Le débat fait rage au sein de la communauté médicale. Faut-il opérer systématiquement une rupture du tendon d’Achille ? Si oui, quelles techniques privilégier ? Sinon, quel protocole d’immobilisation et de rééducation choisir ?
Pour évaluer les bénéfices et les risques de ces différents traitements, une vaste étude norvégienne multicentrique et randomisée, publiée dans le « New England Journal of Medicine », a comparé l'efficacité de trois types de prise en charge communément employés en cas de rupture aiguë du tendon d’Achille : le traitement orthopédique, la chirurgie à ciel ouvert et la chirurgie mini-invasive. Seule la technique percutanée n’a pas été incluse.
La rupture aiguë du tendon d’Achille est une pathologie fréquente (31 pour 100 000 cas par an), touchant préférentiellement les hommes sportifs entre 30 et 50 ans et dont la prise en charge peut être orthopédique ou chirurgicale (technique à ciel ouvert, mini-invasive ou percutanée).
Cette affection, dont le diagnostic est d’abord clinique (hématome, perte physiologique de l’équin du pied et signe de Thompson positif) dans un contexte de douleur aiguë avec sensation de claquement, n’est malheureusement pas toujours bien identifiée à temps. Quand c’est le cas, l’option chirurgicale est privilégiée en raison d’une meilleure solidité du tendon reconstruit et d’une reprise supposée plus précoce de l’activité sportive. Le traitement orthopédique est parfois préféré compte tenu d’un plus faible risque de complications.
Immobilisation et rééducation
Pour arriver à de telles conclusions, 554 adultes ont bénéficié soit d’une chirurgie à ciel ouvert, consistant en une suture directe du tendon rompu après incision sur 10 cm, soit d’une chirurgie mini-invasive avec suture des fragments tendineux à distance et incision sur 3 cm, soit d’un traitement orthopédique simple.
Pour chacun des trois traitements, les patients ont porté une botte plâtrée avec pied en équin pendant deux semaines, puis une orthèse de cheville durant six semaines avec trois cales talonnières retirées une à une toutes les deux semaines. La rééducation, également commune à tous, était fondée sur un protocole dynamique débutant dès l’ablation de la botte plâtrée et s’étalant sur trois mois.
Les auteurs de cette publication ont choisi comme principal critère de jugement la variation, entre le début de l'étude et à un an, du score ATRS, une échelle sur 100 points évaluant la sensation de douleur, de force, de fatigabilité, de raideur et de limitation dans les activités physiques liées au tendon lésé. Les résultats secondaires comprenaient, entre autres, l’évaluation de la performance physique et de la santé mentale à 6 et 12 mois, la survenue de complications et l'incidence d'une nouvelle rupture du tendon à un an.
Amélioration dans les trois groupes
Finalement, l'amélioration à un an du score ATRS était similaire dans les trois groupes de traitement et également lors des suivis à trois et six mois. Par ailleurs, les résultats secondaires étaient tout aussi semblables entre les groupes. Seules exceptions, le risque de nouvelle rupture, qui était plus élevé chez les patients traités de manière orthopédique que chez ceux traités par réparation ouverte ou mini-invasive (6,2 % versus 0,6 % dans chacun des deux groupes chirurgicaux), et la survenue de lésions nerveuses superficielles, touchant 2,8 % des patients du groupe réparation ouverte et 5,2 % du groupe chirurgie mini-invasive contre seulement 0,6 % du groupe non opéré.
« La principale information à retenir de cette étude, signifie le Dr Antoine Gerometta, chirurgien orthopédique à la Clinique du Sport à Paris, c’est que la chirurgie diminue nettement le risque de seconde rupture du tendon comparativement au traitement conservateur. » En effet, comme le confirment de précédents essais sur le sujet, la prise en charge opératoire permet d’obtenir une meilleure solidité du tendon lésé à long terme, diminuant de facto la survenue de nouvelle fracture, et ce quelle que soit la technique choisie - à ciel ouvert ou mini-invasive.
Un panel de techniques chirurgicales
« Personnellement, avertit le chirurgien, j’utilise l’opération à ciel ouvert, car elle me permet de suturer précisément le tendon rompu à la bonne longueur. Toutefois, la technique mini-invasive a également de bons résultats. »
D’ailleurs, cette dernière ne doit pas être confondue avec la technique percutanée ou Tenolig, absente de l’étude norvégienne, consistant en une suture à foyer fermé du tendon atteint. Cette méthode sans véritable abord chirurgical, dont le but est de protéger la peau, de favoriser une cicatrisation rapide ainsi qu’une mobilisation précoce du tendon, est aujourd’hui largement remise en cause en raison d’un plus fort risque de lésions nerveuses et de récidive de rupture. Un constat partagé par le Dr Gerometta qui reprend régulièrement au bloc opératoire des patients initialement opérés par Tenolig dont le tendon s'est de nouveau rompu ou présente un allongement secondaire.
« Concernant le traitement orthopédique, signale le chirurgien, il doit plutôt être réservé aux patients peu sportifs, tabagiques, ou avec des comorbidités telles que l’obésité ou le diabète, en raison des risques de complications potentiels liés à la chirurgie comme les infections ou les défauts de cicatrisation, plus fréquent dans cette population de malades. » In fine, cette étude confirme la supériorité de l’option chirurgicale - à ciel ouvert ou mini-invasive - sur le traitement conservateur, en raison d’une meilleure solidité du tendon à long terme. La chirurgie consolide ainsi son statut de gold standard en cas de rupture aiguë du tendon d’Achille survenant chez un patient actif et sans comorbidité.
S. Myhrvold et al, New Engl J of Med, avril 2022. DOI: 10.1056/NEJMoa2108447
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