Après plus d’un demi-siècle d’expérience clinique, le succès très majoritaire de la prothèse totale de hanche n’est plus à démontrer. Il se juge à l’aune de la longévité fonctionnelle de l’articulation artificielle, avec ses deux constituants, l’un pelvien – la pièce acétabulaire –, l’autre fémoral – la tige porteuse de la bille –, assurant le mouvement articulaire.
La perte de fixation de l’un de ces constituants au squelette qui le porte définit le descellement. Hormis les cas de processus infectieux, heureusement minoritaires, les descellements sont qualifiés de mécaniques car ils résultent de l’usage de la prothèse. Il existe un spectre étendu et polymorphe de descellements : chronologie de survenue par rapport à l’intervention de référence, symptomatologie clinique ou radiologique, pièce prothétique touchée, évolutivité et gravité du processus de descellement, gravité de l’altération anatomique du support squelettique des éléments prothétiques, qui pose éventuellement des problèmes délicats de reconstruction squelettique.
Préciser la définition.
La gravité est liée en premier lieu à l’importance des dégâts osseux et en particulier à leur extension diaphysaire, comme le décrivent les différentes classifications en usage : celle de Paprosky est internationale. Elle insiste sur l’atteinte ou non de l’isthme fémoral, pour stabiliser les tiges de révision. La classification française rajoute un deuxième élément de gravité : l’état du trochanter. En effet, sa consolidation, qu’il soit pseudarthrosé ou ostéotomisé lors de l’intervention, conditionne la qualité de récupération fonctionnelle de la hanche.
Le recours à des tiges longues.
L’extension diaphysaire des dégâts osseux impose l’utilisation de tiges longues, qu’elles soient cimentées ou non. Dans les descellements fémoraux graves, la fixation sans ciment s’est progressivement imposée, d’une part dans les pays anglo-saxons avec des tiges recouvertes de surface poreuse, d’autre part en Europe avec des tiges corindonnées à queue carrée, parfois munies d’une partie métaphysaire modulable. En France, la fixation distale est de plus en plus assurée par l’utilisation de tiges verrouillées par des clavettes.
Quel que soit le type de fixation initiale adoptée, la stabilisation primaire est obtenue avec une tige de longueur suffisante pour ponter les dégâts osseux. Secondairement, des reconstitutions spontanées du stock osseux ont été observées notamment le long de la corticale métaphysaire interne. Plusieurs conditions sont nécessaires, en particulier la vascularisation des copeaux osseux proximaux, qui doivent rester solidaires de leurs insertions musculaires. La deuxième condition est de positionner ces fragments osseux de mauvaise qualité mécanique au contact de la partie proximale de la prothèse sans laisser de vide entre les deux. Il faut pour cela soit utiliser des prothèses à métaphyse remplissante, soit ramener les fragments osseux sur la tige par cerclage.
L’utilisation du ciment.
À cette philosophie, s’oppose celle de la fixation cimentée, qui nécessite un recours large aux allogreffes de reconstruction. On utilise des allogreffes massives soit avec la technique dite du double fourreau (fragment d’allogreffe tubulaire encastré dans le fémur proximal dont le canal médullaire a été élargi par le descellement) soit avec des implants de reconstruction massive (de type tumoral) sur lesquels on peut apposer les fragments osseux encore vascularisés. La technique d’Exeter fait aussi appel aux allogreffes sous une forme différente : elle consiste à remplir le fût fémoral d’allogreffes morcelées tassées et à cimenter dedans une prothèse de longueur variable. C’est une technique difficile qui nécessite une bonne habitude avec un gros stock d’allogreffes. Des complications, de type fractures diaphysaires, sont fréquentes, en particulier lors de la première année postopératoire.
La problématique du trochanter.
Dans tous les cas, le point faible de la reconstruction est la réinsertion du grand trochanter. La reconstruction spontanée de la corticale latérale est moins bonne que celle de la corticale médiale. La base d’implantation du grand trochanter en est fragilisée… Et parfois détruite par l’ostéolyse initiale. Il est très difficile de consolider une ancienne pseudarthrose du médaillon trochantérien. Par ailleurs, la corticale latérale peut céder en postopératoire sous la traction des muscles fessiers ; il est habituel de la renforcer par de longs crochets trochantériens, apposés à la face latérale de la diaphyse. Lorsque l’on utilise des allogreffes, il est délicat de faire consolider le trochanter avec un morceau d’os dévascularisé.
On peut utiliser des allogreffes munies de leur tendon d’origine et effectuer une suture tendon tendon. Mais les fractures du médaillon trochantérien restent fréquentes.
Un choix technique malaisé.
Il est difficile de choisir une technique car aucune n’a fait la preuve de sa supériorité. Les taux de complications sont toujours élevés avec soit des fractures fémorales per ou postopératoires, soit des défauts de consolidation de l’allogreffe à la jonction avec l’os hôte, soit des difficultés de réinsertion du trochanter avec des pseudarthroses itératives, sans compter le risque d’infection plus élevé que dans des chirurgies plus simples de reprise ou de première intention.
Au final, le choix se fait en fonction de la conviction et de l’habitude du chirurgien. Mais il faut pour adapter au mieux la technique, effectuer une analyse aussi précise que possible des dégâts osseux en préopératoire, même si la plupart du temps on n’a à sa disposition que de simples clichés de face et de profil du fémur. Il faut évaluer l’extension isthmique des dégâts osseux, l’existence d’une éventuelle déformation qu’il est nécessaire de corriger par ostéotomie fémorale et prévoir les difficultés d’extraction de la prothèse initiale, qui peut générer des dégâts osseux supplémentaires inattendus.
Une planification soigneuse.
La voie d’abord sera choisie en se basant sur ces éléments : trochantérotomie élargie (volet trochantéro-diaphysaire) ou simple, ou au contraire, nettoyage patient du fémur par voie haute, sans détacher l’insertion trochantérienne, avec des instruments adaptés. Quelle que soit la technique, les principes sont le nettoyage aussi complet que possible du fût fémoral, l’abord atraumatique respectant la vascularisation des fragments osseux, la préparation minutieuse du matériel et des implants pour la salle d’opération.
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