Affaissement de l’arche médiale du pied, le pied plat entraîne une perte de la voûte (fig.1) . Il en existe de multiples morphologies, en fonction de la localisation des laxités articulaires : plutôt en valgus (fig. 2), en cas de laxité médiale de cheville ou d’hypermobilité sagittale du premier rayon (ascension anormale du premier métatarsien à l’appui), ou plutôt en abduction, en cas de laxité talonaviculaire ou du médiopied (fig. 3). La conséquence fonctionnelle est une marche apropulsive, à cause de l’absence de verrouillage du pied par le muscle tibial postérieur ; ce qui induit une poussée médiale vers le pied opposé avec des conséquences posturales sur l’ensemble des membres inférieurs et du rachis. La marche est alors plus lente avec une fatigabilité plus importante.
Secondaire, congénital, dégénératif
Les raisons de faire un pied plat sont nombreuses. On distingue trois catégories : le pied plat secondaire, congénital et dégénératif. Les étiologies du pied plat secondaire sont variées : traumatique – suite à des fractures du calcanéus, du talus, du médiopied ou des entorses – rhumatismale, neurologique, diabétique (ostéoarthropathie). Le pied plat congénital (de l’enfant ou l’adolescent) est le plus souvent idiopathique et non symptomatique, mais peut être lié à une rétraction tendineuse (pied plat contracturé) ou à une synostose talocalcanéenne ou calcanéonaviculaire, caractérisée par la raideur de l’articulation subtalaire (fig.4). Le pied plat dégénératif touche la femme ménopausée le plus souvent obèse.
Rôle du tendon du tibial postérieur
Plus rarement, les pieds plats sont consécutifs à une lésion du tendon tibial postérieur suite à un traumatisme en éversion-valgus ou par choc direct. La rupture du tibial postérieur ne permet plus le verrouillage du pied, qui s’affaisse progressivement. Le plus souvent, suite à une laxité articulaire post-traumatique ou dégénérative qui conduit à une distension progressive du tendon tibial postérieur lors de l’appui au sol. Le tendon se fissure puis s’effiloche et enfin se rompt.
Le ligament calcanéonaviculaire plantaire et médial (ou spring ligament des anglo-saxons) limite la plongée de la tête du talus lors de l’appui du pied et protège le tendon tibial postérieur. Sa distension ou rupture conduit à la subluxation talonaviculaire et au surmenage du tendon tibial postérieur (fig. 5 et 6).
Douleur
Certains pied plats sont douloureux. Celle-ci se situe le plus souvent sur le trajet terminal du tendon tibial postérieur, au niveau d’une zone de fragilité vasculaire. La lésion du spring ligament est en profondeur du tendon, ce qui n’est pas facile à distinguer cliniquement. Parmi les autres causes de douleurs médiales, il faut retenir la synostose talocalcanéenne et l’arthrose du médiopied.
Cependant, le pied plat occasionne aussi des douleurs latérales de l’arrière-pied du fait de conflit osseux entre le calcanéus et la malléole latérale, entre le tubercule latéral du talus et la face dorsale de l’apophyse antérieure du calcanéus, dans le sinus du tarse ou au niveau de l’articulation calcanéocuboïdienne liée à l’abduction du médiopied (fig. 7).
Examen clinique
Dans le pied plat, l’examen clinique recherche les articulations distendues ou enraidies (arthrose ou synostose), repère les déformations (valgus et abduction) et leur réductibilité. L’examen principal d’analyse du tendon tibial postérieur est la mise sur pointe de pied à partir de l’appui monopodal. En cas de dysfonction sévère du tendon, le pied vu de l’arrière reste en éversion voire le test est impossible. Si le test est normal avec une inversion du pied, le traitement médical doit soulager le patient (fig. 8, 9, 10).
