Si le traitement par statines ne fait pas débat en prévention secondaire, il n’en est pas de même pour la prévention primaire. Après la polémique française fin 2012 autour d’une surprescription nationale et les nouvelles recommandations anglo-saxonnes publiées une année plus tard allant à contre-courant, comment s’y retrouver ? Comment identifier au plus juste les patients dits « à haut risque cardio-vasculaire » qui en tireraient le meilleur profit ?
Une étude publiée dans le « Lancet » et menée par des chercheurs de la Washington University School of Medicine (Saint Louis), du Massachusetts General Hospital et de la Harvard Medical School apporte de nouveaux éléments de réponse à l’aide d’un score de risque génétique.
Comme le résume le Dr Nathan Sitziel, généticien et cardiologue à la Washington University et premier co-auteur : « Il y a un débat en cours actuellement sur les patients à qui prescrire des statines pour prévenir un premier infarctus du myocarde. Certains ont dit qu’il fallait traiter plus de gens, tandis que d’autres disent qu’il fallait en traiter moins. Une autre approche est d’identifier les patients à risque élevé et de prescrire préférentiellement les statines à ces individus. La génétique se présente comme l’un des moyens d’identifier les patients à haut risque ».
Un score sur 27 gènes
En ne considérant que le seul risque coronarien conféré par 27 locus génétiques de prédisposition identifiés dans l’infarctus du myocarde (IDM), l’équipe de Dr Jessica Mega a mis en évidence que les sujets à risque intermédiaire ou faible ont peu de bénéfices à attendre des statines, ce qui n’est pas du tout le cas pour ceux à risque élevé. Alors qu’il suffit de traiter 25 patients à risque élevé pendant 10 ans pour éviter un accident cardiaque, il faut en traiter 42 voire 66, respectivement pour les groupes à risque intermédiaire et élevé. In fine, même si le test génétique n’est pas disponible aujourd’hui, ces résultats ouvrent une nouvelle piste pour mieux cibler les candidats aux statines en prévention primaire.
Les chercheurs américains ont constitué une population de près de 49 000 individus à l’aide de 5 études, la cohorte de la Malmo Diet and cancer study et 4 essais randomisés, à la fois de prévention primaire (JUPITER et ASCOT) et de prévention secondaire (CARE et PROVE IT-TIMI22). L’équipe a ainsi mis en évidence que les sujets à haut risque coronarien génétique présentaient un risque d’accident coronarien augmenté de 70 % par rapport à ceux à risque génétique faible. Selon eux, le traitement par statines permettrait de réduire le risque de 13 % dans le groupe à risque faible, de 29 % dans le groupe intermédiaire et de 48 % dans le groupe à haut risque.
Un outil d’aide à la prescription
Une polémique autour de la prescription trop large des statines a agité l’opinion dès l’automne 2012 et début 2013, suite à la publication de deux livres très critiques écrit par le Pr Philippe Even. En réaction la Haute Autorité de santé avait souhaité rappeler que la prescription en prévention secondaire était « indiscutable » et qu’en prévention primaire, les statines étaient « à réserver aux personnes à haut risque, c’est-à-dire qui cumulent plusieurs facteurs de risque tels qu’un diabète, une HTA, un tabagisme ». Et préciser, « dans le cas d’une hypercholestérolémie non familiale isolée, il n’a pas été démontré que la prescription de statines était efficace ».
Alors que la HAS reconnaissait un certain mésusage des statines en France avec « un recours abusif (...) en prévention primaire, en regard notamment des effets secondaires possibles », des recommandations américaines et britanniques sont venues rebattre les cartes et compliquer la donne, quelques mois plus tard, fin 2013 et début 2014. Celles-ci élargissent les populations cibles, puisqu’une très grande majorité de patients diabétiques deviennent candidats (tous les patients âgés entre 40 et 75 ans avec un LDL compris entre 0,70 et 1,90 g/l). Et plus largement, c’est le cas de tous les patients ayant un LDL compris entre 0,70 et 1,90 g/l et dont le risque cardiovasculaire est supérieur à 7,5 % sur 10 ans, avec un calcul qui devient de plus en plus complexe. L’arrivée de nouveaux outils, tels que le test génétique, permettrait de guider la prescription.
The Lancet, publié en ligne le 4 mars 2015
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