La France est le pays qui accueille le plus de touristes : environ 80 millions par an. « Les touristes viennent en France avec l'idée d'y trouver une gastronomie unique, de grande qualité », souligne Jean-Pierre Poulain, sociologue, anthropologue et spécialiste de l'alimentation (Université de Toulouse), auteur du Dictionnaire des cultures alimentaires (PUF, 2018). Néanmoins, certains sont plus ouverts que d'autres à la culture alimentaire française. « Les Hollandais qui passent des vacances en France, notamment en camping, arrivent avec des caravanes bien garnies de nourritures de leur pays. Tandis que d'autres populations européennes et américaines sont plus enclines à découvrir la nourriture française », indique-t-il.
L'évolution de produits emblématiques
Les touristes entretiennent parfois une relation ambivalente vis-à-vis de certains produits français. C'est le cas du foie gras, qui est parfois l'objet d'une condamnation morale. Mais la pratique du tourisme en France peut modifier ces attitudes. « Certains continuent à condamner la consommation du foie gras, tandis que d'autres assouplissent leur position. Ils acceptent de découvrir ce produit emblématique de la culture gastronomique française », précise Jean-Pierre Poulain.
Le tourisme contribue également à transformer l'image de certains produits et savoir-faire français. Cela a notamment été le cas pour le vignoble du Languedoc. Au XIXe et XXe siècles, il s'était spécialisé dans la production de vin de table, de consommation courante. « Dans les années 1970 et 1980, la consommation de ce vin s'est effondrée, au profit de vins de meilleure qualité, d'appellation d'origine contrôlée (AOC), dédiés à une consommation festive. Le vignoble du Languedoc a donc dû opérer une mutation. Pour cela, il s'est notamment appuyé sur les 7 millions de touristes qui séjournent dans la région chaque année. Les touristes ont découvert ces vins et sont devenus des consommateurs de vins du Languedoc, y compris dans leur propre pays. Le tourisme fonctionne ici comme est un véritable média : à travers ces nouveaux consommateurs, l'image des vins du Languedoc s'est transformée, y compris pour certains acteurs locaux », affirme Jean-Pierre Poulain.
Une mosaïque régionale
Le tourisme a également pesé sur la conception de la gastronomie. Pendant longtemps, la notoriété de la France était uniquement liée à la gastronomie des élites, à la grande cuisine des chefs étoilés. Une cuisine qui s'exportait notamment dans les plus grands hôtels à l'étranger. Mais la France est aussi une mosaïque de cultures culinaires régionales. « Il y a une trentaine d'années, seules quelques régions avaient une réputation internationale. Il existait un clivage entre la gastronomie et les cuisines de terroir. La nouvelle cuisine des années 1980 a réconcilié la grande cuisine et les traditions populaires », confie Jean-Pierre Poulain. Les premiers signes de cette réconciliation remontent au début du XXe siècle : dans les années 1920, Austin de Croze lance le premier inventaire des cuisines régionales. Chaque directeur de syndicat d'initiative est alors invité à collecter les plats typiques de sa région. Il en résulte un livre intitulé « Le trésor gastronomique de la France », cosigné avec Curnonsky. Dès lors, un tourisme culinaire commence à se développer. « Ce tourisme gastronomique, qui met en valeur les particularités des cuisines régionales, est à l'origine de la reconnexion de la grande gastronomie avec les cuisines locales, explique Jean-Pierre Poulain. Cela a permis l'éclosion de gastronomies locales, dans différentes parties du monde ; c'est une des contributions de la gastronomie française au développement du tourisme ».
Exergue : Il y a une trentaine d’années, il existait un clivage entre la gastronomie et les cuisines de terroir
Entretien avec Jean-Pierre Poulain
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