Pour mieux comprendre les relations entre nutrition et santé

Publié le 25/11/2010
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L’étude prospective NutriNet-Santé

PAR LE Pr SERGE HERCBERG (*)

AU COURS des dernières années, divers travaux ont suggéré que des facteurs nutritionnels (alimentation et activité physique) étaient susceptibles d’influencer le risque des principales pathologies chroniques constituant les grands problèmes de santé publique en France, comme dans l’ensemble des pays industrialisés : cancers, maladies cardio-vasculaires (MCV), obésité, diabète de type 2, dyslipidémies, HTA, vieillissement… Identifier des facteurs de risque ou de protection liés à la nutrition constitue une étape indispensable pour établir des recommandations nutritionnelles visant à réduire le risque de pathologies et améliorer la santé des populations. Pour ce faire, il est indispensable de développer des études de cohortes prospectives portant sur de très grandes populations pour lesquelles sont mesurées de façon précise les apports alimentaires et collectant les informations utiles permettant de contrôler un maximum de facteurs de confusion potentiels, grâce à un phénotypage fin des sujets. Internet offre l’opportunité d’un accès à un très large échantillon de sujets volontaires et des possibilités de recueillir régulièrement de très nombreuses données qu’il est possible de collecter, stocker et traiter de façon automatisée.

L’objectif principal de NutriNet-Santé est l’étude des relations entre les apports en nutriments, aliments, comportements alimentaires et la mortalité globale et spécifique par cancer ou MCV, l’incidence des cancers, des MCV, de l’obésité et du surpoids, du diabète de type 2, de l’HTA, des dyslipidémies, du syndrome métabolique et le vieillissement et la qualité de vie. Les objectifs secondaires sont : l’étude, d’une part, des déterminants des comportements alimentaires, de l’état nutritionnel et de l’état de santé, et d’autre part, des relations entre les apports en nutriments, aliments, comportements alimentaires et des marqueurs clinico-biologiques ; la surveillance de l’évolution des apports alimentaires et de l’état nutritionnel de la population ; la mesure des niveaux d’exposition à des risques alimentaires ; l’évaluation de l’impact de campagnes ou d’actions de santé publique.

Matériel et méthodes.

Il s’agit d’une étude de cohorte prospective d’observation portant sur une large population (› 500 000 sujets inscrits pour inclure 300 000 participants réels) surveillée pendant une période suffisamment longue (10 ans). Il est prévu de recruter des adultes de plus de 18 ans, les « Nutrinautes », dont au moins 250 000 sujets de plus de 45 ans, par de vastes campagnes multimédia grand public (télévision, radio, presse écrite, Internet) lancées en avril-mai 2009. Les volontaires sont également recrutés via de multiples canaux professionnels. L’inclusion dans la cohorte restera ouverte pendant au moins 5 ans. Les Nutrinautes seront suivis grâce au site Internet dédié et s’appuyant sur les outils développés dans les études SU.VI.MAX et ENNS.

Tous les questionnaires et collectes de données sont conçus pour être remplis directement sur le site Internet. Toutes les conditions de sécurité informatique et physique des données seront assurées. À l’inclusion, les sujets remplissent un dossier de base comprenant différentes parties : questionnaires alimentaires, questionnaire sur l’activité physique, les données anthropométriques, sociodémographiques et sur le mode de vie et l’état de santé. En accord avec nos pré-tests, nous attendons un taux d’inclusion de 60 % soit à partir de 500 000 volontaires inscrits, 300 000 réellement inclus.

Dans le cadre de leur surveillance, les Nutrinautes reçoivent chaque mois un e-mail automatisé les informant sur l’avancement de l’étude et sur les nouveaux questionnaires à remplir pour compléter leur dossier. Des données sont également collectées sur la santé des participants : mortalité globale et causes de mortalité, morbidité et qualité de vie. La mortalité est suivie de façon exhaustive grâce au registre national de mortalité. Une collecte de données clinico-biologiques est également prévue sur un sous-échantillon dans le cadre de la Biobanque NutriNet-Santé. Par rapport aux autres critères de jugement, nous prévoyons un taux de 20 % d’abandons et de perdus de vue chez les sujets inclus, correspondant à un total de 240 000 participants avec un suivi de 5 ans.

Le projet s’appuie sur l’engagement de partenaires institutionnels concernés : ministères, organismes de recherche, agences et fondations Ministère de la Santé, INPES, InVS, IRESP, Inserm, INRA, CNAM, Université Paris 13 et FRM.

La banque de données et l’accès à la population constitueront un réel patrimoine scientifique national, utile à la communauté scientifique pour la recherche, l’observation, la surveillance, l’évaluation et l’aide à l’expertise. Les chercheurs souhaitent s’appuyer sur les cliniciens pour relayer leur appel au volontariat auprès de leurs patients (et leurs familles) et les inciter à participer à l’étude (voir encadré). Les cliniciens intéressés peuvent s’inscrire sur le site comme volontaires et peuvent commander gratuitement sur le site de l’étude (info.etude-nutrinet-santé) les outils de communication, de l’étude à destination de leurs patients (flyers, brochure, affiches…)

(*) Professeur de nutrition, faculté de médecine Paris 13, directeur U557 Inserm/Inra/Cnam/Paris 13, coordinateur National de l’Etude NutriNet-Santé.

En complément

Source : Bilan spécialistes