Quelle place pour l'aspirine?

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Publié le 15/04/2019

L’étude AUGUSTUS a été conduite en plan factoriel, chez des patients ayant une fibrillation atriale non valvulaire (FA) et, soit un syndrome coronaire aigu (SCA), traité ou non par angioplastie coronaire, soit une angioplastie coronaire élective avec stent actif (ACESA) afin d’évaluer deux hypothèses relatives à la stratégie antithrombotique : un anticoagulant oral direct (AOD) n’est pas inférieur à un AVK en matière de risque d’hémorragies majeures ou cliniquement pertinentes à 6 mois (hypothèse validée par l’étude) et, l’aspirine augmente significativement le risque d’hémorragies majeures ou cliniquement pertinentes par rapport au placebo à 6 mois.

Aspirine contre placebo

Les patients inclus dans l’étude AUGUSTUS devaient avoir une FA justifiant un traitement anticoagulant oral, avoir été pris en charge pour un SCA, traité par angioplastie coronaire ou non, ou avoir eu une ACESA dans les 14 jours précédents. Tous recevaient un antiagrégant plaquettaire (AAP) anti-P2Y12 pour au moins 6 mois. Après avoir été randomisés entre un traitement par un AOD ou par un AVK, ils recevaient en double aveugle soit de l’aspirine à 81 mg/j soit l’équivalent placebo. Le critère primaire évalué était la survenue d’une hémorragie majeure ou cliniquement significative selon la classification ISTH, à 6 mois, avec un protocole devant valider la supériorité du placebo sur l’aspirine.

Parmi les 4 614 patients inclus, 37 % avaient eu un SCA traité par angioplastie coronaire, 24 %, un SCA traité pharmacologiquement et 39 % une ACESA.

Au terme des 6 mois de suivi, l’incidence des hémorragies du critère primaire a été de 16,1 % sous aspirine et de 9 % sous placebo (HR : 1,89  ; nombre de patients à traiter par aspirine plutôt que placebo pour induire une hémorragie : 14), permettant de valider la supériorité du placebo (p < 0,01).

À 6 mois, il n’a pas été constaté de modification de l’incidence des événements des deux principaux critères secondaires : d’une part, décès et hospitalisations, et d’autre part, décès et événements ischémiques (AVC, infarctus du myocarde, thrombose de stent définie ou probable, revascularisations urgentes).

La fin programmée de l’aspirine ?

Certes, la première partie de cette étude conduit à un consensus : il est préférable d’utiliser un AOD plutôt qu’un AVK dans cette situation clinique. Cependant, la deuxième partie suscite des appréciations différentes car malgré le nombre de patients inclus, l’étude manque de puissance pour évaluer le risque thrombotique, en matière d’infarctus du myocarde et de thrombose de stent, encouru par l’arrêt précoce de l’aspirine.

Il semble donc utile d’évaluer le rapport bénéfice risque en comparant les incidences absolues d’événements à 6 mois et leur écart absolu. Ainsi, dans le groupe placebo, l’incidence des hémorragies majeures ou cliniquement pertinentes a été de 9 % et elle est significativement augmentée en absolu de 7,1 % avec l’aspirine. Quant aux incidences respectives des thromboses de stent et des infarctus du myocarde, elles sont de 0,9 % et de 3,6 % dans le bras placebo, diminuées en absolu (non significativement) de 0,4 % et 0,5 % sous aspirine. L’incidence des décès cardiovasculaires n’est pas significativement différente entre les groupes (2,5 % sous placebo et 2,3 % sous aspirine ; HR : 0,92 ). Il n’y a donc pas de signal indiquant un risque thrombotique qui annulerait l’excès de risque hémorragique en arrêtant l’aspirine, mais nul doute, que si la tendance va être progressivement d’arrêter l’aspirine plus précocement, la situation sera à évaluer en fonction du risque thrombotique des patients.

Lopes RD, Heizer G, Aronson R et al. Antithrombotic therapy after acute coronary syndrome or PCI in atrial fibrillation. New England Journal of Medicine, 17 mars 2019. DOI: 10.1056/NEJMoa1817083

Dr François Diévart

Source : Le Quotidien du médecin: 9741