Les contaminants alimentaires proviennent de sources multiples : pollution atmosphérique, agricole, emballages, mode de cuisson. Les polluants organiques persistants ([POP] dioxines, polycholorobiphényls, polybromodiphényléthers) et éléments traces (mercure, cadmium, plomb, arsenic, organoétains) sont retrouvés avant tout dans les poissons gras, laitages, œufs et viandes grasses, tandis que les pesticides concernent principalement les fruits et légumes, pains et graines, lesquels peuvent aussi être contaminés par des mycotoxines. Dans la viande, ce sont le fer héminique et les benzo(a)pyrènes (BaP) qui posent question.
L’absorption et l’accumulation, et donc la toxicité, de ces xénobiotiques, dépend de leur lipophilie. Ils activent prioritairement les xénosenseurs AhR, PXR et CAR, déclenchant la réponse cellulaire au stress, mais ils peuvent aussi se fixer de manière illégitime à des récepteurs hormonaux et ainsi perturber la signalisation de molécules endogènes, telles les hormones sexuelles, thyroïdiennes, et les voies PPAR (lipides), Myc (métabolisme), ERK, Akt (prolifération cellulaire), HIF1-alpha, etc.
L’entrée du xénobiotique dans la cellule se fait par transporteur tel la P-glycoprotéine (P-gp). Intervient alors une phase de fonctionnalisation puis la conjugaison avec ajout de résidus hydrophiles et transformation en composé inactif excrété par la cellule. Cette détoxication cause un stress oxydant, qui conduit, selon la réponse métabolique adaptative, soit à la mort cellulaire soit à sa survie, le plus souvent alors sous forme cancéreuse.
Reprogrammation métabolique
De ces mécanismes découlent la génotoxicité, bien connue (cassures et altération de la réparation de l’ADN, adduits), mais aussi l’épigénotoxicité (méthylation ADN, code histone, micro-ARN) et, découverte plus récemment encore, la mitotoxicité des polluants, avec dysfonctionnement mitochondrial et reprogrammation métabolique, due à la diminution de la disponibilité des groupements méthyl- et acétyl-.
Ainsi, en réponse à l’administration de BaP (présente dans les cigarettes et les aliments cuits à haute température), il est observé une accumulation de succinate, diminution du fumarate et de l’activité de la succinate dehydrogénase (Hardonnière, 2016). Cela a des conséquences sur la capacité cellulaire de transition épithéliomésenchymateuse (la capacité métastatique des tumeurs), avec une diminution de l’expression des marqueurs épithéliaux, une augmentation des marqueurs mesenchymateux, des capacités de migration, ainsi que des changements de morphologie cellulaire (formation de lamellipodes, réorganisation du réseau d’actine, étalement…).
D’autres effets non génotoxiques sont à prendre en compte. Le marquage épigénétique est flexible, dynamique et partiellement réversible, mais pas toujours. On retrouve un effet du tributylétain sur le poids du tissu adipeux, la taille et le nombre des adipocytes, trois générations après avoir exposé une fois des souris pendant leur gestation (Chamorro-Garcia 2013). Chez l’humain, les études épidémiologiques récentes révèlent une relation entre maladies métaboliques et organochlorés ou PCB (Jaacks LM 2015, Velmurugan G 2017). Ainsi, une étude américaine (US Nat Health and examin Survey 1999-2002) montre que l’association diabète/obésité dépend de la concentration en POP : les obèses non soumis à la pollution ne développent pas de diabète ! Et inversement, les personnes maigres très contaminées, en développent. Chez les rats, le chlorpyrifos provoque aussi une dysbiose (Fang B 2018). Et un cocktail de 6 résidus présents habituellement sur les pommes (ziram, chlorpyrifos, thiaclopride, boscalide, thiofanate, captan) perturbe l’homéostasie glucidique avec une réponse dimorphique au niveau moléculaire dans le foie (Payrastre et al, Toxalim).
En outre, il existe une forte présomption (rapport Inserm 2013) d’un lien entre pesticides et anomalies neurodéveloppementales ou maladies neurodégénératives. Ce risque, déjà connu chez les agriculteurs, devrait prochainement se voir élargi aux consommateurs, selon les experts.
Effets seuils et cocktails
La toxicologie a connu une révolution avec la remise en cause du concept « la dose fait le poison » et la découverte de courbes non monotones. La toxicité du bisphénol A suit une courbe en U : elle est plus forte aux concentrations très faibles (et élevées) que moyennes. Cela rend particulièrement délicat la fixation d’un seuil. Son interdiction, légitime selon les chercheurs, a conduit au remplacement par d’autres types de bisphénols, dont la toxicité n’avait pas été étudiée mais pour lesquels les premiers résultats sont alarmants.
Quant aux études sur les cocktails de polluants, elles montrent globalement une synergie dans 71 % des cas, une potentialisation dans 8 % et un antagonisme pour 21 %, ce qui appelle à encore davantage de prudence face à l’évaluation du risque. Globalement, les doses journalières admises (DJA) sont variables selon les pays, et pour cause : elles dépendent avant tout de l’autorité qui les fixe, et non de l’état des données scientifiques (immensément parcellaires mais indubitablement alarmistes). Les experts appellent à remettre en cause la nécessité des traitements phytosanitaires : 36 traitements annuels par pomme, est-ce bien nécessaire ? Au-delà de l’enjeu agricole, ils souhaitent mieux mesurer le coût pour la société des maladies chroniques et de la perte de la biodiversité causée par ces polluants.
exergue : « Les obèses non soumis à la pollution ne développent pas de diabète, alors que les personnes maigres très contaminées, en développent »
3 e école clinique de la société française de nutrition, 26 septembre 2019
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