La viscosupplémentation a une efficacité modérée (20 %) mais significative par rapport au placebo, sur la douleur et la fonction, avec un taux important de patients répondeurs (60-70 % dans la gonarthrose). Elle permet une épargne en antalgiques opiacés et en AINS, avec un meilleur rapport bénéfices-risques, et pourrait retarder l’heure de la prothèse. L’effet chondroprotecteur reste à confirmer.
L’efficacité clinique est retardée de 2 à 4 semaines par rapport aux infiltrations cortisoniques, mais se prolonge pendant 6 voire 12 mois (versus 1 à 3 semaines pour des corticoïdes). La co-injection systématique des deux n’est pas justifiée, n’ayant pas apporté de bénéfice net dans une étude récente (1) et obligeant à respecter un délai de 6 à 24 semaines (selon les produits) avant toute arthroplastie, pour ne pas augmenter le risque septique sur prothèse.
Indications
La viscosupplémentation est classiquement proposée dans l’arthrose, à condition qu’elle soit symptomatique, qu’il y ait échec et/ou intolérance au traitement médical – non pharmacologiques (conseils de réduction pondérale, d’activité physique, d’épargne et de stabilisation articulaire, orthèses), antalgiques, et AINS. Un remboursement forfaitaire est actuellement possible en France dans ce cadre, dans la gonarthrose seulement – et non dans les autres articulations – à raison d’un traitement par an et par genou, à condition que l’AH soit prescrit et administré par un spécialiste : rhumatologue, médecin physique et rééducateur, ou chirurgien orthopédique.
Elle n’est pas indiquée à titre préventif, en l’absence d’effet chondroprotecteur prouvé avec les schémas actuels. Elle est réservée à l’arthrose symptomatique. Le renouvellement de la cure annuelle n’est indiqué que si l’arthrose est à nouveau symptomatique.
Chez le sportif, l’innocuité de l’AH, reconnu comme non dopant, en fait un traitement d’appoint intéressant, à réaliser si possible en intersaison.
À noter : la présence d’une chondrocalcinose radiologique (extrêmement fréquente chez le sujet âgé), n’est pas une contre-indication, dans la mesure où le patient n’est pas en poussée de pseudogoutte.
Marche arrière des recommandations internationales
L’AH faisait jusqu’alors partie intégrante des recommandations internationales pour la prise en charge de la gonarthrose, de la coxarthrose et la rhizarthrose, parmi lesquelles les recommandations européennes de l’EULAR (3), qui reconnaissent une efficacité symptomatique réelle bien que modérée des injections d’AH.
Une position qu’elles ont toutefois récemment remise en question dans la gonarthrose. Ainsi, pour le collège des rhumatologues américains (ACR), depuis 2012, les injections ne sont pas recommandées de façon générale dans la gonarthrose mais conditionnellement, en cas d’échec du traitement médical, en particulier chez des patients âgés de plus de 75 ans. Il en est de même pour la coxarthrose. Les associations de chirurgiens orthopédistes américains (AAOS) et britanniques (NICE) ne recommandent clairement pas l’utilisation de l’AH dans la gonarthrose. L’OARSI le recommande de façon incertaine.
Stade d’évolution et site
Au total, il n’y a de profil de réponse bien identifié de la viscosupplémentation. La meilleure indication paraît être l’arthrose modérée en l’absence de poussée inflammatoire, c’est-à-dire sans épanchement important. Cependant, certaines études ont observé une efficacité dans les gonarthroses très évoluées, où les injections d’AH peuvent constituer une solution d’attente avant le remplacement prothétique. En revanche, les coxarthroses évoluées et destructrices rapides ne répondent pas à la viscosupplémentation, et restent du ressort de la chirurgie prothétique.
Selon l’articulation concernée, la réponse aux injections peut varier. Pour le genou, l’indication idéale semble être l’arthrose fémorotibiale modérée sans épanchement. La localisation fémoropatellaire a été peu évaluée, son efficacité semble moindre. Dans la coxarthrose, les résultats sont globalement décevants, au terme d’études randomisées comportant peut-être un nombre insuffisant d’injections. Dans l’omarthrose, avec ou sans rupture de coiffe, et dans l’arthrose de cheville, les résultats sont encourageants, mais pas avec rupture de coiffe isolée ni capsulite.
Quant aux petites articulations, l’efficacité de la viscosupplémentation est modeste (rhizarthrose), voire non probante dans l’hallux rigidus en monoinjection.
À retenir
Les injections articulaires d’AH conservent une place indiscutable dans le traitement de fond de l’arthrose symptomatique, surtout si elle est modérée et sans épanchement. L’apport est particulièrement appréciable chez les sujets jeunes ou âgés fragiles (polypathologiques et polymédicamentés), en alternative à la chirurgie.
Il s’agit d’un traitement d’utilisation simple et bien toléré, à condition de posséder une bonne technique d’injection. L’efficacité est certes modérée, mais avec un taux important de patients répondeurs. La viscosupplémentation permet ainsi une épargne en antalgiques opiacés et en AINS, avec un bien meilleur rapport bénéfice-risque, et susceptible de retarder l’heure de la prothèse au genou. Des travaux restent à réaliser pour déterminer notamment les facteurs prédictifs de réponse au traitement et le meilleur schéma thérapeutique selon l’articulation.
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