Les chiffres avancés par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sont sans appel. Selon elle, la production de viande conventionnelle représente une part considérable des émissions de gaz à effet de serre (18 %), de l’utilisation des sols (30 %), ainsi que de la consommation d’eau (8 %) et d’énergie mondiale. La FAO estime aussi que la consommation de viande devrait doubler d’ici 2050… Pourtant, la production de viande est déjà à son maximum, et l’impact écologique ne peut plus être nié. « Chaque année, 60 à 70 milliards d’animaux sont tués pour la consommation humaine : cela ne va pas pouvoir continuer », estime Claude Rescan*, scientifique au sein de Vital Meat, une entreprise qui travaille à la conception d’une viande de poulet à partir de la culture de cellules. Pour lui, il s’agit bien de « faire face à un triple défi : la préservation de la planète, l’alimentation de l’ensemble de la population et le bien-être animal. La réponse que nous proposons ? L’agriculture cellulaire, ou viande cultivée, de synthèse, viande in vitro. » Les expressions sont multiples mais, aujourd’hui, on parle plutôt de viande de culture pour désigner les protéines animales produites non pas en tuant un animal sur pieds, mais en cultivant ses cellules dans une cuve métallique.
La démarche de Vital Meat et des autres entreprises qui travaillent en ce sens fait écho à celle des systèmes hydroponiques pour les plantes. « Nous misons sur un environnement mieux contrôlé qui, associé à des solutions nutritives, permet d’apporter la quantité nécessaire à la croissance. L’idée n’est pas de faire une protéine alternative mais d’utiliser de meilleurs moyens pour produire la même protéine », précise le scientifique.
Stade expérimental
À Singapour, la viande de culture est désormais autorisée. Depuis fin 2020, on peut trouver dans les commerces des nuggets à base de viande de poulet fabriquée en laboratoire par une start-up californienne. En France en revanche, le domaine est encore expérimental, et il faudra d’abord passer par la case réglementaire avant d’envisager une quelconque commercialisation de ce type de produits. « En Europe, cela se fait auprès de l’Efsa : nous devons démontrer que le produit est sain, sûr et qu’il ne trompe pas le consommateur. Comme il s’agit d’un produit nouveau, nous avons tout à mettre en place », complète Claude Rescan. Ce besoin de communication et d’organisation a conduit les acteurs de l’agriculture cellulaire à se fédérer avec, en 2021, la création d’un syndicat européen (Cellular Agriculture Europe).
Impact environnemental
Les bienfaits environnementaux de la viande de culture ne font cependant pas l’unanimité. En 2011, une étude réalisée par des chercheurs des Universités d’Oxford et d’Amsterdam annonçait une réduction spectaculaire de l’impact environnemental. Elle a depuis été largement remise en question, critiquée sur plusieurs paramètres. Comment peut-on raisonnablement estimer la consommation électrique des usines géantes de viande de culture, alors qu’il n’en existe aucune aujourd’hui et que le processus de production à l’échelle industrielle est inconnu ?
En 2019, le Forum économique mondial (forum de Davos) a affirmé que les émissions de la viande de culture ne seraient qu’environ 7 % moindres que celles de la production de bœuf actuelle et, depuis, d’autres études ont assuré qu’à long terme, l’agriculture cellulaire pourrait être encore plus polluante que l’élevage actuel.
Certains s’opposent donc fermement à cette tendance, y compris dans les cuisines des restaurants. L’association Euro-Toques France** s’inquiète ainsi de « l’arrivée annoncée de la ‘viande’ de laboratoire issue de cellules souches dans nos assiettes ». « Oui, à un élevage de qualité respectueux de l’environnement et du bien-être animal, pour sauver notre agriculture paysanne et nos producteurs et éleveurs de proximité ! Non, à la ‘viande’ de laboratoire, issue de cellules souches ! », écrivent-ils ainsi en introduction de la pétition qu’ils ont lancé sur ce sujet. Une chose est sûre, le débat est loin d’être terminé.
Exergue : « Comme il s’agit d’un produit nouveau, nous avons tout à mettre en place »
*Intervention lors de la conférence intitulée « Des biotechs dans nos assiettes », organisée par l’école d’ingénieurs Sup’Biotech le 29 mars 2022 ** Créée en 1986, l’association Euro-Toques œuvre pour la sauvegarde et la promotion des produits alimentaires de qualité et d’origine au sein de son réseau européen de chefs cuisiniers et auprès de la Commission Exécutive à Bruxelles. Pour en savoir plus : https://www.eurotoques.fr
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