De la discectomie simple à la prothèse
Les hernies discales cervicales ont été traitées initialement par discectomie simple. Ces techniques donnaient de bons résultats initiaux mais l’évolution se faisait parfois rapidement vers la cyphose avec un affaissement discal et des risques de récidives névralgiques et cervicalgiques. D’où la réalisation des arthrodèses par greffe intersomatique, actuellement le gold standard.
Cependant, l’arthrodèse peut entraîner une dégradation des étages adjacents, sus et sous-jacents, parfois rapide, se traduisant par l’apparition d’une cyphose radiologique puis d’un éventuel retentissement clinique avec nécessité de réintervention dont la fréquence n’est pas négligeable comme en témoignent notre expérience personnelle et les différentes séries de la littérature (cf. notes).
Dans ces études, des dégradations des images radiographiques sont systématiquement découvertes à des pourcentages élevés, en moyenne 25 % à 10 ans, et des taux de reprise chirurgicale non négligeables liée à l’apparition de mouvements anormaux des disques sus et sous-jacents. Ce phénomène est encore plus fréquent si l’arthrodèse intéressait deux niveaux.
Cahier des charges
Les prothèses discales cervicales répondent aux cahiers des charges suivants :
- ablation d’une hernie cervicale avec si besoin ablation d’ostéophytes postérieurs après discectomie et même de façon plus aisée que lors d’une chirurgie conventionnelle puisque les ancillaires utilisés permettent une distraction intersomatique importante et donc un jour sur l’espace intervertébral postérieur plus confortable ;
- rehaussement de l’espace discal évitant ainsi l’évolution vers la cyphose, diminuant les risques de sollicitations des facettes articulaires postérieures tout en conservant la mobilité dans un secteur où le rachis est le plus mobile.
De nombreuses prothèses sont sur le marché : elles permettent de restaurer la lordose et la mobilité (cf. clichés dynamiques). Elles varient par leurs modes d’ancrage, leurs couples de frottement et leurs caractères contraints ou non.
La prothèse de Bryan utilisée à partir de 2000 est aujourd’hui délaissée du fait d’un ancillaire trop encombrant et surtout d’une évolution vers la cyphose dans un bon nombre de cas avec des risques de métalloses et de calcifications postérieures.
Les prothèses à rail central unique de fixation présentent des risques de fracture de la vertèbre intermédiaire lorsque deux étages sont pris en charge.
D’où notre choix de la prothèse Mobi-C de LDR Médical, prothèse semi-contrainte à noyau en polyéthylène mobile entre deux plateaux en chrome cobalt avec un ancrage ostéo-inducteur.
Cette prothèse permet 10° de flexion/extension, 10° d’inclinaison et 8° de rotation.
C’est la prothèse pour laquelle nous avons le plus d’expérience.
Technique opératoire
La technique de pose est classique : installation du patient à plat dos en légère lordose, incision par cervicotomie antérolatérale gauche le plus souvent, horizontale pour un niveau, verticale pour prendre en charge deux niveaux, abord discal entre l’axe aéro-digestif et l’axe vasculaire.
La discectomie est aidée par la mise en place d’un distracteur de Caspar suivie d’un curetage des ostéophytes postérieurs en effondrant le ligament commun vertébral postérieur.
Le centrage de la prothèse doit être parfait si l’on veut que celle-ci garde une mobilité dans le temps.
L’introduction de la prothèse se fait au marteau sous contrôle de l’amplificateur de brillance jusqu’au ras du mur vertébral postérieur, élément capital afin d’éviter un hématome postopératoire en arrière de la prothèse source de calcifications postopératoires.
La prothèse une fois centrée est mise en compression.
Indications
- Les névralgies cervicobrachiales liées à une hernie discale molle résistant à six semaines de traitement médical ou entraînant un déficit moteur.
- Plus discutables sont les indications pour une névralgie cervicobrachiale par hernie discale dure ou ostéophytique ; dans cette situation, les clichés dynamiques doivent montrer la persistance d’une mobilité encore que cette condition soit relative puisque la libération chirurgicale peut redonner de la mobilité au segment arthrosique.
- La prise en charge d’un disque dégénératif au-dessus d’une arthrodèse avec une surveillance attentive des prothèses compte tenu des risques de sollicitation accrus dans ces indications.
- La myélopathie par cervicarthrose peut être traitée par PDC mais il y a des réserves puisqu’on redonne de la mobilité à un segment du rachis, sachant que c’est cette même mobilité qui a entraîné la sténose faisant craindre par conséquent une récidive de la compression.
Les suites opératoires sont le plus souvent très simples puisqu’il n’y a pas d’agression musculaire, le collier cervical est porté pendant l’hospitalisation de quelques jours, les anti-inflammatoires sont recommandés diminuant en théorie la survenue de calcification.
Des mouvements raisonnables sont autorisés.
Résultats de notre série
Notre série comporte 24 patients au recul maximum de huit ans.
