Dermatite atopique

La maladie-peau.

Publié le 09/03/2015
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Une maladie épidermique

La dermatite atopique est avant tout une maladie de la peau, et plus spécialement de l’épiderme. On le sait surtout depuis 2006, quand une équipe de généticiens britanniques a montré que des mutations du gène de la filaggrine, une protéine très importante du fonctionnement de l’épiderme, étaient un facteur de risque de DA et des maladies atopiques en général. Depuis, le rôle de la filaggrine a été relativisé, mais on a aussi montré qu’il existe d’autres anomalies dans l’épiderme atopique : anomalies de la composition des céramides de la couche cornée, excès de protéases. Avec une conséquence importante : une augmentation de la perméabilité, notamment vis-à-vis des allergènes qui vont déclencher les sensibilisations allergiques. Cette connaissance de l’épiderme atopique a permis aussi de mieux comprendre l’effet du traitement émollient, qui constitue pour tous les auteurs le traitement de base de la dermatite atopique. Ce traitement émollient est non seulement curatif, mais aussi préventif : on a montré récemment qu’un traitement émollient débuté dès la naissance chez des nouveau-nés de familles atopiques diminuait considérablement l’incidence de la DA.

Une maladie immunologique

Les sensibilisations allergiques ont été identifiées depuis longtemps comme la marque essentielle de l’atopie : prépondérance des réponses TH2 sur les réponses TH1, rôle des cytokines IL-4 et IL-13, hypersécrétion d’IgE. Récemment, un essai clinique d’un anticorps monoclonal anti-récepteur de l’IL-4 et de l’IL-13 a montré une efficacité dans des DA graves de l’adulte.

Les réponses d’immunité innée sont également importantes au niveau de la peau et ceci est particulièrement vrai dans le cas de la DA. Cette immunité innée met en jeu à la fois les cellules de l’épiderme, qui réagissent aux stimuli infectieux et fabriquent des peptides antimicrobiens, et les bactéries commensales, le microbiote cutané. Dans les poussées de DA, l’équilibre entre bactéries commensales et pathogènes est rompu, d’où la prolifération de staphylocoques dorés, qui participent à l’inflammation atopique.

Une pathogénie complexe

La peau n’est pas le seul organe mis en jeu dans la DA. Les facteurs liés à l’alimentation et au fonctionnement digestif ont suscité un nombre considérable de travaux, qu’il s’agisse de l’allergie digestive classique ou du rôle du microbiote intestinal, que l’on peut tenter de réguler par l’apport de probiotiques. Ici, on n’a pas encore de certitude, mais les travaux se poursuivent. Pour encore indiquer la complexité de la DA, il faut aussi rappeler l’implication du système nerveux, qui intervient dans le prurit, signe essentiel de la DA. On a montré récemment que la TSLP, une cytokine épidermique qui stimule les réponses TH2, est aussi capable d’activer les neurones qui déclenchent le prurit. Quant aux difficultés psychologiques, elles sont au premier plan dans la DA. Les stress de toute nature déclenchent des poussées, et le fardeau que constitue cette maladie chronique entraîne de nombreux états anxieux ou dépressifs, à la fois chez les petits patients, leurs familles, et les patients adultes.

Enfin, pour conclure ce rapide panorama de la pathogénie de la DA, il faut rappeler l’importance de l’environnement, qu’il s’agisse de la psychologie sociale, du climat, de la pollution industrielle, ou encore de l’environnement allergénique et microbien dans lequel nous évoluons. L’augmentation de prévalence de la DA qui a été enregistrée au cours des dernières décennies trouve probablement son explication dans des modifications de l’environnement. Mais il y a là encore beaucoup d’incertitudes, et de place pour de futures recherches.

C’est pour bien souligner l’interaction entre la peau, les organes internes, la psychologie, et l’environnement au sens large que ce concept de maladie-peau peut être proposé.

Dr Daniel Wallach, Paris

Source : Bilan spécialistes