La maladie d'Alzheimer est-elle un diabète de type 3 selon le terme, un brin provocateur, de l'américaine Suzanne de la Monte de l'université Brown (Rhode Island) ? Le fait est que les liens entre l'insulinorésistance et l'Alzheimer se renforcent, comme le montre une étude française soutenue par France Alzheimer, la Fondation de France et le projet VasCog (Université de Lille et CHRU Lille) publiée dans « The Journal of Experimental Medicine ».
Pour la première fois, l'équipe « Alzheimer et Tauopathies » dirigée par David Blum et Luc Buée (Université de Lille/Inserm/CHU de Lille) et appartenant au LabEx DISTALZ (Development of Innovative Strategies for a Transdisciplinary Approach to Alzheimer's Disease) a découvert, en collaboration avec trois autres unités INSERM, les universités de Goettingen et de Leuven, que la protéine tau joue à l'état naturel un rôle majeur dans la signalisation de l'insuline au niveau du cerveau.
« La protéine tau devient anormale au cours de la maladie d'Alzheimer suite à son hyperphosphorylation, oligomérisation et agrégation, rappelle David Blum, l'auteur principal. Nous avons étayé l'hypothèse d'une perte de fonction au cours de la maladie comme étant à l'origine de l'insulinorésistance au niveau du cerveau dans un modèle murin avec délétion de tau. Ces souris déficientes en tau présentent une réponse réduite à l'insuline au niveau de l'hippocampe, cette structure du cerveau impliquée dans la mémoire. Des éléments clefs dans la signalisation de l'insuline sont altérés, à savoir IRS-1 et PTEN ».
La protéine tau encore méconnue
L'insulinorésistance du cerveau est un phénomène identifié et connu au cours de la maladie d'Alzheimer et autres tauopathies. Il est admis que cela contribue aux altérations de plasticité et de mémoire. Jusqu'à présent, seule la protéine amyloïde était identifiée comme étant capable de diminuer la sensibilité à l'insuline, à la fois en internalisant les récepteurs à l'insuline et en inactivant l'élément clef IRS-1 dans la signalisation de l'insuline.
« Or il existe une insulinorésistance du cerveau dans des tauopathies sans amyloïde, relève David Blum. Il était pressenti qu'il existe des voies de l'insulinorésistance indépendantes de l'amyloïde ». La protéine tau est l'un des chaînons manquants. « La physiologie de la protéine est encore assez peu connue, poursuit le chercheur. La fonction la mieux documentée est sa capacité à réguler la fonction des microtubules. Récemment, notre équipe a mis à jour une autre fonction de tau très importante : sa capacité à rentrer dans le noyau et à protéger des dégâts oxydatifs. Il reste beaucoup à découvrir des fonctions naturelles de cette protéine, qui est présente à plusieurs endroits de la cellule, au niveau des axones, des synapses, de la membrane, mais qui est aussi secrétée sans que l'on sache à quoi ça sert. »
Des cercles vicieux entre diabète et Alzheimer
Les liens entre diabète et maladie d'Alzheimer sont forts, multiples et complexes. « L'obésité et le diabète augmentent fortement le risque d'Alzheimer, c'est très bien établi et à redire pour la prévention, explique David Blum. Néanmoins, il n'est pas du tout évident que l'insulinorésistance centrale soit la conséquence de l'insulinorésistance périphérique. Il existe des patients sans aucun antécédent métabolique qui vont développer un Alzheimer puis une insulinorésistance centrale. En revanche, le fait de développer une insulinorésistance dans le cerveau va aggraver les troubles cognitifs mais aussi métaboliques. »
Il est connu que les patients Alzheimer, y compris sans antécédent métabolique, présentent davantage de troubles de la tolérance au glucose. « C'est un cercle vicieux, développe David Blum. L'état glycémique périphérique influe sur le développement de la pathologie. Le diabète augmente le taux de conversion de troubles cognitifs légers vers l'Alzheimer. » Les chercheurs ont montré, par ailleurs, que les souris déficientes en tau sont moins bien rassasiées, « en lien avec une altération de l'effet anorexigène de l'insuline au niveau de l'hypothalamus », ce qui se traduit par une hyperinsulinémie et une intolérance au glucose. « Ce rôle de la protéine tau est étayé par nos données génétiques chez l'homme », souligne David Blum à propos d'une analyse génétique au sein d'une cohorte montrant que les haplotypes tau sont associés à des traits glycémiques.
Ces résultats sur la protéine tau ouvrent de nouvelles stratégies de traitement. « Les essais d'immunothérapie visant l'amyloïde stagnent, rappelle David Blum. Le ciblage de la protéine tau n'a pas encore montré son efficacité. D'autres approches que la neutralisation des lésions sont à explorer, notamment une restauration de la plasticité via une restauration de la signalisation neuronale de l'insuline. La piste de l'insuline intranasale est étudiée pour améliorer les troubles cognitifs d'Alzheimer mais il est sans doute plus intéressant d'agir à un niveau plus bas dans la cascade de signalisation intracellulaire de l'insuline. Il existe plusieurs points de blocage dans cette cascade, l'enjeu à l'avenir est d'identifier et tester les cibles pertinentes. »
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