Imagerie
Les radiographies doivent être obligatoirement en charge, car le pied s’affaisse avec le poids. Il est inconcevable de définir un pied plat en décharge. Trois incidences sont recommandées pour mesurer les trois déformations : l’affaissement sur le profil, l’abduction sur l’incidence dorsoplantaire de face, le valgus sur l’incidence cerclée de Méary (face de la cheville). L’analyse du tendon tibial postérieur peut se faire à l’échographie ou à l’IRM.
Le scanner est indiqué dans le pied-plat raide, pour visualiser une arthrose ou une synostose. Les reconstructions 3D permettent une visualisation plus précise du pied dans sa globalité et l’analyse des morphotypes osseux et articulaires dans le cadre de la recherche (fig. 11, 12, 13).
Orthèses plantaires
Régulièrement prescrites en première intention, les orthèses plantaires ne corrigent cependant pas le pied plat ; elles permettent surtout un soulagement des douleurs. La chaussure avec un bon maintien postérieur est essentielle pour la correction du valgus et l’efficacité des orthèses plantaires.
Les rétractions tendineuses du triceps sural ou des tendons fibulaires justifient des étirements par le kinésithérapeute, à débuter avant les orthèses pour améliorer leur efficacité sur un pied assoupli. Le strapping en inversion voire un plâtre sont des solutions à ne pas oublier dans les formes hyperalgiques (fig. 14).
Place de la chirurgie
En cas d’échec du traitement médical, la chirurgie peut être proposée. Il s’agit d’un acte difficile, pratiqué par un nombre limité de chirurgiens orthopédiques. Il existe des contre-indications liées au terrain défavorable lors d’association de facteurs à risque (obésité, polyarthrite rhumatoïde, tabagisme, lymphœdème) et au stade évolué, avec arthrose secondaire de cheville.
L’arthrodèse subtalaire et médiotarsienne est la technique classiquement utilisée pour ré-axer et fixer la correction. Il arrive que l’arthrodèse soit limitée à une seule articulation en cas d’atteinte mono-articulaire. Ces techniques sont réalisables dans les formes fixées arthrosiques comme dans les formes réductibles.
Cependant, les formes réductibles peuvent être corrigées par des ostéotomies (translation médiale de la tubérosité ou allongement antérieur du calcanéus), des implants dans le sinus du tarse, technique appelée arthrorise (fig. 15, 16, 17).
La correction du pied obtenue par ces interventions chirurgicales est souvent spectaculaire, mais il ne faut pas omettre qu’elle induit des modifications notables de la posture du fait de la récupération de la hauteur du pied et des modifications fonctionnelles de la marche.
D’autre part, la récupération est souvent longue, entre 4 et 6 mois d’arrêt de travail conduisant à un report de l’intervention au détriment de l’aggravation des lésions articulaires.
Pronostic
Le pronostic du pied-plat sévère est à la cheville. Certes, on peut rencontrer des insuffisances de résultats du fait de l’absence d’intégration des lésions du médiopied, mais l’atteinte arthrosique de la tibiotarsienne représente une situation qui conduit le chirurgien à proposer une panarthrodèse c’est-à-dire une arthrodèse de la cheville, de l’arrière-pied et du médiopied, peu satisfaisante sur le plan fonctionnel. Des travaux sont en cours concernant l’intérêt des réparations ligamentaires médiales de la cheville et sur les arthroplasties totales de cheville (fig. 18).
Conseils pour les généralistes
Il faut d’abord bien analyser et traiter les rétractions tendineuses inductrices de pied-plat, c’est-à-dire le tendon calcanéen (achille) et les fibulaires (péroniers). Ensuite, si le test de mise sur pointe de pied monopodal est pathologique, le patient doit être adressé au chirurgien.
La prévention des facteurs de risque que sont l’obésité et le diabète doit être poursuivie, sans oublier les entorses du médiopied souvent étiquetées entorses de cheville et traitées par une orthèse stabilisatrice de cheville qui ne stabilise pas le pied.
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