En effet, l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) correspond aux pathologies caractérisées par un remodelage des artérioles pulmonaires de petit calibre avec : 1) une prolifération des cellules musculaires lisses augmentant l’épaisseur de la média et favorisant des lésions dites plexiformes ; 2) une dysfonction endothéliale marquée par une vasoconstriction et des microthrombi in situ ; 3) un épaississement et une fibrose de l’intima.
Définitions hémodynamiques et classification clinique
La définition hémodynamique de l'hypertension pulmonaire (HTP) repose toujours sur la mesure directe de la pression artérielle pulmonaire (PAP) moyenne (PAPm) lors d’un cathétérisme cardiaque droit. En effet, la PAP systolique (PAPs) est trop dépendante de la volémie, du volume d’éjection du ventricule droit et de la compliance des gros troncs artériels pulmonaires pour rendre compte d’une anomalie artériolaire. La PAPm normale est < à 20 mmHg et on définit une HTP comme une PAPm ≥ à 25 mmHg. Hémodynamiquement, on distingue d’abord les HTP liées à une anomalie artériolaire, qui sont dites « précapillaires », caractérisées par une PAP d’occlusion (ou PAPO, reflet de la pression veineuse pulmonaire et atriale gauche) ≤ à 15 mmHg. Les HTP par transmission d’une élévation chronique de la pression atriale gauche, dites « post-capillaires » se caractérisent par une PAPO > 15 mmHg. Les HTP sont surtout classées en fonction de leur physiopathologie et de leur substrat histo-anatomique. Cette classification est conçue pour aider les cliniciens car conditionne également la stratégie thérapeutique. Le groupe 1 est celui des HTAP, dans lequel on retrouve les HTAP idiopathiques, héritables et/ou liées à l’exposition à certains toxiques ou médicaments comme les anorexigènes, et les HTAP associées à d’autres pathologies spécifiques : connectivites (la sclérodermie en 1er), les hypertensions portales (avec cirrhose ou pas), les patients porteurs du virus VIH et certaines cardiopathies congénitales. Le groupe 2, le seul à être hémodynamiquement « post-capillaire », est celui des cardiopathies gauches. Le groupe 3 est celui des maladies respiratoires chroniques du parenchyme souvent avec hypoxémie importante (bronchopathies chroniques, emphysème, pneumopathies interstitielles, etc.). Le groupe 4 est celui des thromboembolies chroniques (et autres obstructions artérielles beaucoup plus rares) et le 5 celui de maladies inclassables en raison de mécanismes complexes, méconnus et/ou multiples.
Dépistage et diagnostic
L’HTP doit être évoquée chez les patients ayant une pathologie personnelle (ou familiale) ou une exposition à un toxique, les rendant à risque de développer une HTP mais surtout, en cas de dyspnée persistante d’apparition progressive, qui quasi constante chez tous les patients. L’examen de dépistage est dans toutes ces situations l’échographie cardiaque. L’échocardiographie recherche l’existence d’une insuffisance valvulaire tricuspide, dont la mesure de la vitesse maximale donne par l’équation de Bernoulli simplifiée, une mesure indirecte du gradient de pressions ventricule droit / atrium droit, et donc de la PAPs en additionnant à ce gradient, l’estimation de la pression atriale droite. Mais les limites techniques et l’absence parfois de fuite tricuspide, rendent indispensables l’évaluation des cavités cardiaques droites. Ainsi, les dernières recommandations internationales donnent un niveau de probabilité d’HTAP et renseignent sur les indications de cathétérisme cardiaque droit, en fonction du contexte clinique, de la vitesse maximale de la fuite tricuspide avec des seuils de ≤ 2,8 m/sec (gradient VD/OD à 31 mmHg) et > 3,4 m/sec (gradient > 46 mmHg) et de la taille des cavités droites, de la veine cave et/ou du tronc de l’artère pulmonaire. L’échographie cardiaque recherchera également des éléments pour une valvulopathie gauche et/ou pour une insuffisance cardiaque, pas uniquement avec la mesure de FEVG mais aussi par l’évaluation d’une anomalie diastolique et la mesure de la taille de l’atrium gauche. En l’absence de cardiopathie gauche, de pathologie pulmonaire parenchymateuse ou de maladie thromboembolique chronique, un cathétérisme cardiaque droit est indispensable à la confirmation du diagnostic et à l’évaluation préthérapeutique à l’aide du test de vasoréctivité en aigu (« test au monoxyde d’azote ») et de la stratification de la sévérité.
Des thérapeutiques adaptées
La classification internationale est le support à la prise en charge thérapeutique. Ainsi, à ce jour, seules les HTAP (groupe 1) justifient d’un traitement spécifique. Ce traitement fait appel à 5 grandes classes thérapeutiques (antagonistes des récepteurs de l’endothéline 1, inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, activateur de la guanylate cyclase soluble, analogues de la prostacyclines et récemment un agoniste du récepteur de la prostacycline) qui sont de plus en plus utilisées en association et de façon plus précoce par rapport au diagnostic. Les progrès récents ont été la preuve dans des essais contrôlés, de l’amélioration de la morbimortalité avec certaines de ces thérapeutiques et surtout de leur intérêt en association précoce. Si les HTP du groupe 2 (cardiopathies gauches), constituent sans doute la première cause d’HTP (en particulier avec l’insuffisance cardiaque [IC] à FEVG préservée), il n’existe actuellement aucun bénéfice montré avec ces médications spécifiques. Le débat est encore actuellement de savoir si cette HTP est juste un marqueur de gravité de l’IC, ou si à partir d’un certain seuil de PAP, de résistances pulmonaires ou de gradient entre la PAPm et la diastolique, une pathologie artériolaire s’installerait et justifierait d’un traitement dédié. L’autre étiologie répandue est l’HTP sur thromboembolie chronique, dont la fréquence est sans doute sous-diagnostiquée par l’angioscanner thoracique lorsque seule la lumière artérielle est interprétée car les lésions postemboliques sont très différentes de l’obstruction luminale par un thrombus récent. Cette étiologie est à évoquer systématiquement car la seule, à ce jour, susceptible chez certains patients de bénéficier d’un traitement définitivement curatif : l’endartériectomie pulmonaire bilatérale chirurgicale. C’est aussi dans cette dernière étiologie, que ces dernières années ont vu émerger une technique extrêmement prometteuse : l’angioplastie pulmonaire percutanée au ballon.
En somme, l’hypertension pulmonaire est une problématique au carrefour de la cardiologie et de la pneumologie. Si l’HTAP reste une maladie rare nécessitant une prise en charge spécifique dans des centres experts (réseau français des centres de compétences et référence, labellisé ministère), la question des HTP est devenue une problématique quasi-quotidienne des cardiologues, en particulier en raison de son dépistage par échocardiographie. Si tous les patients ne justifient pas d’un cathétérisme cardiaque et/ou d’un avis auprès d’un centre expert, tous ces patients requièrent une attitude attentive (évaluation échographique complète en particulier aspect des cavités droites et évaluation de la diastole et de l’atrium gauche) et quelques « réflexes » comme la réalisation d’une scintigraphie pulmonaire V/P pour éliminer (si normale) une maladie thromboembolique chronique.
CHRU Lille
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