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Dossier

Congrès de l'EASD

Diabète de type 2, la science rebat les cartes

Publié le 07/10/2016
Diabète de type 2, la science rebat les cartes

Ouverture
GARO/PHANIE

Etude Sustain 6, Etude Duration 8 ou encore SOS Study… Cette année, le Congrès européen de diabétologie a été marqué par de nombreux essais cliniques positifs venant conforter l’intérêt des stratégies antidiabétiques les plus récentes. Des nouveaux antidiabétiques à la chirurgie métabolique, les lignes sont en train de bouger. à plus long terme, la génétique pourrait bien aussi avoir son mot à dire.

Nouveaux arguments en faveur de l’effet cardioprotecteur de certains antidiabétiques, preuves à long terme de l’efficacité de la chirurgie métabolique sur l’équilibre glycémique, ou encore multiplication des données positives sur les combinaisons médicamenteuses, etc. Les essais scientifiques sont-ils en train de rebattre
les cartes en matière de diabète ?

Les études présentées lors du congrès annuel de l’EASD (European Association for the Study of Diabetes, Munich, 13-16 septembre 2016) projettent en tout cas un nouvel éclairage sur le traitement du diabète de type 2.

Antidiabétiques : l’effet cardioprotecteur se précise
Point d’orgue du congrès, l’essai SUSTAIN 6 vient ainsi de conforter l’effet cardioprotecteur du semaglutide, un analogue du GLP1 à administration hebdomadaire. Dans cet essai 3 297 patients DT2 à haut risque cardiovasculaire (CV) ont été randomisés pour recevoir soit un traitement par semaglutide 1 ou 0,5 mg /semaine soit un placebo. à l’issue d’un suivi de 104 semaines,  le nombre d’événements CV était significativement plus bas sous semaglutide : 106/1 648 patients (6,6 %) vs 146/1649 (8,9 %) dans le groupe placebo. Soit une réduction de 26 % du risque CV évalué selon le critère MACE (critère composite associant la mortalité CV, les infarctus du myocarde et les AVC non mortels) avec une réduction majeure de ces derniers (-39 %). Les auteurs rapportent également une réduction de la néphropathie (-36 %) et, de façon étonnante, une augmentation de la rétinopathie sous semaglutide (RR=1,76) qui reste encore inexpliquée.  

Il y a 3 mois, un autre analogue du GLP1 - le liraglutide - avait déjà fait la preuve de son efficacité CV avec  une réduction de 13 % du critère MACE, ainsi qu’une diminution de 22 % du risque d’événement rénal. En septembre 2015, l’essai EMPAREG mené avec l’empagliflozine avait ouvert le bal avec une réduction de 13 % du critère MACE, une réduction de 38 % du risque de décès CV et de 32 % du risque de décès toutes causes.

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Ainsi, si pendant de nombreuses années, les anti-diabétiques ont été brocardés pour n’agir que sur la glycémie et les complications microvasculaires du diabète - sans effet sur les critères « durs » comme la mortalité et les événements CV, avec ces récentes études, « nous vivons une ère nouvelle où nous agissons sur le risque cardio-vasculaire et non plus uniquement sur la glycémie », se réjouit le Pr Jean-Pierre Riveline (hôpital Lariboisière, Paris).

Et même si ces études de non-infériorité étaient avant tout conçues pour vérifier la sécurité CV des nouveaux antidiabétiques, « les bénéfices mis en évidence sont statistiquement valables car cela avait été anticipé dans le design des études, commente le Pr Riveline qui rappelle toutefois que « ces résultats ont été obtenus au sein d’une population de diabétiques à haut risque cardiovasculaire et ne peuvent être extrapolés à l’ensemble des diabétiques ».

Les combinaisons prennent du galon
Les données concernant les combinaisons d’antidiabétiques semblent aussi de plus en plus solides. D’un point de vue théorique, le diabète étant une maladie multifactorielle, associer des molécules agissant sur des mécanismes distincts est rationnel et laisse espérer un effet plus rapide et plus important sur l’équilibre glycémique que les thérapies séquentielles.

