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Dossier

29es Journées européennes de la Société française de cardiologie

Un congrès de cardio très vasculaire !

Publié le 08/02/2019
Un congrès de cardio très vasculaire !

cardiovasculaire
PIXOLOGICSTUDIO/SPL/PHANIE

Prise en charge ambulatoire de l’embolie pulmonaire, pertinence du traitement des TVP distales, etc. Cette année, le congrès de la Société française de cardiologie (Paris, 16-19 janvier) a fait la part belle au vasculaire périphérique. Mais c’est aussi l’HTA et les questions liées aux seuils et aux objectifs tensionnels qui ont animé les conversations de cette édition 2019.

Embolie pulmonaire : vers un traitement ambulatoire pour le faible risque

L’avènement des angioscanners multibarettes a augmenté les diagnostics d’embolie pulmonaire (EP) avec un nombre plus important de découvertes fortuites, a priori de bon pronostic, ce qui amène à s’intéresser de plus près au traitement ambulatoire de l’EP. Actuellement, 95 % des EP donnent lieu à une hospitalisation d’une durée moyenne de 10 jours, selon les données du PMSI de 2010. Or, les EP graves ne représentent que 5 % des cas, tandis que celles à risque bas en représentent 35 %.

On a maintenant des outils fiables pour évaluer la sévérité de l’EP et identifier les candidats à un traitement ambulatoire, soit d’emblée soit après une hospitalisation de courte durée. Que ce soit les études ou les registres, il est clair maintenant que l’immobilisation prolongée est non seulement inutile mais contre-indiquée et que le traitement ambulatoire fait au moins aussi bien que l’hôpital sur les récidives et la mortalité. Une méta-analyse publiée en 2017 a ainsi montré que le taux de complications d’un traitement en ambulatoire ou après une hospitalisation courte est assez faible, avec 1,56 % de récidive, 1,15 % de saignements majeurs et 2,34 % de décès à 3 mois.

Les recommandations françaises, sous presse, emboîtent ainsi le pas aux guidelines américaines et européennes pour dire qu’il est légitime d’envisager le traitement ambulatoire ou une hospitalisation < 48 heures lorsque les score PESI ou PESI simplifié classent l’EP dans la catégorie à bas risque (PESI<86 ou PESIs=0), à condition qu’il n’y ait ni comorbidité sévère, ni atteinte rénale, ni troubles cognitifs, ni risque hémorragique. « Il est impératif que le patient ait un accès aux soins aisé en cas d’aggravation, un entourage familial présent et que soit organisé un parcours de soins avec le médecin traitant, avec une consultation à 3 jours, un mois et 3 à 6 mois », insiste le Pr Nicolas Meneveau (Besançon).


 

TVP distales, les traiter ou non ?

Les thromboses veineuses profondes distales (TVPD) sont a priori de meilleur pronostic que les proximales, à tel point que les recommandations américaines se sont posé la question de ne pas les traiter, et de ne pas les diagnostiquer. Une option débattue lors du congrès mais que ne retiennent pas les nouvelles recommandations françaises, car si on évite le risque hémorragique, il n’est pas pertinent de négliger certaines TVPD potentiellement à risque de récidive ou de décès. Une TVPD isolée non traitée se complique à 3 mois de 9 % d’extension proximale, de 1 % d’EP symptomatique, des chiffres qui passent à 2,3 % et 0 % si elle est traitée. De plus, le risque hémorragique semble plus faible dans les TVPD.

« Certains profils de TVPD seraient plus à risque d’extension ou de récidive : association au cancer, thrombose idiopathique ou au contraire avec facteur de risque persistant, thrombi multiples, sexe masculin », explique le Pr Isabelle Quéré (Montpellier). 

Pour la première TVPD, les recommandations françaises suggèrent un traitement anticoagulant curatif pour 6 semaines à 3 mois mais pas au-delà. Ce n’est qu’après une troisième récidive que se discuterait le bénéfice d’un traitement prolongé. En cas de cancer, le risque de récurrence thromboembolique est élevé, mais le risque hémorragique aussi. Il est proposé une anticoagulation par HBPM pendant 3 mois, qui pourrait être prolongée si le cancer reste actif. En cas de découverte fortuite d’une TVPD isolée chez un patient asymptomatique, il est proposé de s’abstenir de traitement mais d’assurer une surveillance échographique s’il existe un risque d’extension.

Anévrysme abdominal, les fausses promesses des prothèses endovasculaires

Depuis 2012, la HAS prône un dépistage opportuniste unique de l’anévrysme de l’aorte abdominale (AAA) ciblé sur les sujets jugés les plus à risque, soit les hommes entre 65 et 75 ans avec un tabagisme chronique actuel ou passé, ou ceux âgés de 50 à 75 ans en cas d’antécédents familiaux d’AAA. « S’il diminue la mortalité par anévrysme, ce dépistage n’a pas d’effet marquant sur la mortalité globale. Le rapport bénéfice/coût est intéressant dans une population bien sélectionnée, mais 20 % des AAA surviennent chez des femmes ou des non-fumeurs qui échappent au dépistage opportuniste », souligne le Pr Joseph Emmerich, (Paris). De plus, en cas d’AAA, la mortalité est très majoritairement liée à la maladie athéromateuse, bien plus qu’à l’anévrysme lui-même.

Côté traitement, les résultats de l’endoprothèse vasculaire sur la mortalité à 30 jours sont nettement favorables. La procédure est moins invasive, provoque moins de complications (éjaculation rétrograde), ce qui a soulevé un enthousiasme certain. En France, sur 9 000 AAA opérés par an, 60 % le sont par endoprothèse. Mais si les résultats sur la qualité de vie sont en faveur de la prothèse à court terme, la chirurgie classique se révèle supérieure au long cours. Quant à la mortalité toute cause, les courbes finissent par se rejoindre. On constate surtout qu’à 15 ans, la survie sans réintervention est de 80 % pour la chirurgie mais de 65 % avec l’endoprothèse. Celle-ci connaît deux problèmes principaux, liés au fait que la poche anévrysmale reste en place, d’où un risque de fuite interne entre la prothèse et la poche, ainsi que d’élargissement du sac anévrysmal exposant à la rupture. Ces complications peuvent donner lieu à des réinterventions. « L’endoprothèse se justifie par son bénéfice à court terme chez les patients à haut risque chirurgical ou à espérance de vie réduite, en cas d’urgence ou de rupture, mais les résultats finalement assez décevants à long terme justifient le strict respect des conditions anatomiques et surtout une surveillance à long terme par scanner, IRM ou échographie très régulière, prévient le Pr Jean Marc Alsac (Paris). Sa place chez des patients à bas risque chirurgical et une espérance de vie supérieure à 10 ans reste controversée. »

En bref... 

Les chocs cardiogéniques pas toujours ischémiques Selon le registre français Frenshock, seulement 40 % des chocs cardiogéniques sont d’origine ischémique, les autres étant dus à des troubles du rythme (30 %), ou de causes infectieuses ou iatrogènes.

FA, les AOD devant les AVK  En France, 92 % des patients en FA sont anticoagulés, selon le registre européen Eorp-AF, avec un rapport de prescription AVK/AOD de 0,7 comme en Europe du Nord et de l’Ouest, alors que les AVK restent majoritaires en Europe de l’Est et du Sud. 

Une veste pour la vie Dans le registre Wearit France, le gilet défibrillateur externe de type LifeVest confirme son intérêt pour prévenir le risque de mort subite chez des patients à haut risque en attente de défibrillateur implantable, avec peu de chocs inappropriés (0,7 %).


Dr Maia Bovard-Gouffrant