Les neuroleptiques ont drastiquement changé la prise en charge et le pronostic des patients psychotiques et sont devenus un pilier du traitement de la schizophrénie. Ils sont également utilisés dans d’autres indications psychiatriques, comme les désordres schizo-affectifs et les troubles bipolaires. Depuis qu’ils sont sur le marché, plusieurs décennies, on sait que les antipsychotiques dits conventionnels ou de première génération (APPG) – Haldol (halopéridol) et surtout Largactil (chlorpromazine) – peuvent provoquer un gain pondéral, une obésité et plus rarement des troubles du métabolisme des glucides et des lipides. Puis sont venus sur le marché, depuis un peu plus de 10 années, de nouveaux antipsychotiques, dits atypiques ou de seconde génération (APSG) : principalement Leponex (clozapine), Zyprexa (olanzapine), Xeroquel (quetiapine) et Risperdal (risperidone). Leur usage semble s’accompagner de plus de troubles métaboliques, obésité, syndromes métaboliques, et surtout diabètes, parfois d’états préoccupants. Le tout, avec pour conséquence de majorer un risque cardiovasculaire déjà élevé. Il faut bien entendu rappeler que ces nouveaux antipsychotiques ont peu ou pas d’effets extrapyramidaux, ce qui les fait volontiers préférer aux précédents et conduit à en sous-estimer les effets indésirables propres.
Les conséquences pondérales
Les patients schizophrènes sont souvent confrontés à la problématique de l’excès de poids, voire de l’obésité, même avant l’instauration de tout traitement antipsychotique. Par ailleurs, ils reçoivent souvent de nombreux autres psychotropes (antidépresseurs, régulateurs de l’humeur, antiépileptiques, etc.), susceptibles de favoriser une prise de poids. Le rôle propre des antipsychotiques est parfois difficile à préciser. Quoi qu’il en soit, le contrôle pondéral est déterminant dans cette population. En effet, la prise de poids va souvent favoriser l’abandon du traitement ou l’inobservance et le risque cardio-métabolique, déjà élevé, ne peut qu’être aggravé.
La prise de poids parfois sévère est souvent enregistrée sous antipsychotiques. Le gain pondéral est le plus important avec les APSG surtout la clozapine, suivie de l’olanzapine, puis de la quetiapine et de la risperidone. Des effets plus limités sont rapportés avec l’amisulpride, l’aripiprazole et la ziprasidone. Cette obésité est volontiers abdominale. Les mécanismes sont multiples et encore mal connus. Cette question a été remarquablement analysée par Bruno Fève. Celui-ci a rappelé le terrain défavorable (prédisposition et hygiène de vie), les effets centraux, induction de troubles du comportement alimentaire et sédentarité accrue communs à tous les antipsychotiques et possiblement sur la dépense énergétique.
Il a aussi rappelé que la grande variabilité des troubles induits pour un même traitement correspond peut-être à des polymorphismes chez le sujet traité, comme par exemple celui du cytochrome CYP2D6, faisant que les patients sont plus ou moins exposés aux troubles métaboliques induits par la risperidone par modification de sa pharmacocinétique.
Ratio affinité D2/non-D2
De plus, les antipsychotiques agissent sur des récepteurs forts différents les uns des autres, surtout dopaminergique D2 pour les neuroleptiques anciens et aussi divers que les récepteurs histaminiques H1, muscariniques M3, 5HT1A, 2A, 2C (sérotonine), α1 et 2 adrénergiques, pour ceux de seconde génération (APSG), bien que l’effet de tout antipsychotique passe, en partie au moins, par les récepteurs dopaminergiques D2. Pour Bruno Fève, le ratio affinité D2/affinité récepteurs non D2 pourrait être un des facteurs clés expliquant les différences dans les effets des antipsychotiques, entre eux et selon les patients. Ces effets seraient plus puissants avec les APSG au niveau central, y compris via la leptine et son récepteur, ainsi que le récepteur de MC4R et cannabinoïde CB1R. Les effets métaboliques marqués de l’olanzapine et de la clozapine s’expliqueraient-ils par leur action très ciblée sur les récepteurs H1 et M3 ? Mais les antipsychotiques atypiques pourraient bien aussi avoir des effets périphériques, d’ailleurs les adipocytes en culture avec de l’olanzapine seraient stimulés via un effet PPAR et/ou SREBPc.
Les effets diabétogènes
Depuis la mise sur le marché des antipsychotiques atypiques, on décrit de nombreux cas de diabètes de type 2 (DT2), plus ou moins sévères, et quelques cas d’acidocétoses, dont certaines mortelles. Elles ne correspondent pas à des diabètes de type 1 et sont, une fois la phase aiguë traitée, aisément contrôlables par des antidiabétiques oraux et l’hygiène de vie. Là encore, l’enchaînement physiopathologique est assez classique. C’est celui de tout sujet à prédisposition familiale de DT2 cumulant une forte prise de poids et une sédentarité et d’autres comportements délétères. Et il est vrai que la plupart des cas de DT2 sous antipsychotiques sont rapportés dans des familles à risque.
Pour les APSG, les causes seraient plus spécifiques et originales. On sait, d’une part, que mis en culture avec des APSG, olanzapine par exemple, les hépatocytes tendent à la lipogenèse, à la stéatose et ce via un effet sur SREBPc une fois encore. Mais il est aussi décrit un possible effet sur la celluleß.
In vitro, la stimulation de la sécrétion d’insuline peut être obtenue par l’acétylcholine (carbachol) et donc bloquée par l’atropine. Sur ce même modèle, la stimulation par l’acétylcholine est partiellement inhibée par l’olanzapine et plus encore par la clozapine. Les effets diabétogènes surtout précoces, avant toute prise de poids, pourraient ainsi s’expliquer. En particulier, des diabètes apparus de façon tapageuse peu après l’introduction de ces molécules.
Même si beaucoup reste à comprendre, il ne fait aucun doute que tous les antipsychotiques sont susceptibles de favoriser l’obésité – et ceux de seconde génération des diabètes – mais de façon variable selon les molécules.
CHU de Grenoble
Les effets métaboliques des antipsychotiques. Session à la SFD avec les Prs André Scheen et Bruno Fève.
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