Il a fallu des décennies et des efforts considérables des spécialistes des maladies dites « non transmissibles » (MNT) pour faire reconnaître par les instances internationales (OMS, ONU), que des maladies comme les diabètes, l’obésité et les maladies cardiovasculaires (MCV) constituent des causes de morbimortalité considérables, bien plus que les « maladies transmissibles » (MT), et nécessitent une prise en compte urgente par les décideurs des politiques de santé.
Sur tous les continents, les médecins ont alerté et tenté de faire pression pour que l’on traite de ce sujet. Jusqu’alors, les pays à faible niveau de revenus étaient surtout identifiés comme exclusivement touchés par des maladies infectieuses (paludisme, VIH, tuberculose, etc.) ou la dénutrition. Mais les données épidémiologiques, même partielles, et les remontées du terrain ont mis en évidence cette montée en puissance des MNT et… le manque de moyens pour y faire face.
L’image de régions ravagées par les maladies infectieuses et la malnutrition en a été écornée. Penser MNT est contre-intuitif car attaché à excès de l’alimentation et sédentarité, qui contraste mais coexiste avec la malnutrition, inconstante et apparaissant surtout en temps de guerre et de crises. D’ailleurs il ne faut pas ignorer les conséquences épigénétiques des famines sur la descendance.
Une question de pauvreté, toujours
Désormais, avec 500 millions de diabétiques et 1,5 fois plus de syndromes métaboliques, les MNT sont reconnues comme un problème de santé publique majeur. Que ce soit dans les pays émergents ou dans les pays riches, elles touchent plus fortement les populations les plus défavorisées et certaines ethnies. On le sait en France aussi : Nord, Grand Est et les zones péri-urbaines, en particulier en Île-de-France connaissent des prévalences plus élevées et davantage de complications. Donc on revient, encore et toujours, à la pauvreté et l’hygiène de vie, voire au chômage et à la dépression. Avec un rôle de l’ethnicité, démontré en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
La pandémie Covid-19 d’autant plus fait se rejoindre MT et MNT que les sujets les plus touchés par la contagion et surtout les plus atteints des formes graves sont justement ces mêmes que ceux touchés par les MNT : obèses, diabétiques, porteurs de MCV et vivant dans des zones de promiscuité et/ou ayant dû poursuivre leur activité professionnelle de services. Toutes les données mondiales le confirment.
En Italie, sur 2 000 décès liés au Covid-19, 96,5 % des sujets présentaient : une (1/4), deux (1/4) ou trois (1/2) de ces comorbidités (HTA, diabète, cardiopathies ischémiques) avec le grand âge. Les données britanniques insistent sur l’obésité, le diabète et le surrisque constaté dans les ethnies issues du sous-continent indien et des régions subsahariennes pour les deux sexes (risque multiplié par 2,5 à 4). Les données nord-américaines soulignent aussi ces marqueurs ethniques et socio-économiques. Si, en Afrique, le Covid-19 semble faire moins de dégâts, le désastre annoncé des MNT est déjà là. Elles tuent dans beaucoup de pays bien plus que le VIH ou la tuberculose (de 2 à 50 fois plus). Cela est vrai aussi aux États-Unis pour les milieux défavorisés.
En somme, le Covid-19 met tout le monde d’accord : MT et MNT, même combat ! La prévention passe par la lutte contre les dommages de la fracture sociale : des réformes sociales et urbanistiques, de l’éducation en santé. Donc des choix politiques et pas uniquement de politique de santé. Un chantier majeur aussi important que celui du réchauffement climatique et peut-être en partie lié. Une leçon de plus de cette pandémie.
Professeur émérite, Université Grenoble-Alpes
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