En pratique, des essais confirment l’efficacité de plusieurs combinaisons de molécules, la plupart non disponibles en France. Exemple parmi d’autres, très commenté à l’EASD 2016, celui de l’association  analogue GLP1 hebdomadaire- inhibiteur des SGLT2 (exenatide hebdomadaire-dapagliflozine) avec l’essai Duration 8. En plus d’une réduction de 2 % du taux d’Hba1c chez les patients très déséquilibrés (>9%) cette combinaison proposée d’emblée en cas d’échec de la metformine, était supérieure à la prise isolée d’un de ces médicaments pour tous les critères secondaires d'efficacité (glycémie à jeun et post-prandiale, nombre de patients parvenant à une HbA1c <7 %, perte de poids), sans épisode hypoglycémique.

« Bientôt, prédit Jean-Pierre Riveline, le traitement du diabétique après échec des règles hygiéno-diététiques et de la metformine seule, pourrait être constitué d’associations combinant la metformine (qui cible l’insulinorésistance), un analogue retard du GLP-1 (qui augmente l’insulinosécrétion, avec de plus un bénéfice pondéral) et un inhibiteur du SGLT2 (qui cible l’excrétion urinaire de glucose avec un impact pondéral, sur la PA voire sur la mortalité). » Une combinaison fixe analogue du GLP1-inhibiteur des SGLT2 existe déjà, composé de deux molécules non disponibles en France. L’association analogue du GLP1-insuline ultralente degludec est, pour sa part, disponible depuis le 9 septembre.

La chirurgie métabolique de plus en plus crédible 
La chirurgie métabolique tend aussi à s’affirmer comme une option de plus en plus crédible pour le traitement de certains diabétiques indépendamment ou presque de l’IMC. En témoignent, les résultats à long terme de l’étude SOS (Swedish Obesity Study).

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Dans cet essai, 30% des personnes diabétiques au moment de l’opération étaient en rémission 15 ans après l’intervention. Cette rémission durable était associée à une réduction de 80% des complications microvasculaires. Sans surprise, les chances de rémission étaient d’autant plus élevées que la durée de diabète au moment de l’opération était faible. Quant aux patients toujours diabétiques, malgré la chirurgie, la plupart avaient quand même bénéficié d’une amélioration glycémique ayant permis d’alléger leur traitement
antidiabétique.

Ainsi, « la chirurgie bariatrique n’est plus l’apanage de l’obésité sévère mais est sur  le point de devenir un traitement du diabète, parmi les autres », commente le Pr François Pattou(CHRU Lille).  « Ce n’est plus l’IMC mais l’équilibre glycémique qui doit faire envisager la chirurgie », poursuit le chirurgien qui souligne néanmoins les difficultés pratiques et les risques en termes de morbi-mortalité de la chirurgie.

La cause est entendue pour 43 sociétés scientifiques internationales dont l’EASD et la Société Francophone du Diabète, qui viennent de prendre position pour que la chirurgie métabolique soit inscrite dans l’algorithme thérapeutique du DT2, en cas de déséquilibre sévère (au-delà de 8% d’Hba1c) malgré les traitements conventionnels, dès un IMC de 30 kg/m2.

Les recos françaises obsolètes ?
Au vu de l’ensemble de ces données, les recommandations françaises, qui font la part belle à la metformine et aux sulfamides, et préconisent un empilement séquentiel des molécules, risquent de prendre un coup de vieux. Pour le Pr Riveline, comme pour bon nombre de diabétologues, « il est désormais indispensable de revoir ces recommandations afin de pouvoir  prescrire, dès l’échec de la metformine seule, des molécules agonistes du GLP1 type liraglutide ou semaglutide, en association avec la metformine et un inhibiteur des SGLT2 ».

Les diabétologues espèrent aussi la prochaine mise à disposition en France des nouvelles molécules qui ont fait leurs preuves sur la glycémie et le risque CV, tels le semaglutide ou l’empagliflozine, mais qui restent pour le moment non commercialisées en France.
 

Dossier réalisé par Hélène Joubert