QUEL RÔLE LES patients peuvent-ils jouer dans l’éducation thérapeutique ? N’auraient-ils pas une légitimité à aller au-delà du rôle traditionnel de patients-ressources pour s’investir dans une fonction de « patients-experts » ou d’éducateurs thérapeutiques, une sorte de nouveau métier qui devrait trouver sa place à côté des soignants ?
Il est probable qu’à l’avenir ces questions vont se poser avec une certaine acuité dans le domaine de la diabétologie où l’éducation thérapeutique revêt une importance toute particulière. La reconnaissance de l’éducation thérapeutique, comme une priorité dans la loi Hôpital Patients Santé Territoire (HPST), suscite évidemment l’intérêt des associations de patients. « Elles souhaiteraient pouvoir labelliser les programmes d’éducation mais on peut se demander au nom de quelle légitimité. Le rôle des associations est bien sûr fondamental mais au nom de quoi auraient-elles une compétence d’expertise sur l’éducation des patients ? », s’interroge le Pr André Grimaldi, consultant à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. « Je sais que certains responsables d’associations seraient favorables à ce que les patients jouent un rôle d’éducateurs thérapeutiques mais cela pose quand même un certain nombre de questions », estime le Pr Grimaldi.
Celui-ci reconnaît que dans les maladies chroniques, les patients ont acquis au fil du temps une réelle expertise. « Ils savent beaucoup de choses sur la maladie. Ils sont ainsi devenus des patients-ressources dans des équipes d’éducation thérapeutiques pour faire partager leur expérience et leur vécu à d’autres patients. Mais dans ce cas, les patients-ressources sont placés sous la responsabilité de l’équipe médicale et soignante », indique le Pr Grimaldi, en ajoutant que l’exemple du VIH/sida prouve la capacité des patients et de leurs associations à « jouer aussi un rôle contre-expertise collective face au savoir médical ».
Faut-il aujourd’hui aller plus loin en donnant à des patients l’opportunité de s’investir dans un nouveau métier, celui d’éducateur thérapeutique ? « C’est une évolution qu’on commence à voir se dessiner en rhumatologie. Des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde participent l’éducation des étudiants en médecine », souligne le Pr Grimaldi, en insistant sur l’évolution importante que représenterait la mise en place de cette nouvelle fonction. « En effet, on ne ferait plus témoigner les patients de leur expérience. On leur demanderait d’oublier leur singularité et d’acquérir une compétence pédagogique et une formation psychologique avec une validation des connaissances à la clé. Il faut pas s’y tromper : ce serait bel et bien un nouveau métier qu’on mettrait ainsi en place avec à la clé une rémunération », indique le Pr Grimaldi, en soulignant que cette évolution susciterait un certain nombre de questions. « Par exemple, suffit-il d’être patient et d’avoir une petite formation pour acquérir une réelle compétence en tant qu’éducateur ? Par exemple, on sait qu’il existe des infirmières ou des médecins qui sont eux-mêmes diabétiques : se soignent-ils bien ? Je crois que la réponse est très diverse. Il peut y avoir de très bons diabétologues qui sont de très mauvais patients. Donc, on se peut se poser la question : un diabétique mal équilibré peut-être un bon éducateur ? J’aurais tendance à répondre par l’affirmative tout comme un diabétologue mal équilibré peut être un très bon médecin », indique le Pr Grimaldi, avant de soulever une autre question. « La Constitution française permettra-t-elle qu’on fasse une sélection, à l’entrée de ce nouveau métier, pour les seules personnes qui sont diabétiques ? », s’interroge le Pr Grimaldi.
D’après un entretien avec le Pr André Grimaldi, consultant à la Pitié-Salpêtrière, Paris.
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