L’insuffisance rénale terminale (IRT) est une complication redoutable du diabète de type 1 (DT1). La néphropathie diabétique s’accompagne aussi d’un risque cardiovasculaire très élevé. De plus, le DT1 se révèle depuis quelques années chez des enfants de plus en plus jeunes, donc avec une durée d’évolution prévisible d’autant plus longue.
Dans plusieurs pays, comme la Suède et la Finlande – très touchées par le DT1 de l’enfant – au fur et à mesure de l’amélioration de la prise en charge de ces patients sur le plan glycémique et grâce à d’autres mesures de néphroprotection, on a assisté à un recul très marqué et encourageant de l’évolution vers l’IRT. Il n’existait pas jusqu’ici de données concernant la Norvège, autre pays scandinave très touché. Pourtant, quel autre pays dispose d’un registre national et d’un suivi dépassant quarante années ?
Un registre national sur 43 ans
L’étude est basée sur le Norwegian Childhood Diabetes Registry, qui porte sur l’ensemble des jeunes atteints de DT1 âgés de moins de 15 ans au moment du diagnostic. Soit deux cohortes, l’une du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1982 (recueil rétrospectif) et l'autre du 1er janvier 1989 au 31 décembre 2012, avec une couverture de 98 % et 92 %, respectivement. Les DT2 de l’enfant, les diabètes monogéniques et avant l’âge de 6 mois ont été exclus. Ce registre a été croisé avec le Norwegian Renal Registry. L’incidence cumulée d’IRT a été calculée selon la durée depuis le diagnostic de diabète jusqu'au début de la prise en charge pour IRT, selon la méthode de Kaplan-Meier.
35 ans d'âge en moyenne lors de la complication
Résultat, parmi 7 871 personnes ayant un diabète de type 1, soit 147 714 personnes-années, 103 individus avec diagnostic d’IRT par néphropathie diabétique ont été identifiées après un suivi moyen de 18,8 ans [0 – 42,9]. Il y a eu 7 cas d’autres origines (exclus de l’analyse) et 17,5 % de transplantations.
285 personnes sont décédées durant le suivi, dont 31 avaient une IRT. La plus courte durée d’évolution de diabète avant l’IRT fut de 12,7 ans, la moyenne de 25,9 années. L’âge moyen pour l’IRT était de 35,9 ans [22,1 – 48,3], similaire pour les femmes et les hommes.
Le taux d'incidence total de l'IRT était de 0,7 ‰ personnes-années (IC95 [0,57 – 0,85]). L'incidence cumulée de l'IRT était de 0,7 % (IC95 [0,4 – 1,0]) à 20 ans de diabète, 2,9 % [2,3 – 3,7] à 30 ans et 5,3 % [4,3 – 6,5] à 40 ans.
Le risque de développement de l'IRT était plus faible chez les femmes que chez les hommes (HR = 0,61 ; IC95 [0,41 – 0,91]) et plus élevé chez les individus chez lesquels le diabète avait été diagnostiqué entre l’âge de 10 et 14 ans que chez ceux diagnostiqués avant l'âge de 10 ans (HR = 1,29 ; IC95 [1,06 – 1,56]). Il n’a pas été identifié de différence significative dans le risque de développement de l'IRT entre ceux chez qui le diabète a été diagnostiqué en 1973-1982 et ceux entre 1989 et 2012 (HR = 0,80 ; IC95 [0,45 – 1,45]).
L’IRT s’est développé chez seulement trois patients avant 15 années après le diagnostic du diabète. Cependant, l'incidence augmentait considérablement entre 15 et 25 ans après le diagnostic de diabète ; par la suite, elle était stabilisée.
Plus de DT1, plus d'IRT ? Une crainte qui n'a pas été vérifiée
Cette incidence est beaucoup plus faible qu’ailleurs par exemple aux États-Unis (11 % à 25 ans de diabète) ou en Finlande (7,8 % à 30 ans). Ces bons résultats confirment cependant ceux de Suède.
D’une manière générale, l’Europe fait mieux que les États-Unis, probablement du fait de la qualité du contrôle glycémique et tensionnel et de la meilleure application des recommandations (antihypertensives et spécifiquement IEC et sartans) surtout en cas de microalbuminurie même très peu pathologique. Le système de santé y est globalement mieux organisé et ce pour un plus grand nombre de patients.
Cela conforte la position prise en France de réaliser au minimum un dosage de microalbuminurie/an et de traiter toute hypertension même très modérée et de s’appuyer sur les médicaments agissant sur le système rénine angiotensine. La crainte que le fort rajeunissement de l’âge d’apparition du diabète de type 1 soit une source de plus d’IRT, par une plus longue durée d’évolution, n’est pas vérifiée, puisque le diagnostic de DT1 avant 10 ans est moins à risque rénal que le diagnostic posé (donc la révélation) entre 10 à15 ans. Cette période, très troublée par les conséquences hormonales et psychologiques de la puberté peut en être la cause.
En somme de très bonnes nouvelles et une confirmation de l’intérêt des registres dont la France manque dans ce domaine et qui serait en train de se mettre en place sous la houlette de la Société francophone du diabète (SFD).
Professeur émérite, université Grenoble-Alpes, Grenoble
Gagnum V., Saeed M., Stene L. C. et al. « Low Incidence of End-Stage Renal Disease in Childhood-Onset Type 1 Diabetes Followed for Up to 42 Years », Diabetes Care, vol. 41, n o 3, mars 2018, p. 420–425. https://doi.org/10.2337/dc17-0906
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