Le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) est une affection mystérieuse qui déroute encore aujourd’hui, mais affecte sérieusement les patients. Ce désordre douloureux survient le plus souvent au niveau du pied, voire de la main, de façon sournoise ou aiguë, à la suite d’un traumatisme mineur ou en l’absence de tout évènement inaugural flagrant. Aucune étiologie n’est retrouvée malgré la répétition des examens d’imagerie. Sur le plan clinique, les signes les plus fréquents sont une douleur en gant ou en chaussette, une allodynie majeure, une impotence fonctionnelle, un enraidissement articulaire, des troubles végétatifs de type changement de couleur, de température cutanée (souvent froide chez l’enfant), d’œdèmes, de sudation… L’intensité de la douleur permanente est volontiers quantifiée à 10/10 par les enfants et adolescents atteints ; devant un tel tableau, une inquiétude voire une angoisse se développent d’autant plus qu’aucune cause n’est retrouvée et que les traitements antalgiques habituels restent inefficaces.
Une identification clinique
Il existe deux types de SDRC. Seul le type I, le plus fréquent, sera traité ici. Il correspond à l’ancienne dénomination de « dystrophie sympathique réflexe ». Le type II est accompagné de déficits neurologiques identifiables. Un troisième type concerne des patients qui ne possèdent pas tous les critères du SDRC, mais qui ne correspond à aucune autre affection pouvant expliquer les douleurs alléguées.
Le diagnostic est exclusivement clinique ; il repose sur les critères dits de Budapest (2004, lire encadré).
Le rôle des examens complémentaire est essentiellement d’éliminer une affection causale. La biologie est normale dans le SDRC, y compris les marqueurs osseux, probablement du fait de la petite taille du segment atteint. La radiographie montre volontiers des signes de déminéralisation, qui pourraient être mieux documentés par un HR-pQCT (high-resolution peripheral quantitative computed tomography). La scintigraphie osseuse peut montrer un défaut de captation du traceur isotopique, révélant des images « froides » corrélées à l’aspect clinique ; mais l’irradiation liée à cet examen le fait souvent refuser. Quant à l’IRM, elle peut objectiver des anomalies de signal qui restent cependant aspécifiques.
Une reconnaissance tardive
Parmi les facteurs de gravité, notons le long délai avant le diagnostic – plusieurs mois. Les patients sont traités au départ pour une pathologie traumatique bénigne, et le syndrome est méconnu.
Ainsi, la survenue de douleurs sous plâtre aboutit souvent et paradoxalement à une poursuite de l’immobilisation, quand un SDRC débutant devrait être suspecté et immédiatement pris en charge.
D’autres facteurs de gravité rapportés sont un bon niveau scolaire, des facteurs psychologiques dont les conflits de toute nature, une anxiété, des antécédents de douleurs abdominales ou de céphalées.
Comparé à l’adulte, le SDRC de l’enfant se caractérise par une prédominance chez les filles (90 %), pour un âge moyen de 11 – 12 ans, avec une atteinte prédominante du membre inférieur (80 à 90 %). Un facteur inaugural traumatique mineur est parfois absent, le retard diagnostique de 3 à 4 mois est fréquent, l’extrémité douloureuse est plutôt froide, et des perturbations psychologiques sont rapportées.
Une genèse toujours inexpliquée
L’étiopathogénie du SDRC reste aujourd’hui inconnue. De nombreux facteurs intriqués font évoquer une cause multifactorielle, notamment une réponse cérébrale inadaptée à une lésion. L’origine peut être de nature inflammatoire, nerveuse (petites fibres, végétative sympathique, ou centrale), ou microcirculatoire. Ces hypothèses font l’objet de travaux de recherche, qui concernent avant tout l’adulte.
Une prise en charge non standardisée
L’attitude thérapeutique en pédiatrie est difficile à définir, dans la mesure où l’étiologie du SDRC reste inconnue, du fait de la grande variabilité des formes plus ou moins sévères et en raison d’une participation psychologique complexe du patient et de son entourage.
L’opinion actuelle repose sur un trépied qui associe une physiothérapie adaptée et indolore, un traitement antalgique facilitant la rééducation, et un suivi psychologique.
En kinésithérapie et en ergothérapie, tout doit être fait pour obtenir une mobilité active de la cheville et du pied (ou de la main et du poignet) sans ressentir la moindre douleur. Il n’est pas question de forcer une articulation dans une attelle, ni même de toucher les zones d’allodynie qui ont été répertoriées au préalable. Des aides comme les bains écossais, le travail en piscine, le travail du côté opposé face à un miroir sont utiles.
Les antalgiques habituels (paracétamol, AINS, opiacés) ou neuropathiques (antidépresseurs, anticonvulsivants, patchs locaux) peuvent être prescrits à la demande. Ils sont souvent jugés inefficaces par les patients, qui les acceptent cependant pour les séances de rééducation.
Les techniques cognitivocomportementales complètent le traitement. D’autres approches psychothérapiques sont discutées : l’acupuncture, la stimulation transcutanée (TENS), la stimulation électrique intracrânienne, l’hypnose…
La calcitonine, qui n’a pas d’AMM chez l’enfant, n’a pas fait la preuve de son efficacité. Quant aux bisphosphonates, ils pourraient avoir un intérêt dans les formes documentées avec une déminéralisation osseuse localisée.
Enfin, des espoirs étaient venus des thérapies invasives telles que bloc nerveux et sympathique, implantations de stimulateurs médullaires. Mais de nombreux auteurs sont volontiers en désaccord.
Quoi qu’il en soit, nous regrettons l’absence d’études scientifiques reconnues chez l’enfant, la littérature étant plutôt concentrée sur des travaux rétrospectifs et des études de cas sans preuve d’efficacité.
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