample (30 %), précoce (24 mois) et très significative de la mortalité totale.
La spironolactone induit une gynécomastie parfois douloureuse, chez 10 % des patients traités obligeant à arrêter le traitement chez environ 5 % des patients. De ce fait, un dérivé de cette molécule a été développé pour pallier à cet effet, l’éplérénone.
L’éplérénone (commercialisé sous le nom d’Inspra) est un antagoniste très sélectif des récepteurs minéralocorticoïdes. Il agit par compétition sélective de l’aldostérone au niveau des récepteurs minéralocorticoïdes de plusieurs tissus. Il empêche la fixation de l’aldostérone, hormone essentielle du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA), impliquée dans la régulation de la pression artérielle et la physiopathologie des maladies cardiovasculaires. La présence du groupement 9-11-epoxide au sein de la molécule d’éplérénone diminue la fixation aux récepteurs glucocorticoïdes humains recombinants, aux récepteurs à la progestérone et aux androgènes. Ainsi, l’éplérénone a une meilleure tolérance concernant les effets oestrogéniques (gynécomastie) et anti-androgéniques (impuissance) connus des antagonistes de l’aldostérone, facteurs limitants de leur utilisation.
L’éplérénone a été évaluée dans un essai thérapeutique conduit en phase précoce d’infarctus du myocarde compliqué d’insuffisance cardiaque, l’étude EPHESUS (Eplerenone Post-Acute Myocardial Infarction Heart Failure Efficacy and Survival Study). Cette étude a été arrêtée dès 16 mois de suivi moyen et avant son terme du fait d’une réduction significative de la mortalité totale (atteignant 15 % en valeur relative). Dans cette étude 86 % des patients recevaient un IEC.
Les antialdostérone sont donc devenus un traitement de référence de l’insuffisance cardiaque sévère mais leurs effets dans l’insuffisance cardiaque peu symptomatique ne sont pas connus et chez ce type de patients, dans les suites de l’étude CHARM, il est recommandé d’ajouter un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine 2 (le candesartan à 32 mg/j) pour diminuer le risque d’hospitalisation.
L’étude EMPHASIS HF.
L’étude EMPHASIS (Eplerenone in Mild Patients Hospitalization and Survival Study in Heart Failure) a été conduite pour évaluer, contre placebo, l’effet de l’éplérénone sur le pronostic de patients ayant une insuffisance cardiaque peu symptomatique.
Pour être inclus, les patients devaient avoir au moins 55 ans, avoir une insuffisance cardiaque au stade II de la NYHA, une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieur à 30 % (au entre 30 et 35 % et une durée du complexe QRS supérieur à 130 ms), devaient être traités de façon optimale, selon les recommandations pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, et donc devaient recevoir un IEC et/ou un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine 2 (ARA 2). Ils devaient aussi avoir été hospitalisés lors des 6 mois précédents pour une cause cardio-vasculaire ou avoir des valeurs élevées de peptides natriurétiques (BNP › 250 pg/ml ou Nt-pro-BNP › 500 pg/ml chez les hommes ou 750 pg/ml chez les femmes). Ils ne devaient pas avoir d’insuffisance rénale (définie par un DFG inférieur à 30 ml/min/m²) et avoir une kaliémie inférieure à 5,0 mmol/l.
L’éplérénone a été prescrite jusqu’à une posologie cible recommandée de 50 mg/j en débutant par 25 mg/j.
Les 2 737 patients inclus avaient en moyenne 68 ans et recevaient pour 93 % d’entre eux un IEC et/ou un ARA 2. La dose moyenne du traitement à 6 mois était de 39 mg/j.
L’essai a dû être arrêté avant son terme du fait d’un bénéfice clinique significatif sous éplérénone. Les événements du critère primaire (décès cardiovasculaires et hospitalisations pour insuffisance cardiaque) ont été réduits de 37 % (RR : 0,63 ; IC 95 % : 0,54-0,74 ; p < 0,0001), la mortalité totale de 24 % (RR : 0,76 ; IC 95 % : 0,62-0,93 ; p = 0,008), la mortalité cardio-vasculaire de 24 % (RR : 0,76 ; IC 95 % : 0,61-0,94 ; p = 0,01), les hospitalisations toutes causes de 23 % (RR : 0,77 ; IC 95 % : 0,67-0,88 ; p < 0,001), les hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 42 % (RR : 0,58 ; IC 95 % : 0,47-0,70 ; p < 0,001) et les hospitalisations pour cause cardiovasculaire de 31 % (RR : 0,69 ; IC 95 % : 0,60-0,81 ; p < 0,001).
L’incidence des hyperkaliémies a été significativement augmentée dans le groupe de patients ayant reçu l’éplérénone sans que cet effet ait conduit à une augmentation des arrêts de traitement.
Un impact majeur pour la pratique.
L’étude EMPHASIS étend le bénéfice des antagonistes des récepteurs de l’aldostérone aux patients ayant une insuffisance cardiaque peu symptomatique : le bénéfice constaté est majeur, supérieur à ce qui a été mis en évidence lors d’une association d’un ARA 2 à un IEC. De ce fait, l’éplérénone devient un traitement majeur de l’insuffisance cardiaque symptomatique chez les patients recevant déjà un bloqueur du système rénine angiotensine et un bêtabloquant.
La surveillance régulière de la fonction rénale et de la kaliémie sera le moyen de garantir le bénéfice clinique de ce traitement dans la pratique clinique.
Conflits d’intérêts de l’auteur :
Honoraires pour conférence ou conseils pour les laboratoires : Abbott, Astra-Zeneca, BMS, Boehringer-Ingelheim, IPSEN, Menarini, MSD, Novartis, Pfizer, Roche-diagnostics, sanofi-aventis France, Servier, Takeda
D’après la communication de F. Zannad.
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