Comment assurer la prise en charge d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) chez une personne vivant un diabète ? Cette question est au cœur de recommandations rendues publiques en septembre et rédigées à l’initiative de la Société Francophone du Diabète (SFD), avec la participation de la Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil (SFRMS) et de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF). « Davantage que de recommandations, il s’agit d’une prise de position de la part de ces trois sociétés savantes », précise la Pr Anne-Laure Borel (département d’Endocrinologie, Diabétologie, Nutrition à l’hôpital universitaire Grenoble Alpes), première signataire de ce texte.
« Nous sommes partis du constat que les patients ayant un diabète, que ce soit de type 1 ou 2, sont fréquemment porteurs d’un SAOS et qu’il y a des interactions entre les deux pathologies. Il nous est apparu nécessaire de faire le point sur ces interactions et sur les effets d’un traitement dans ce contexte. Le but est aussi de proposer un dépistage ciblé pour déterminer quels patients nous devons adresser à nos collègues spécialistes du sommeil », détaille la Pr Borel.
Une prévalence élevée
Plusieurs études ont permis d’évaluer la prévalence des troubles respiratoires du sommeil (TRS) chez les patients ayant un diabète. Dans le type 2, elle varie selon les populations étudiées, de 58 à 86 % pour un index apnées hypopnées (IAH) > 5 événements/h, et de 18 à 53,1 % pour les formes modérées et sévères. Et, dans une méta-analyse récente, la prévalence des TRS est évaluée à 16,7 % en moyenne chez les diabétiques de type 1.
« Nous faisons le constat qu’un patient atteint d’un SAOS présente d’abord des risques propres liés à cette pathologie. Les symptômes ressentis peuvent être très sévères : fatigue diurne, somnolence avec un risque d’accident de la route, altération conséquente de la qualité de vie. On recense aussi des syndromes dépressifs, troubles mnésiques ou de la libido. Le SAOS représente également un risque de développer une HTA résistante aux traitements et donc une élévation du risque cardiovasculaire », souligne la Pr Borel.
Un traitement bien évalué
En 2014, la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé d’initier un traitement chez les patients ayant au moins trois symptômes parmi lesquels une somnolence diurne, des ronflements sévères et quotidiens, une sensation d’étouffement ou de suffocation pendant le sommeil, une fatigue diurne, une nycturie ou des céphalées et un IAH > 30 événements/h. Dans ce cas, le principal traitement repose sur l’utilisation durant la nuit d’un appareil de pression positive continue (PPC). « Elle permet une nette amélioration de la qualité de vie avec une baisse de la somnolence et du risque accidentogène. On dispose de forts niveaux de preuves (avec des méta-analyses d’essais randomisés contrôlés) montrant qu'elle améliore aussi le niveau de tension artérielle, en particulier chez les patients ayant une HTA résistante. Des études de cohorte et des sous-groupes dans des essais randomisés ont aussi montré que le traitement améliorait l’insulinorésistance. D’autres études de cohorte avaient enfin montré qu’on pouvait améliorer l’hémoglobine glyquée des patients diabétiques mais cela n’a pas été confirmé par des essais randomisés contrôlés. On ne peut pas donc dire qu’on traite le diabète en traitant l’apnée du sommeil », souligne la Pr Borel.
Il y a peu d'études au sujet de l'effet de la PPC sur les complications, « seulement une ou deux études de cohorte montrant que le traitement pourrait limiter leur aggravation. Mais il s’agit de débuts de preuves encore balbutiantes », souligne la Pr Borel.
Quatre raisons pour dépister
Le dépistage, quant à lui, doit s’appuyer sur un principe de réalité. « Ce qui est déterminant, c’est de soulager les symptômes. Il faut donc dépister les symptômes évocateurs d’une apnée du sommeil chez tous les patients avec un diabète de type 1 et 2. En présence de trois symptômes, il est licite de faire un enregistrement, explique la Pr Borel. Mais il existe aussi quatre situations où cet enregistrement nous paraît justifié, même en l’absence de symptômes : chez les patients présentant une HTA résistante ; en cas d'aggravation rapide des complications microvasculaires (dans l’objectif d’améliorer leur contrôle tensionnel puisqu’il participe à la progression de ces complications) ; quand il y a une forte insulinorésistance et enfin chez les conducteurs professionnels ».
Entretien avec la Pr Anne-Laure Borel (département d’Endocrinologie, Diabétologie, Nutrition à l’hôpital universitaire Grenoble Alpes).
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