L'ophtalmopathie est une situation fréquente, uniquement associée à la principale cause d’hyperthyroïdie, la maladie de Basedow, une maladie thyroïdienne 10 fois plus fréquente chez la femme. Cette orbitopathie concernerait les 2/3 des maladies de Basedow.
Son traitement reste assez délicat, avec des résultats souvent médiocres. On sait que le traitement antithyroïdien est sans effet. Nombre d’améliorations sont obtenues par obtention de l’euthyroïdie. Il existe un risque d’aggravation par l’I131. Les orbitopathies malignes relèvent d’une corticothérapie par voie veineuse (environ 7,5 g en tout, sur 2 mois environ selon les protocoles), plus ou moins relayée par la voie orale sur une durée atteignant une année. La radiothérapie orbitaire peut aussi apporter un bénéfice mais dans environ la moitié des cas seulement. Il faut parfois avoir recours à la chirurgie de décompression. Rappelons enfin les traitements symptomatiques (collyre, occlusion palpébrale nocturne…) et l’arrêt du tabac.
Parmi toutes les thérapeutiques actuelles, ce sont les glucocorticoïdes qui ont principalement un rôle important, mais leur efficacité ne serait que limitée et leur usage pose des problèmes de sécurité et d’effets secondaires : prise de poids, diabète, hypertension artérielle et effets délétères sur la masse maigre et osseux.
Inhiber le récepteur du facteur de croissance 1 (IGF-IR surexprimé par les fibroblastes périorbitaires dans la maladie de Basedow) représente une nouvelle stratégie pour atténuer la pathogenèse auto-immune sous-jacente à cette ophtalmopathie. L'efficacité de cette approche est en cours d’investigation.
Teprotumumab
Le premier essai multicentrique, en double insu, randomisé et contrôlé contre placebo a été mené pour déterminer l'efficacité et la tolérance du teprotumumab, un anticorps monoclonal humain inhibiteur de l'IGF-IR, chez les patients souffrant d'ophtalmopathie active moyenne à sévère (1).
Au total, 88 patients ont été randomisés dans 15 centres aux États-Unis, pour recevoir un placebo ou le médicament actif, administré par voie intraveineuse une fois toutes les 3 semaines pour un total de huit perfusions. Ont été inclus les sujets ayant un score d'activité clinique (CAS, noté de 0 à 7, un score ≥ 3 indiquant une ophtalmopathie active) de 4 ou plus, n’ayant pas eu de chirurgie ou de traitement de l’orbitopathie et non enceintes (contraception active) en ce qui concerne les femmes. Les critères d’exclusion étaient l'augmentation de 2 points du CAS entre l’inclusion et la première visite, et une neuropathie optique.
Le critère principal était la réponse ophtalmologique, définie comme une réduction de 2 points ou plus du CAS et une réduction de 2 mm ou plus du proptosis à la semaine 24 (examen ophtalmologique réalisé par le même opérateur). En outre, un questionnaire de qualité de vie spécifique à l'ophtalmopathie de Basedow (GO-QOL) a été administré durant l’étude et les événements indésirables répertoriés.
Des effets dès la 6e semaine
Dans la population en intention de traiter, 29 des 42 patients ayant reçu du teprotumumab (69 %), vs à 9/45 sous placebo (20 %), présentaient une réponse ophtalmologique à la semaine 24 (p < 0,001). Ces effets étaient rapidement obtenus, dès la semaine 6 : 18/42 (43 %) dans le groupe traité et 2 dans le groupe placebo (4 %) (p < 0,001). Le score qualité de vie a été amélioré, ainsi que les signes ressentis de diplopie.
Ces effets favorables se sont maintenus à 28 semaines, sans rebond à l’interruption du traitement. Côté effets indésirables, seule la détérioration du contrôle glycémique chez les patients diabétiques a été imputée au traitement, et aisément contrôlée en ajustant la thérapeutique antidiabétique.
Une bonne nouvelle face au manque d'efficacité des approches actuelles
Comparé à des doses cumulées de methylprednisolone IV de 7,5 g, ce score d’amélioration est nettement supérieur. Rappelons aussi que le rituximab (anticorps monoclonal dirigé sur la molécule CD 20 sur les surfaces de certaines cellules B, un produit chimérique constitué d'environ 20 % de protéines de souris et 80 % de protéines humaines) offre des effets favorables de l’ordre des corticoïdes (– 2,7 de score clinique), mais sans bénéfice sur le proptosis.
D’autres molécules sont aujourd’hui testées dans cette indication (infliximab, etanercept, adalimumab, tocilizumab, tanshinone). Il semble que le teprotumumab soit le plus avancé dans cette prise en charge innovante de le l’orbitopathie basedowienne.
Des questions restent ouvertes
On peut regretter, comme les auteurs eux-mêmes, que cette étude pèche par son manque d’imagerie (IRM orbitaire), capable de plus mesurer précisément l’exophtalmie, la masse de tissu graisseux orbitaire, l’infiltration des muscles... Davantage que l’assez « historique » exophtalmomètre de Hertel. Une certaine carence de description des patients inclus est aussi à déplorer.
Deux questions importantes restent posées : d’abord, la durabilité des bénéfices au-delà de 6 mois après arrêt du traitement. Ensuite, les effets du teprotumumab sur des formes moins sévères d’atteintes ophtalmologiques, liées à la maladie de Basedow. Mais ces données favorables sont très encourageantes, dans un domaine où les solutions thérapeutiques sont particulièrement limitées, offrant souvent des bénéfices partiels... voire aucun résultat tangible !
(1) Smith TJ, Kahaly GJ, Ezra DG, et al. Teprotumumab for Thyroid-Associated Ophthalmopathy. N Engl J Med. 2017;4;376:1748-61.doi:10.1056/NEJMoa1614949
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