DES PUBLICATIONS concernant les fractures fémorales atypiques reposant notamment sur des séries de cas rapportés ont vu le jour ces dernières années. Certaines d’entre elles suggéraient l’augmentation de la survenue de ce type de fracture sous traitement par bisphosphonates, sans qu’un mécanisme physiopathologique précis ne soit reconnu. Les éléments publiés résultaient le plus souvent d’analyses de bases de données, sans analyse des dossiers, et d’études rétrospectives, avec analyse radiologique mais sans données cliniques. Dans ce contexte de données dissemblables et donc controversées, l’ASBMR (American Society for Bone and Mineral Research) définissait en 2010 des critères bien précis des fractures atypiques (lire encadré).
« En France, déclare le Dr C. Beaudouin-Bazire, nous avons sélectionné, à partir du codage, les dossiers des patients avec fractures fémorales, hospitalisés dans les départements de chirurgie orthopédique des CHU de Lille, Saint-Étienne et Paris-Cochin, sur une période de cinq ans*. Puis nous avons relu toutes les radiographies et analysé les dossiers cliniques (comptes rendus opératoires inclus) afin de déterminer la fréquence et les caractéristiques des fractures typiques et atypiques selon les critères ASBMR. En confrontant les données des radiographies aux données du codage, nous avons, dans un premier temps, constaté un grand nombre d’erreurs de codage (environ 50 %). Cela implique que les études se basant sur le codage ne sont pas fiables. En outre, l’examen des dossiers cliniques (qui n’avait pas été réalisé dans les études publiées) nous apportait de nombreux renseignements que la radiographie ne nous fournissait pas ».
Erreurs de codage.
Les auteurs de l’étude ont ainsi pu constater que l’incidence des fractures atypiques était très faible. En effet, la lecture des radiographies préopératoires et des dossiers a été possible pour 574 patients, parmi lesquels on relevait 12 fractures atypiques (4 %) selon les critères ASBMR.
En prenant en compte les quatre codes de fractures fémorales (cervicales, intertrochantériennes, sous-trochantériennes et diaphysaires), il est apparu que les erreurs de codage étaient surtout importantes dans le groupe des fractures sous-trochantériennes (plus de 70 %) alors qu’elles étaient de 15 à 20 % dans les autres groupes. Ceci est probablement dû au fait qu’un grand nombre de fractures trochantérodiaphysaires (qui passent par le trochanter) avaient été codées en fractures sous-trochantériennes. Parmi les fractures atypiques, cinq avaient eu lieu sous bisphosphonates.
« À l’issue de ce travail, souligne C. Beaudouin-Bazire, il est impossible de conclure que le nombre de fractures fémorales atypiques augmente sous bisphophonates. Si jamais c’est le cas, c’est de façon infime par rapport au bénéfice apporté par ces médicaments. Il est également logique de penser que ce serait normal d’observer plus de fractures chez les patients traités par bisphophonates que chez les non traités non ostéoporotiques. Tout simplement ».
En conclusion, il est très difficile d’interpréter les données de la littérature et d’en tirer des conclusions car les bases de données étaient jusqu’à présent non fiables et l’examen des radiographies insuffisant à lui seul. L’incidence des fractures fémorales atypiques et l’impact des bisphophonates ou d’autres traitements ou comorbidités ne peuvent être connus qu’à partir d’une étude prospective multicentrique, française ou internationale.
D’après un entretien avec le Dr Constance Beaudouin-Bazire, service de Rhumatologie B, CHU Cochin, Université Paris Descartes, Paris.
* session plénière 7268. « Fréquence des fractures fémorales atypiques : effet du codage et de l’analyse des dossiers ». C Beaudouin-Bazire et coll.
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