PAR LE Dr OLIVIER VARENNE*
LA THROMBOSE de stent est un phénomène rare mais grave. La mise en contact d’éléments métalliques et d’éléments thrombotiques du sang circulant peut conduire à cette complication redoutée à l’origine de syndromes coronaires aigus et parfois du décès du patient.
Bien que connue de longue date, elle a été placée sous la lumière des projecteurs au cours de l’année 2006 et, notamment, lors du congrès de l’ESC, ou la responsabilité des stents actifs (DES) a été suggérée dans la survenue d’épisodes de thromboses tardives. Dès 1994, Mc Fadden et coll ont publiés dans le Lancet le cas de plusieurs patients ayant présenté des syndromes coronaires aigus en raison de thromboses tardives de stents actifs. Les études cliniques de l’époque rapportent des taux de thromboses de stents actifs inférieurs à 1 %, semblant plus importants que les taux rapportés de thromboses de stents nus dans des séries historiques.
Il faut signaler ici plusieurs limites à ces observations. D’abord, il est honnête de rappeler que les stents actifs ont été utilisés dans des séries de patients beaucoup plus complexes et à plus haut risque de thrombose que ceux traités anciennement avec des stents nus. C’est particulièrement clair dans les registres RESEARCH et TSEARCH évaluant les stents Cypher et Taxus et les comparant avec une série historique de patients traités par stents nus. Dans ces registres, les patients qui avaient reçu des stents actifs avaient des lésions plus longues, des vaisseaux plus petits, étaient plus souvent diabétiques et plus souvent avec un syndrome coronaire aigu que dans la série traitée par stent nu. Toutes ces caractéristiques étant associées à un sur risque thrombotique.
Au final, la littérature rapporte des taux de thrombose de stent actif voisins de 1,1 % (aigues < 30 jours) et 0,9 % (très tardives › 1 an). Dans la série de Berne et Rotterdam portant sur 8 146 patients consécutifs traités par DES, alors que 50 % des thromboses sont survenues au cours de la première semaine, le taux de thrombose annuel est de 0,6 %. Par ailleurs, dans une métaanalyse publiée en 2007 dans le Lancet, comparant les taux de thromboses de stent précoces et tardives, il n’existe aucune différence significative entre les stents Cypher, Taxus et les stents nus, tant sur les taux de thromboses précoces (0,7 %) que sur les thromboses tardives (0,4 %). Ces résultats ont été retrouvés sur des groupes incluant chacun un nombre important de patients (plus de 4 000 chacun). En effet, dans les différentes analyses réalisées comparant la survenue de thrombose tardive entre stents Cypher, Taxus et les stents nus, il existe certes une tendance à plus d’événements, mais la différence n’atteint pas la significativité statistique. Cependant, avec les stents actifs on observe plus de thromboses de stent très tardive (› 1 an) qu’avec les stents nus, avec un taux constant de, respectivement, 0,6 % et 0,05 %. Cette différence n’est plus significative si l’on prend en considération la survenue de thrombose de stent après revascularisation répétée. En effet, les cas de thrombose peuvent survenir lors des revascularisations itératives liées à la resténose intrastent nu et ne sont généralement pas pris en compte dans les grands essais randomisés.
De plus, les taux de thromboses de stent nu de la « vraie vie » sont assez mal connus. Dans le registre de la Mayo Clinic, si l’on considère comme thrombose de stent nu, la survenue d’un infarctus dans le territoire stenté en plus des thromboses documentées angiographiquement, le taux de thrombose est alors de 0,4% par an, pas très éloigné de celui rapporté pour les stents actifs dans les registres récents.
Ainsi, il est actuellement accepté que les stents actifs comportent un surrisque modéré de thrombose tardive par rapport aux stents nus mais pas de surrisque de thrombose aiguë ou subaiguë.
Bien que les nouveaux stents actifs (Xience, Promus, Endeavour…) semblent associés à des risques de thromboses légèrement moindres que les stents actifs de première génération Cypher et Taxus, le manque de données à moyen et long terme impose la plus grande prudence.
Les facteurs de risque.
De nombreux facteurs de risque de thrombose de stent ont été identifiés certains liés à l’intervention elle-même, d’autres au patient, d’autres enfin aux stents eux-mêmes. Ainsi, un sous-déploiement du stent, une bifurcation, un petit diamètre de l’artère stentée, la longueur de la lésion, une dissection résiduelle et le nombre de stents implantés sont des paramètres associés à un surrisque de thrombose de stent. Les facteurs liés au patient sont le tabagisme, le diabète (en particulier de type 1), l’insuffisance rénale, la dysfonction ventriculaire gauche et une prédisposition génétique (patients porteurs d’un ou deux allèles d’un mutant non fonctionnel de l’enzyme transformant le clopidogrel en son métabolite actif [CYP2C19]).
Toutefois, le facteur le plus souvent mis en avant dans la survenue d’une thrombose de stent est l’interruption du traitement antiplaquettaire par le malade lui-même et parfois par le médecin pour une intervention chirurgicale, par exemple. Ce qui pose indirectement la question de la durée de la double antiagrégation plaquettaire. La durée recommandée actuellement est de un an, mais chez certains patients ayant des facteurs de risque de thrombose, et à risque bas de complications hémorragiques, une durée supérieure à un an est souvent choisie. Une grande étude randomisée est en cours pour répondre à cette question.
Exiger la perfection.
Pour conclure, la thrombose de stent est un événement dramatique, mais heureusement fort rare. La majorité des thromboses de stents survient en fait au cours du premier mois suivant l’intervention et peut être en partie limitée par l’obtention d’un résultat parfait après stenting. La survenue de thromboses de stent après cette période est plus rare et peut se prolonger au-delà de la première année, peut-être un peu plus souvent en cas de stent actif. L’utilisation d’une double antiagrégation plaquettaire adaptée à chaque patient pourrait permettre d’obtenir le meilleur rapport bénéfice/risque. Ces stratégies sont actuellement évaluées dans des essais randomisés. Les nouveaux antiplaquettaires pourraient être utiles en particulier chez les patients à haut risque de thrombose et à bas risque d’hémorragie. L’arrêt d’un ou deux antiplaquettaires en vue, par exemple, d’une intervention chirurgicale doit être réellement justifiée (neurochirurgie, chirurgie de la prostate) et ne doit plus être demandée aux patients pour des interventions ne le réclamant pas (coloscopie, chirurgie de la cataracte, extractions dentaires...). Dans le cas ou l’arrêt est impératif, celui-ci doit être réalisé sous contrôle médical sans relais par un autre antithrombotique et préférentiellement en arrêtant un seul des deux antiplaquettaire (clopidogrel) et éventuellement, en cas de nécessité absolue, en les arrêtant l’un après l’autre.
*Hôpital Cochin, Paris.
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