« Je travaille en Afrique depuis dix ans en coopération avec le ministère de la Santé au Cameroun », raconte le Pr Pierre-Yves Mure, chirurgien pédiatre à l’hôpital Femme-Mère-Enfant aux Hospices civils de Lyon.
Le spécialiste se rend sur place deux fois par an, une dizaine de jours à chaque fois, pour opérer des malformations urologiques. En décembre 2018, il entend parler de sœurs siamoises qui viennent de naître.
« Il y avait déjà eu des siamoises nées au Cameroun, mais c’était la première fois dans l’hôpital de Yaoundé, raconte-t-il. Cela posait différents problèmes et notamment la question de pouvoir ou non les opérer là-bas ». Or, la nuit il n’y avait personne dans cet hôpital et un seul respirateur. « J’ai réuni une équipe de gens compétents pour pratiquer l’intervention », indique le Pr Mure. Autour des fillettes, se sont affairés des chirurgiens pédiatres uro-viscéraux, car les petites filles étaient attachées au niveau de l’abdomen ; un spécialiste en transplantation hépatique ; des anesthésistes pédiatres ; des radiologues pour avoir un bilan avant l’intervention ; des réanimateurs pédiatres et les équipes du bloc opératoire. « Il faut doubler les équipes, les infirmières de bloc et d’anesthésie, mais aussi le matériel. Je savais que nous pouvions le faire car nous avions les compétences », souligne le chirurgien.
Néanmoins, il déconseille d’opérer les fillettes sur place, faute de matériel et d’infrastructures adaptées. « Mes confrères camerounais m’ont alors demandé si nous étions prêts à faire venir les enfants à Lyon. Nous avons répondu oui, mais cela posait des problèmes d’argent et de visas, poursuit le Pr Mure. Quand je les ai revues en avril, elles avaient cinq mois et nous commencions à échafauder la logistique. Nous avions envisagé de les opérer en juillet mais je n’avais pas réuni tout l’argent ».
Six heures au bloc opératoire
Finalement, la Chaîne de l’espoir a financé l’intervention et s’est occupée de toute la logistique : famille d’accueil, transports, visas, etc. Le gouvernement camerounais a également participé financièrement à hauteur de 50 %. Les petites filles ont donc été opérées avec succès le 13 novembre, malgré les aléas de leur état de santé. « Elles sont restées six jours en réanimation avant l’intervention car elles ont attrapé un virus respiratoire syncitial (VRS) en arrivant, indique-t-il. De plus, nous n’avions pas détecté une cardiopathie chez l’une des petites filles car nous n’avions effectué qu’un scanner et pas d’échographie ». À leur arrivée en France, elles ont immédiatement bénéficié d’une échographie du cœur le 4 novembre. La plus petite des deux avait un gros souffle au cœur.
Baptisées Bissie et Eyenga Merveille, les fillettes ont une nette différence de taille. L’une s’est moins bien développée du fait de la cardiopathie. « Aujourd’hui elles vont bien. La séparation a plutôt amélioré l’état de la petite. Sa sœur n’a pas besoin de chirurgie complémentaire », explique le Pr Mure.
Une chirurgie dans la sérénité
Opérées l'âge de 11 mois, les fillettes sont restées six heures au bloc. « Elles avaient deux pancréas et deux voies biliaires. Nous avons fait une IRM, un scanner, une opacification digestive. A 99 %, nous savions que l’opération était possible », assure-t-il. Une stratégie avait été établie à l’occasion de réunions pluridisciplinaires. « Chacun avait son rôle : nous avions un chirurgien plasticien avec nous qui pouvait refaire un ombilic. Nous avons séparé le foie et refait des shunts vasculaires et nous avions prévu toutes les éventualités, par exemple une plaque si nous ne pouvions pas refermer la peau. Mais nous n’avons pas eu de mauvaises surprises pendant l’opération et tout s’est passé dans la sérénité », décrit-il.
La petite sœur Bissie a été opérée du cœur le 6 décembre et le pronostic est favorable. Si l'intervention a été « lourde et délicate », tout « s'est bien déroulé », est-il indiqué dans un communiqué. Bissie est finalement sortie le 21 décembre et a pu fêter Noël avec sa soeur et sa maman dans leur famille d'accueil. Une visite médicale de contrôle était prévue après les vacances avant qu'elles ne reprennent la route du Cameroun courant janvier. « Une fois qu’elles auront récupéré, elles n’auront pas besoin de soins complémentaires, elles pourront rentrer au Cameroun dans leur famille et avoir une vie autonome et épanouie », avait expliqué en décembre le Pr Mure.
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