L’étude VADT (Veterans Administration Diabetes Trial) a porté sur 1 791 sujets ayant un diabète de type 2 (DT2), de sexe masculin exclusivement (97 %). Comme ACCORD et ADVANCE, elle visait à mesurer les effets du contrôle glycémique strict (une HbA1C cible à près de 6 %) sur le taux de complications cardiovasculaires (CV), par rapport à un contrôle glycémique moins rigoureux.
Après 5,6 années, les patients du groupe intensifié avaient une HbA1c médiane de 6,9 %, et ceux du groupe dit standard de 8,4 % soit une différence majeure de - 1,5 %, mais sans effet favorable significatif sur les complications CV ni sur la mortalité. Il fut cependant démontré que ceux ayant un DT2 plus récent en tiraient un bénéfice et que, au contraire, ceux ayant un diabète évoluant depuis plus de dix ans présentaient un surrisque CV. Tous les patients furent ensuite suivis de façon libre, donc sans plus d’obligation d’objectif glycémique.
Un premier point fut fait près de 4 ans plus tard, soit avec une médiane de suivi de dix années. Il persistait alors une modeste différence d’HbA1c entre les deux groupes (0,3 %). À ce stade, il a été constaté une moindre fréquence d’événements CV chez les sujets DT2 ayant eu initialement un contrôle intensif (réduction, faible, de 17 %), mais non une amélioration de la survie globale.
Encore 5 ans plus tard, soit 15 années après l’entrée dans l’étude, il n’existait plus aucune différence d’HbA1c entre les deux groupes. Ce sont ces résultats à 15 ans qui viennent d’être présentés à l’ADA en juin 2018.
Disparition du bénéfice cardiovasculaire
En premier lieu, on constate que l’HbA1c du groupe initialement intensifié est remontée dès la fin de l’étude (donc de la phase interventionnelle), passant de 7 % en moyenne à 8 %, confirmant qu’une fois le patient « libéré » d’une prise en charge rigoureuse et très encadrée, maintenir un contrôle glycémique optimisé est bien difficile. Notons que, durant ces périodes postinterventionnelles, les patients n’avaient reçu aucun des nouveaux antidiabétiques iSGLT2 ou arGLP1, qui auraient peut-être pu jouer en faveur d’une meilleure durabilité du contrôle glycémique.
Surtout, 10 ans après l’arrêt de la phase interventionnelle, tout bénéfice CV a disparu. La conclusion générale est que la mémoire, ou l’héritage, glycémique n’existe finalement pas. Et que le bénéfice attendu d’un contrôle glycémique strict ne saurait dépasser la période durant laquelle est constatée une différence d’HbA1c. Mais cette étude ne concernait qu’un échantillon assez faible (800 sujets par bras, presque uniquement masculins).
Pour le Pr Gerstein, qui a commenté cette session, il ne faudrait pas que ces résultats conduisent à dilapider l’héritage reçu, en faisant sombrer les médecins ou les patients dans le laxisme ! Il a rappelé d’abord que l’ensemble des études de cette nature ont montré que les dysglycémies ont un effet propre (indépendant) sur les événements CV… et que les hauts niveaux de glycémies prédisent le haut risque CV. L’hyperglycémie est une des causes des maladies CV. Il a ensuite souligné qu’il convient d’individualiser les objectifs et traitements (attention aux fragiles), mais qu’il ne faut pas relâcher les efforts une fois les objectifs glycémiques atteints, et surtout qu’il n’existe pas de « statine du glucose », c’est-à-dire une molécule qu’on pourrait prescrire largement sans se soucier du reste.
Une intervention bien tardive
J’ajoute pour ma part que VADT était une intervention glycémique très stricte, mais bien tardive dans l’histoire de la maladie. Des études interventionnelles chez des sujets moins âgés ou moins anciennement malades – DCCT ainsi que son suivi EDIC pour le DT1 et UKPDS post-trial pour le DT2 – ont démontré des bénéfices et une forme de mémoire glycémique. Ce concept s’appuie de plus sur des données expérimentales solides.
On doit donc garder à l’esprit que la prise en charge « précoce et durable » du diabète, avec des HbA1c ≤ 7 %, puis un peu plus élevées au-delà de 10 à 15 ans d’ancienneté, doit toujours être recommandée.
Professeur émérite à l’université Grenoble-Alpes
Session « The Veterans Affairs Diabetes Trial (VADT) at 15 years », 78 e congrès de l’ADA, 24 juin 2018. https://professional.diabetes.org/search/site/vadt?
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