Face à une dépendance morphinique galopante aux États-Unis, la recherche épidémiologique pointe du doigt la survenue, en dehors des états cancéreux, d’une intervention chirurgicale dans l’année précédant l’installation de cette dépendance.
Une liste de 11 interventions
Il convenait dès lors d’enquêter sur les procédés chirurgicaux les plus à risque de conduire à une telle dépendance. C’est une équipe du C.H.U. de la Stanford University (Dr E. Sun et coll.) qui a effectué cette recherche. Ces chercheurs ont comparé deux populations au sein d’une base de données assurantielles : l’une de près de 650 000 patients opérés mais initialement vierges d’usage morphinique et l’autre de 18 millions de sujets également vierges d’un tel usage. Une liste de onze interventions a été dressée pour tenter de définir les plus exposées : la mastectomie simple, la résection prostatique transurétrale, la cataracte, la chirurgie endoscopique des sinus, la césarienne, l’appendicectomie traditionnelle ouverte, l’appendicectomie laparoscopique, la cholécystectomie traditionnelle ouverte, la cholécystectomie laparoscopique, la prothèse totale de hanche, la prothèse totale de genou.
L’incidence de survenue d’une dépendance morphinique chronique, dans l’année succédant à l’une de ces interventions, a été individuellement établie pour chacune d’entre elles. Cette dépendance était retenue si les patients avaient fait l’objet, au-delà d’une période de « grâce » de trois mois postopératoires, de plus de dix prescriptions renouvelées et/ou de plus de 120 jours d’usage de ces médicaments. Par rapport au groupe de patients non chirurgicaux où l’on observait une incidence de référence de 0,136 pour cent d’usage chronicisé de morphiniques, chez les opérés cette incidence s’étalait de 0,119 pour cent dans l’année de suite d’une césarienne à 1,41 pour cent dans l’année de suite d’une prothèse totale de genou. Le classement dans l’ordre des onze interventions fait figurer au sommet du risque les deux interventions de prothèse totale de genou et prothèse totale de hanche.
Renforcer l’accompagnement post-opératoire
Des co-facteurs de risque ont été également identifiés : la masculinité, des antécédents alcooliques, des antécédents dépressifs traités… Les auteurs interprètent leurs résultats avec une certaine pondération : pour eux, le risque de dépendance morphinique post-opératoire, restant malgré tout relativement modéré, ne justifie pas l’abandon par le patient candidat d’un projet chirurgical susceptible de l’améliorer ; surtout ce risque justifie un renforcement de l’accompagnement post-opératoire et la surveillance étroite et régulière des prescriptions post-opératoire. Cette dernière recommandation risque néanmoins d’être conflictuelle avec la compression à l’extrême des durées de séjour post-opératoires et le développement forcené de la chirurgie ambulatoire pour des raisons économiques immédiates.
D’après E. Sun et coll. JAMA Intern Med. doi:10.1001/jamainternmed.2016.3298.
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