La contestation a payé. Face aux critiques de plusieurs états membres, la commission européenne a « reconnu que des discussions supplémentaires étaient nécessaires » avant de voter la proposition de réglementation des perturbateurs endocriniens. « La Commission va maintenant rechercher le meilleur moyen de faire progresser le texte sur les biocides et la protection des plantes », nous précise Enrico Brivio, son porte-parole.
La réunion qui a eu lieu aujourd'hui à Bruxelles était l'occasion de permettre aux pays membres de s'exprimer sur deux textes. Le premier concerne les produits biocides, le second les pesticides et herbicides, lui-même divisé en deux volets, scientifique environnemental d'une part, et santé humaine d'autre part.
Ce texte est très critiqué par plusieurs pays membres. C'est notamment le cas du 5e point de la partie scientifique, qui précise que les molécules destinées « à réguler la mue et/ou la croissance d'organismes nuisibles via leur système endocrinien » ne doivent pas « être identifiés comme étant des perturbateurs endocriniens ». Cette disposition exclut d'emblée les herbicides et les pesticides, responsables d'une large part de l'exposition à laquelle sont soumises les populations. L'Agence santé publique France a d'ailleurs récemment publié les données du volet périnatal du programme national de biosurveillance, selon lesquelles les femmes françaises sont très largement exposées à ces polluants organiques au cours de leur grossesse.
Le texte soumis aujourd'hui aux pays membres requiert également, pour pouvoir qualifier une substance de perturbateur endocrinien, des études démontrant une toxicité de manières consistantes dans plusieurs modèles animaux. Il demande aussi que le mode d'action soit connu et démontré.
Ségolène Royal très remontée
Dans une lettre adressée mardi au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Ségolène Royal, a brocardé ce texte qui marque « un recul dans l'action de l'Union européenne de protection de la santé de nos concitoyens, regrette-t-elle. La définition proposée est en effet bien restrictive. Selon l'Endocrine society, qui représente 18 000 chercheurs et cliniciens internationaux spécialistes du système hormonal, elle exige “un niveau de certitude scientifiquement presque inatteignable” pour identifier une substance dans la catégorie des perturbateurs endocriniens ».
La ministre plaide en outre pour une réflexion globale avec les états membres de l'Union européenne pour la mise en place d'une catégorisation des perturbateurs endocriniens de façon harmonisée et horizontale.
Le niveau de preuve trop exigeant demandé par le nouveau règlement européen avait également été sévèrement critiqué dans la revue « Environnemental Health Perspective » par un groupe de 7 chercheurs. Ces derniers avaient estimé que l'approche utilisée pour identifier les substances toxiques cancérigènes devait être appliquée aux perturbateurs endocriniens. Ils remettent en cause la nécessité, également mise en avant par la Commission, d'une étude d'impact préalable visant à mesurer les conséquences sanitaires, et le retentissement économique de la réglementation.
« Cela créerait un dangereux précédent, dans la mesure où les études d'impact ne sont pas destinées à définir les dangers, mais à quantifier les effets de ces dangers et de la réglementation sur la santé, la société et l’économie », soulignaient les chercheurs.
Parallèlement aux discussions de Bruxelles, l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) et l'autorité européenne de la sécurité alimentaire (EFSA), ont publié un projet de recommandations de mise en œuvre de la nouvelle classification. Le texte devra à terme décrire notamment les méthodologies acceptables en vue de prouver l'existence d'un mode d'action sur le système endocrinien humain.
La France n'est pas la seule à se tenir vent debout contre cette nouvelle réglementation. Le ministre fédéral de l'Agriculture de Belgique, Willy Borsus, a affirmé dans le cadre du débat budgétaire de la Chambre, que la Belgique ne soutiendra pas le texte. La Suède a également affiché son opposition à la manière dont le texte est écrit.
Ce report constitue un nouveau délai dans l'adoption d'une nouvelle réglementation européenne. Le 16 décembre dernier, la Cour de justice a condamné la Commission européenne pour ses retards dans les décisions d’interdiction des perturbateurs endocriniens.
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