Ce travail a constitué une œuvre de titan, passant par des étapes de recherche préclinique très complexes et sophistiquées, d’expérimentation in vitro, puis chez l’animal in vivo et ex vivo pour aboutir à cette étude menée chez des diabétiques de type 1 (DT1) récemment diagnostiqués et ayant certaines caractéristiques, notamment celle d’être porteurs de l’allèle DQ8. Les résultats sont particulièrement prometteurs.
Pour mémoire, les molécules d’histocompatibilité majeure de classe II (MHC) sont fortement liées à plusieurs maladies auto-immunes. La narcolepsie ne se développe qu’avec la présence du HLA-DQ6 et la maladie cœliaque, de façon très majoritaire, parmi les porteurs de DQ2 et à moindre degré DQ8. En ce qui concerne le DT1, l’allèle HLA-DQ8 est très commun (DQA1*03:01; DQB1*03:02), présent chez 50 à 60 % des patients. Il confère un surrisque significativement accru de développer la maladie (OR de 6,5 à 11) et joue un rôle dans sa pathogénie. Quant à l’allèle DQ6 (DQB1*06:02), il confère une protection (OR = 0, 03). Cela, ainsi que d’autres découvertes récentes, font du blocage de la présentation de l’antigène DQ8 une cible très prometteuse pouvant offrir un bénéfice thérapeutique en prévenant la reconnaissance des peptides par les cellules T. C’est l’hypothèse explorée ici.
Recherche structurale
Une étude de la structure cristalline de DQ8 a permis de sélectionner, parmi un répertoire de 140 000 petites molécules, celles susceptibles d’exprimer une capacité de liaison sous forme de complexes avec des poches structurales des MHC de classe II chez la souris NOD.
Quelques petites molécules ont été sélectionnées sur leur capacité d’inhiber la présentation de l’antigène DQ8 in vitro et une seule a été retenue, sur sa capacité à prévenir la production d’anticorps et retarder l’apparition du diabète dans des modèles animaux de diabète de type auto-immun spontané. Elle empêchait l’apparition du diabète, autant de temps que le traitement était poursuivi.
Il s’avère qu’un médicament possède une structure similaire : cet antihypertenseur bien connu qu’est la methyldopa. Utilisée depuis plus de 50 ans, approuvée par la FDA et utilisable chez l’enfant, cette molécule est capable de bloquer spécifiquement DQ8 et la réponse des cellules T dans des DT1 humain de révélation récente, engendrant une réduction de l’inflammation médiée par les cellules T contre l’insuline, ce qui peut bloquer les antigènes spécifiques de classe II et « traiter l’auto-immunité ».
Études animales et humaines
Chez la souris transgénique DQ8 traité par voie orale par methyldopa versus placebo, à des doses équivalentes à celles utilisées chez l’humain, cette équipe a montré ex vivo que la methyldopa reste liée à DQ8 et inhibe la reconnaissance d’un complexe peptide/DQ8. Seule la methyldopa intacte peut interagir avec DQ8 et exercer ces effets et non ses métabolites hépatiques.
Ces études précliniques ont été transposées à des diabétiques de type 1. Il s’agit d’une étude ouverte (un seul bras) portant sur 20 DT1, 13 hommes et 7 femmes, tous porteurs de l’allèle HLA-DQ8 (un seul allèle DQ8 chez 16/20 et deux chez les autres), âgés de 18 à 46 ans (médiane 22 ans), dont le diabète durait depuis moins de deux ans (médiane 90 j), ayant une activité cellulaire B résiduelle. La methyldopa a été administrée, avec une titration progressive sur 6 semaines afin de s’assurer du blocage de la présentation de l’antigène et de l’absence d’effet secondaire tensionnel.
L’objectif principal était le changement de présentation de l’antigène DQ8 après 6 semaines de traitement. Cette inhibition a atteint 40 % chez 17/20 des patients. Parmi les non-répondeurs, un n’avait pas de methyldopa mesurable dans le sang et deux étaient homozygotes pour DQ8.
On retient aussi que le contrôle glycémique des patients fut meilleur (HbA1c = 6,5%), sans augmenter les doses d’insuline. Quoique cette étude soit trop courte pour apprécier la variation du C-peptide, celle-ci a été jugée favorable et les auteurs l’ont considérée comme extrapolable à un an, laissant présager une protection de la sécrétion résiduelle d’insuline vs sujets non traités.
Professeur émérite, université Grenoble-Alpes, Grenoble
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