Une amélioration de la cervicalgie est notée dans 90 % des cas et une disparition de la NCB dans 70 % des cas avec récupération de la force musculaire ; les autres cas correspondant à une compression plus ancienne (supérieure à un an) avec un résultat moindre que lorsque a décompression a été précoce avec toutefois une stabilisation des symptômes.
Les disques le plus souvent lésés étaient les niveaux C5/C6 et C6/C7. Deux prothèses superposées ont été implantées dans deux tiers des cas, d’où le choix d’une prothèse semi-contrainte à plateau mobile garantissant le maintien de la lordose cervicale postopératoire avec des moyens de fixation dans les plateaux vertébraux les moins traumatisants pour éviter une fracture de la vertèbre intermédiaire.
Une amélioration du score spécifique NDI (Neck Disability Index) de plus de 20 % a été observée chez près de 70 % des patients (score comportant l’intensité de la douleur, la force, la lecture, l’existence de céphalée, la concentration, le travail, la conduite, le sommeil et les loisirs).
A posteriori, la même intervention serait acceptée par 90 % patients et l’index de satisfaction globale était excellent.
Sur le plan radiographique, aux vues des clichés dynamiques, la mobilité angulaire moyenne à 2 ans était de l’ordre de plus ou moins 8°, fonction de l’état préopératoire, du recul ; cette mobilité aurait tendance à diminuer avec le temps, selon la hauteur de la PDC (théoriquement idéale entre 5 et 7 mm), le nombre de niveaux pris en charge (la mobilité et les résultats cliniques seraient meilleurs avec deux niveaux traités).
Complications
Certaines complications sont non spécifiques à la prothèse, liées à l’abord et à la discectomie. D’autres sont plus spécifiques :
1) ossifications présentes dans 16 % des cas se traduisant par une perte des mobilités et nécessitant dans certains cas une reprise chirurgicale (1 cas de notre série). ces dernières semblent plus fréquentes dans les cas où les PDC ne sont pas engagées jusqu’au mur vertébral postérieur au ras de la dure-mère laissant ainsi un espace siège d’un hématome capable de se calcifier progressivement puisqu’il correspond à la zone de curetage où le spongieux a été mis à nu ;
2) atteinte des segments adjacents dans 4 % des cas sur les radiographies, sans retentissement clinique ni nécessité de reprise chirurgicale, chiffre prometteur si on le compare aux résultats obtenus après une arthrodèse.
Conclusion
Les PDC Mobi-C nous semblent sûres et efficaces avec des résultats maintenus dans le temps.
Elles permettent une large libération radiculaire tout en préservant les étages adjacents, en restituant la hauteur discale et la physiologie c’est-à-dire la mobilité.
Elles sont stables à long terme ce qui est rassurant chez les patients jeunes et surtout permettent de réaliser une arthrodèse si la prothèse se dégrade dans le temps, sans difficulté technique.
Notes
- Hilibrand (Spine Journal, 2004) : le suivi à dix ans montrait dans 25 % des cas l’apparition de lésions radiographiques, dans 18 % des cas des récidives de la névralgie cervicobrachiale et un taux de 2,9 % de reprise chirurgicale.
- BABA (Spine Journal, 1993) : 16 % de reprise chirurgicale à 8 ans.
- Matsunaga (Spine Journal, 1999-2009) : la fréquence des lésions adjacentes est plus élevée si deux étages ont été fusionnés ; sur dix ans il y a augmentation significative des lésions radiographiques.
- Goffin et Coll. (Spine Journal, 2 000) : 92 % de dégradation radiographique à cinq ans.
- Brumlet et Coll. 2000 ; Beck (Spine Journal, 2002) : les auteurs montrent l’apparition de mouvements anormaux des disques adjacents aux arthrodèses.
Références bibliographiques
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Résultats cliniques et radiologiques de l’arthroplastie cervicale à 2 ans de recul : comparaison entre les indications mono-étagées et les indications pluri-étagées SFCR 2 011. J. Huppert, J. Beaurain, J-P STeib, P. Bernard, T. Dufour, I . Hovorka, P. Dam-Hieu, J-M Fuentes, J-M Vital, T. Vila, L. Aubourg
Essai clinique prospectif, contrôlé, randomisé et multi-centrique (IDE) comparant la prothèse de disque cervical Mobi-C à la discectomie antérieure avec fusion dans le traitement de la pathologie discale cervicale dégénérative à 2 niveaux SFCR 2 011.
Reginald Davis, Hyun W.Bae, Steven Gaede, Michael S.Hisey, Greg Hoffman, Kee Kim, Pierce D. Nunley, Daniel Peterson, Ralph Rashbaum, John Stokes, J-P. Steib.
Les prothèses du disque cervical constituent-elles un réel progrès dans la pathologie dégénérative ? mémoire de l’Académie de Chirurgie 2007
J-M Vital, V.Pointillart, O.Gille, N.Aurouer
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