PAR LE Pr THOMAS JOUARY*
LE CARCINOME BASOCELLULAIRE (CBC) est le plus fréquent des cancers, tous types confondus. Cette tumeur est liée aux expositions solaires intenses, en particulier les brûlures solaires de l’enfant ou de l’adulte jeune. La localisation préférentielle est la face et le cou. Il atteint, de façon non exclusive, les sujets fragiles de phototypes clairs, phototype 1 ne bronzant pas du tout et phototype 2 bronzant peu ou mal, avec antécédents de brûlures solaires. Il atteint aussi les sujets photoexposés de façon chronique, en particulier les travailleurs en extérieur et les sujets pratiquant des loisirs extérieurs. L’âge d’incidence est aux alentours de 55-60 ans, mais les sujets à risque de phototypes 1 et 2 peuvent développer des CBC dès l’âge de 30 ans. Bien que la grande majorité de ces tumeurs apparaisse selon un mode sporadique, certaines personnes sont particulièrement à risque en raison de la présence d’une maladie génétique sous-jacente. Le syndrome de Gorlin-Goltz est la maladie génétique la mieux connue à l’heure actuelle. Les sujets atteints de ce syndrome développent des CBC dès l’enfance, en association avec des signes spécifiques tels que des kystes du parodonte, des pits palmaires, des tumeurs cérébrales (médulloblastome et astrocytome), des anomalies squelettiques et d’autres signes moins fréquents. Il existe de nombreuses autres maladies génétiques prédisposantes qui ne seront pas développées ici.
Les options thérapeutiques du carcinome basocellulaire, analysées lors des recommandations pour la pratique clinique de la Société française de dermatologie et l’ANAES en 2004, sont nombreuses. Elles incluent la chirurgie, la radiothérapie, la cryothérapie, l’imiquimod local et la photothérapie dynamique. Ces différents traitements sont discutés principalement en fonction du risque de récidive. La chirurgie est l’option recommandée pour la majorité des situations. Associée à une analyse histologique classique, avec des marges adaptées à la taille tumorale et à la localisation, elle permet de traiter la majorité des carcinomes. Une variante de la chirurgie standard comporte des analyses exhaustives des marges (Mohs ou Mohs modifiée) pour les carcinomes basocellulaires sclérodermiformes, récidivés, ou dans des zones à fort risque de récidive ou bien des zones fonctionnelles ou esthétiques délicates. Les alternatives à la chirurgie sont envisagées dans des situations particulières : sujets ou lésions non opérables, refus de la chirurgie par le patient, carcinomes basocellulaires à faible risque de récidive. Il s’agit principalement de la radiothérapie, la cryothérapie, l’imiquimod local et la photothérapie dynamique.
Alors que la majorité des CBC est contrôlée par les traitements ci-dessus, certaines situations relèvent de traitements plus lourds, en particulier lors de formes localement avancées récidivant après chirurgie et/ou radiothérapie (Figure 1), ou de CBC métastatiques. Il n’existe pas de traitement codifié pour ces situations. La chimiothérapie conventionnelle (sels de platine, 5-fluorouracile, taxanes) donne des résultats inconstants et au prix d’une toxicité importante. L’âge avancé et l’état général fragile des patients présentant ces formes agressives excluent souvent l’utilisation de ces types de chimiothérapies.
Une activation de la voie hedgehog.
Il a été montré récemment que les CBC, sporadiques ou dans un contexte de maladie génétique prédisposante, présentaient une activation fréquente de la voie hedgehog. En effet, la voie patched/sonic/hedgehog est activée pendant l’embryogenèse puis devient quiescente. Des mutations affectant l’un des gènes de cette voie, entraîneraient l’activation constante de la voie, soit par des pertes de fonction sur ptch, soit par des gains de fonction sur smothened. Cela conduit à une prolifération non contrôlée des cellules basales à l’origine du carcinome basocellulaire. Dans le syndrome de Gorlin, cette voie est activée de façon constitutionnelle par des mutations du gène ptch.
Le GDC-0449 (vismodegib) est la première molécule inhibitrice de smothened (SMO) bloquant ainsi la voie hedgehog (schéma 1). La phase I (1) a inclus 33 patients ayant soit des CBC avancés (n = 15), soit des CBC métastatiques (n = 18). L’âge médian des patients était 53 ans avec 76 % d’hommes. La majorité avait déjà été opérée (85 %) et/ou avait reçu de la radiothérapie (58 %) ou un traitement systémique (45 %). Les doses administrées étaient de 150 mg/j (n=17), 270 mg/j (n = 15) et 540 mg/j (n = 1). Deux réponses complètes ont été observées, associées à 16 réponses partielles (régression ›30% de la maladie), 11 stabilisations et 4 progressions. Les taux de réponse étaient de 50 % dans les CBC métastatiques et de 60 % dans les formes avancées. L’efficacité du vismodegib a été constatée après 2-3 mois de traitement, avec des extrêmes de 2 à 10 mois. Les principaux effets secondaires graves (grades 3-4) étaient une fatigue (n = 4), une hyponatrémie (n = 3), une dyspnée (n = 2), et une perte de poids (n = 2). Les effets secondaires non graves les plus fréquents étaient une fatigue, une perte de poids, une dysgueusie, et des contractures musculaires. Cette efficacité nette du GDC-0449 a conduit à la réalisation d’études de phase II d’enregistrement, actuellement en cours.
Les inhibiteurs de la voie hedgehog représentent donc une avancée incontestable dans le traitement du carcinome basocellulaire. Une formulation en traitement local est aussi à l’étude actuellement. L’existence de carcinomes basocellulaires peu sensibles à ce type de traitement motive d’autres études afin de mieux comprendre les mécanismes de résistance et devrait permettre la découverte d’autres cibles thérapeutiques.
* Unité de cancérologie cutanée, service de dermatologie, centre de référence des maladies rares de la peau, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux.
(1) Von Hoff DD et al. Inhibition of the hedgehog pathway in advanced basal cell carcinoma. N Engl J Med 2009; 361(12):1164–72.
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